La transposition de « DAC 7 » commentée au BOFiP : opérateurs de plateformes, soyez prêts !

Le 7 février 2023 |
Le phénomène de « plateformisation » de l’économie numérique incite les Etats européens à se doter de nouveaux outils juridiques. C’est dans ce contexte que la « Directive on Administrative Cooperation » (UE) 2021/514 du 22 mars 2021 (« la Directive ») doit permettre une meilleure appréhension des transactions réalisées par les utilisateurs de plateformes en ligne.

S’inspirant notamment des pratiques estoniennes et françaises, la Directive amorce une harmonisation législative au niveau européen. L’administration fiscale a récemment commenté ces nouvelles mesures codifiées aux articles 1649 ter A à 1649 ter E du Code général des impôts (« CGI ») et qui s’appliquent aux opérations réalisées à compter du 1er janvier 2023 et devant faire l’objet d’une déclaration en 2024.

Un champ d’application particulièrement attractif

La doctrine fiscale reprend d’abord une définition simple de la notion d’opérateur de plateforme. Il s’agit d’une « entité concluant un contrat avec des vendeurs ou prestataires pour mettre à la disposition de ces derniers tout ou partie d’une plateforme ». On comprend aisément que cette définition permet d’inclure des opérateurs bien connus comme Airbnb, Uber ou encore Vinted.

L’administration fiscale rappelle le champ d’application territorial particulièrement attractif de ces nouvelles mesures : l’opérateur doit avoir un lien direct ou indirect avec la France. Il suffit donc de posséder un établissement stable ou son siège de direction effective sur le territoire national pour tomber dans le champ de la loi.

Un opérateur peut toutefois échapper à ces nouvelles obligations déclaratives lorsqu’il justifie annuellement que son modèle commercial est tel qu’il ne compte aucun vendeur ou prestataire couvert par le champ de la Directive.

La doctrine fiscale poursuit en précisant la nature des opérations devant faire l’objet d’une déclaration : vente de biens, fourniture de services, location d’un mode de transport ou d’un bien immobilier. Toutefois, les entités publiques ne font pas partie des utilisateurs dont les opérations doivent être reportées. Dans le même sens, les opérations des utilisateurs ayant effectué moins de trente opérations et pour lesquelles le montant total de la contrepartie est inférieur ou égal à 2 000€ sur la période de déclaration n’ont pas à être reportées.

Bercy rappelle les informations qui doivent être collectées

Le BOFIP indique d’abord que l’identification des vendeurs ou prestaires exclus du dispositif peut se faire au moyen d’informations publiques, détenues par l’opérateur en interne, ou transmises par l’intéressé. Bercy poursuit en précisant que l’opérateur met en œuvre, y compris au moyen de traitements de données à caractère personnel, les diligences nécessaires à l’identification des vendeurs ou prestataires et, le cas échéant, des biens immobiliers loués.

Lorsque ces utilisateurs sont des personnes physiques, les opérateurs doivent notamment collecter leur nom et prénom, date de naissance, adresse principale, numéro d’identification fiscale et numéro de TVA. S’agissant des personnes morales, l’opérateur de plateforme en ligne doit collecter des informations relatives à la raison ou dénomination sociale, l’adresse du siège social, le numéro d’identification fiscale, le numéro d’identification TVA et le numéro d’immatriculation de l’entité ainsi que l’existence d’établissements stables au sein de l’Union Européenne. Il doit également reporter les coordonnées bancaires du bénéficiaire de la contrepartie financière « dans la mesure où cette information lui est disponible ». On comprend donc qu’il s’agit d’une obligation de moyens. L’Etat de résidence du vendeur ou du prestataire doit aussi être indiqué. Enfin, la doctrine fiscale précise que le montant total net des contreparties perçues par un vendeur ou prestataire au cours de chaque trimestre doit être déclaré.

Les opérateurs de plateforme en ligne ont l’obligation de vérifier la fiabilité des informations qu’ils collectent. Ils doivent s’appuyer sur l’ensemble des informations et documents mis à leur disposition en interne ou grâce aux services d’identification européens et nationaux.  Ils doivent tenir un registre des démarches entreprises et des données collectées, qui doit être conservé pendant au moins dix ans.  Un utilisateur qui, après plusieurs rappels, refuse de transmettre les informations demandées, verra son compte clôturé. 

Des obligations déclaratives sanctionnées

L’administration fiscale rappelle qu’en application de l’article 1649 ter A du CGI, la déclaration doit être adressée à la DGFiP au plus tard le 31 janvier de l’année suivant la période à déclarer. Retenant une approche pragmatique, la loi de transposition prévoit qu’un opérateur est dispensé de fournir les informations nécessaires au dépôt de la déclaration, lorsqu’il est en mesure de prouver que les mêmes données ont été communiquées par un autre opérateur de plateforme.

L’administration fiscale rappelle également que la loi prévoit la possibilité de déléguer l’obligation déclarative à un tiers. Le choix du partenaire devra toutefois être étudié sérieusement dans la mesure où cette délégation n’exonère pas l’opérateur de sa responsabilité en cas de défaillance.

Lorsqu’un opérateur dispose de liens avec plusieurs Etats membres de l’Union Européenne, il lui suffit d’en choisir un et de notifier son choix aux autorités fiscales de tous les autres. Cette mesure devrait permettre de simplifier la procédure et de réduire les coûts de mise en conformité des opérateurs.

La loi de transposition prévoit enfin une double obligation d’information au bénéfice des vendeurs ou prestataires utilisateurs d’une plateforme. L’opérateur doit d’abord informer l’utilisateur de la nature des données transférées à l’administration fiscale. Il doit ensuite indiquer que ces données sont susceptibles d’être communiquées aux autorités fiscales d’Etats étrangers. La déclaration à l’administration fiscale s’effectue sur un support informatique au format XML. Le fichier devra répondre à un cahier des charges publié annuellement sur le site internet de l’Administration.

Bercy précise également que les sanctions des manquements aux obligations déclaratives feront l’objet de commentaires ultérieurs. A ce jour, les opérateurs défaillants s’exposent notamment à une amende forfaitaire plafonnée à 50 000€, et peuvent faire l’objet d’une publication sur « liste noire », conséquence du « name & shame » de plus en plus utilisé par l’Administration.

Un mouvement global de responsabilisation des opérateurs de plateforme en ligne

Ces nouvelles mesures répondent à la volonté des législateurs européens de responsabiliser les opérateurs de plateforme en ligne.   

En matière de TVA notamment, les articles 283 bis et 293 A ter du CGI autorisent par exemple l’administration à exiger d’un opérateur qu’il prenne des mesures à l’encontre des utilisateurs qui ne satisferaient pas à leurs obligations. L’opérateur peut même être tenu solidairement au paiement de la taxe due par les utilisateurs défaillants. Par ailleurs, depuis l’entrée en vigueur du nouveau paquet TVA sur le E-Commerce dans l’ensemble des Etats-Membres en juillet 2021, les plateformes numériques sont parfois elles-mêmes tenues de payer la TVA en lieu et place des utilisateurs-vendeurs (présomption de redevabilité mise en place par la fiction d’ « achat-revente »).

On constate ainsi que les législateurs entendent instaurer un véritable partage de responsabilité entre les utilisateurs et les opérateurs de plateforme numérique dans le cadre de la collecte de l’impôt. 

Cette harmonisation européenne devrait faciliter la mise en conformité des opérateurs internationaux et pourrait ainsi renforcer l’attractivité du marché européen. Il faudra toutefois rester attentif à la manière dont l’application de ces règles résiste aux mutations de l’économie numérique.

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