Flash BankNews n°89 | Programme de travail 2024 de L’ABE : des changements structurels dans une volonté de continuité

Le 3 octobre 2023, l’Autorité Bancaire Européenne (EBA) a publié son programme de travail pour l’année 2024 , qui s’appuie fortement sur les priorités définies pour la période 2024-2026 , et prend en compte la période de turbulence constatée pendant le premier semestre 2023.

La programmation des sujets pour la période 2024-2026, bien que s’inscrivant dans la lignée des préoccupations des régulateurs des périodes précédentes, tient compte d’importants changements pour l’EBA, qui porte désormais de nouvelles responsabilités sur les thématiques de la LCB/FT, du suivi des TIC[1], des pourvoyeurs de services tiers, et la supervision des crypto-actifs. A ce titre, le régulateur fait face a un défi en termes de ressources sur la bonne exécution de son programme et devra déployer des synergies tant internes qu’externes.

Des priorités des régulateurs aux 5 grands sujets de 2024 de l’EBA

L’EBA a défini en janvier 2023 ses axes prioritaires sur les 3 prochaines années, qui ont pour vocation à lui assurer une ligne directrice. Ces objectifs stratégiques de moyen terme sont susceptibles de se voir modifiés à la marge dans le contexte des élections européennes de l’année prochaine. Ils sont au nombre de 5 :

-       Promouvoir et implémenter un Single Rulebook efficace et proportionnel ;

-       Favoriser la stabilité financière au sein d’une économie durable ;

-       Mettre en place un système de reporting réglementaire intégré afin de faciliter le travail des autorités et promouvoir la discipline de marché ;

-       Développer la supervision de DORA et MiCAR[2] ;

-       Augmenter l’attention portée à l’innovation et aux consommateurs, et assurer une transition vers un nouveau cadre LCB/FT.

La période de turbulence de Mars 2023, et notamment parmi les banques américaines et suisses, a montré de potentielles faiblesses inhérentes dans le système financier, et est venu impacter le programme pour l’année 2024, qui tient également compte des recommandations de l’ACP[3] pour 2024. Celles-ci portent principalement sur le risque de crédit, les reportings et la transparence. De fait, l’EBA a choisi de se concentrer principalement sur 5 chantiers :

-       Implémenter le cadre de la finalisation de Bâle III et améliorer le Single Rulebook :

L’EBA aura notamment la charge de proposer les standards techniques permettant la bonne exécution de CRRIII/CRDVI, en reflétant le principe de proportionnalité, en particulier une réglementation moins complexe pour les petits établissements.

-       Piloter la stabilité financière et la durabilité dans un contexte d’incertitude et de hausse des taux d’intérêt :

Une attention particulière sera apportée à la hausse des taux d’intérêt dans l’économie et le secteur bancaire, dans un contexte inflationniste et de potentiels impacts sur le crédit. L’EBA aura également vocation à continuer de développer la cadre des risques ESG afin de permettre un meilleur pilotage et une accélération du développement du marché financier durable.

-       Fournir une infrastructure data à destination des parties prenantes :

L’EBA va devoir finaliser l’implémentation du modèle DPM[4], et ce afin d’assurer que son dictionnaire de données est exhaustif et prêt pour les futurs défis en termes de reportings.

-       Développer la supervision de DORA et de MiCAR :

Durant l’année 2024, le groupe de travail des 3 autorités européennes de surveillance ou « ESAs » (EIOPA, ESMA et EBA) vont devoir travailler sur la revue des processus et la définition des méthodologies.

-       Augmenter l’attention portée à l’innovation et aux consommateurs, et assurer une transition vers un nouveau cadre LCB/FT :

En 2024, les ESAs vont poursuivre les travaux de transition du cadre de LCB/FT, notamment en travaillant avec les autorités nationales, tout en continuant à promouvoir et encadrer l'innovation, et notamment au travers de la participation à l'académie de surveillance de la finance digitale, qui a pour but de renforcer la capacité de supervision de l'innovation en finance digitale.

Un budget de fonctionnement recentré

L’Autorité détaille également le programme envisagé pour couvrir ses chantiers, pour un budget de fonctionnement estimé à 56,2 millions d’Euros, et définit 3 typologies d’activité :

-       Les travaux à mener sur la convergence et les politiques votées :

Ce volet se concentrera sur la revue des politiques sur les risques bâlois, la liquidité, la convergence de marché, la résolution, la supervision des risques ESG, l’innovation, les services de paiement et la lutte contre le blanchiment

-       Les travaux sur l’évaluation des risques et la donnée :

Ce volet portera sur la revue des reporting et la transparence, l’analyse des risques, les stress tests, l’architecture de donnée et l’impact réglementaire

-       Les travaux de coordination et de support :

L’ABE définit la gouvernance, les ressources et les infrastructures nécessaire à la bonne exécution de ses missions.

Qu’est-il prévu au-delà de 2024 ?

L’EBA fait également mention des revues par les pairs prévues pour l’année 2025 conformément à l’article 30 du règlement sur le fonctionnement des ESAs, lesquelles porteront sur 5 sujets essentiels :

-       La supervision des règles de publication Pilier III ;

-       La supervision de la revue du risque de taux d’intérêt dans le Banking Book ;

-       La supervision de la liquidité sous le SREP ;

-       La résolution ;

-       Les normes ESG dans la gestion du risque.

Ces priorités s’inscrivent dans le programme conjoint des 3 ESAs[5] pour l’année 2024

Au travers de leur Comité conjoint (Joint Comittee), les ESAs ont prévu de continuer leurs travaux sur la protection des consommateurs et l’innovation financière, la finance durable, et DORA. Le programme conjoint fait aussi état :

-       D’évaluation des risques, en menant une analyse cross-sectorielle ;

-       La titrisation, en produisant un rapport sur l’implémentation de SECR ;

-       Le mapping des notations de crédit dans le cadre du CRR ;

-       Les conglomérats financiers ;

-       De travaux au sein du forum européen des facilitateurs de l’innovation ou « EFIF » ;

-       D’autres travaux spécifiques, et notamment sur la SFDR[6].

Au-delà des cinq chantiers cités précédemment, l’année 2024 sera également dédiée à la préparation de l’exercice de stress testing prévu pour 2025.

 

Article rédigé par David Ciolfi, Manager veille règlementaire

[1] TIC : Technologies de l’information et de la communication

[2] Digital Operational Resilience Act, Market in Crypto-Assets Regulation.

[3] Advisory Committee on Proportionality

[4] Data Point Model

[5]ESAs publish Joint Committee Work Programme for 2024 (europa.eu)

[6] Sustainable Finance Disclosure Regulation.