Que retenir des recommandations de l’ESMA et de l’AMF pour la clôture 2022 ?

Le 25 novembre 2022 |
Le 28 octobre dernier, l’ESMA et l’AMF ont publié leurs recommandations en vue de l’arrêté des comptes 2022 sur leurs sites internet respectifs. Focus sur l'essentiel à retenir.

Le 28 octobre, l’ESMA (European and Securities Market Authorities) a publié sur son site ses priorités de supervision communes au niveau européen pour les rapports financiers annuels 2022. Concomitamment, l’AMF (Autorité des Marchés Financiers) a publié les résultats de ses travaux de revue des états financiers menés entre octobre 2021 et septembre 2022, suivi de ses recommandations concernant l’arrêté des comptes 2022.

Comme en 2021, les recommandations1 des régulateurs concernant les états financiers IFRS accordent une large place à l’information sur les sujets liés au climat et rappellent l’importance de la connectivité entre informations financière et extra-financière. Ces recommandations se penchent également sur la prise en compte des conséquences de l’invasion de l’Ukraine par la Russie et, plus largement, sur l’environnement macroéconomique actuel. Elles abordent l’entrée en application d’IFRS 17 (la nouvelle norme sur les contrats d’assurance) et comprennent quelques rappels concernant les indicateurs alternatifs de performance (ou Alternative Performance Measures) et le reporting électronique (ESEF). Enfin, les recommandations de l’AMF évoquent brièvement la décision récente du Collège de l’Autorité des Normes Comptables (ANC) informant de la caducité de communiqués du Conseil national de la comptabilité (CNC).

L’intégralité des priorités de supervision communes au niveau européen de l’ESMA pour l’arrêté 2022 sont disponibles ici.

L’intégralité des recommandations de l’AMF pour l’arrêté 2022 et les résultats de ses travaux de revue des états financiers sont disponibles ici.

Impacts des risques climatiques sur l’information financière

Ce sujet ayant déjà été abordé en 2021, les régulateurs précisent que les messages présentés dans les précédentes recommandations sont toujours applicables pour l’arrêté 2022. Comme en 2021, le régulateur français recommande aux organes de gouvernance et aux comités d’audit des sociétés d'accroître leur implication sur ces sujets.

Cohérence entre états financiers IFRS, rapport de gestion et information extra-financière

Les régulateurs recommandent aux sociétés de veiller à la cohérence entre les jugements et estimations décrits dans les états financiers IFRS et l’information fournie dans le rapport de gestion et les autres sources d’information sur les conséquences des risques et opportunités liées aux enjeux climatiques. Cette cohérence est jugée clé par l’ESMA pour prévenir le risque de « greenwashing » (éco-blanchiment).

Pour les sociétés susceptibles d’être significativement exposées à ces enjeux (du fait de leur exposition aux risques climatiques et/ou d’engagements ambitieux pris en matière de contribution à la neutralité carbone), il est recommandé de détailler davantage les jugements mis en œuvre (par exemple, en explicitant les horizons de temps considérés). D’une manière générale, l’ESMA indique qu’il convient d’éviter les formulations génériques indiquant que les enjeux climatiques ont été pris en compte (par exemple, dans les tests de dépréciation), sans expliquer comment et dans quelle mesure ceux-ci affectent (ou n’affectent pas) les états financiers.

Dans leurs états financiers IFRS, il est recommandé aux sociétés de rassembler ces informations dans une note spécifique ou, alternativement, de fournir une table de renvois vers les notes des états financiers traitant de ces sujets.

Tests de dépréciation des actifs non financiers

Les régulateurs recommandent aux sociétés, lorsqu’elles appliquent IAS 36 :

  • de s’interroger sur l’existence d’indices de perte de valeur liés au changement climatique (l’ESMA cite, à titre d’exemples : des changements significatifs du marché, tels qu’une baisse significative de la demande pour des biens ou des services ; des changements significatifs de l’environnement juridique dans lequel l’actif est exploité ; des changements dans l’utilisation prévue de l’actif résultant d’engagements lié au changement climatique) ;
  • de refléter les enjeux climatiques dans les hypothèses retenues, notamment, dans le cadre de la valeur d’utilité, en s’interrogeant sur la manière la plus pertinente de le faire (flux de trésorerie, taux d’actualisation, valeur terminale – cette dernière pouvant, dans le cas d’industries fortement dépendantes aux combustibles fossiles, résulter d’un calcul reposant sur un taux de croissance nul ou négatif, comme le prévoit IAS 36 lorsque cela est approprié) ; l’ESMA rappelle qu’IAS 36 n’autorise pas à prendre en compte, dans le calcul de la valeur d’utilité, les flux de trésorerie, entrants ou sortants, générés par l’amélioration ou l’accroissement de la performance d’un actif par rapport à son état à la date de réalisation du test ;
  • de fournir une information complète en annexe sur ces hypothèses et d’adapter les analyses de sensibilité, en s’interrogeant sur la pertinence des choix d’hypothèses et d’amplitudes de variations testées.

Provisions et autres postes des états financiers

Les régulateurs invitent les sociétés à s’interroger sur les impacts de leurs engagements, juridiques ou volontaires, en matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre au regard de la norme IAS 37 – Provisions, actifs et passifs éventuels.

En complément, l’AMF invite à considérer également l’impact de ces engagements sur d’autres postes des états financiers, comme les impôts différés et les paiements en action.

Power purchase agreements

Pour leur permettre d’atteindre leurs objectifs de réduction d’empreinte carbone et/ou pour se couvrir contre la volatilité des prix, certaines sociétés ont mis en place des contrats fixant à l’avance le prix d’achat d’énergie « verte ». Ces opérations sont susceptibles de soulever différentes questions comptables, concernant notamment le contrôle exercé par la société sur une ou plusieurs entités au regard d’IFRS 10, ou encore l’analyse de ces contrats au regard d’IFRS 16 et d’IFRS 9. Les régulateurs invitent les sociétés à communiquer de manière transparente sur les impacts et le traitement comptable de ces opérations.

Plus largement, l’AMF, de son côté, semble appeler les sociétés au même effort de transparence concernant tout projet visant à réduire ou compenser les émissions de gaz à effet de serre.

Risques climatiques et institutions financières

Enfin, l’AMF recommande aux institutions financières de poursuivre l’intégration du risque climatique dans leurs estimations de pertes de crédit attendues et d’accroître les informations en annexe à ce sujet.

Invasion de l’Ukraine par la Russie

Les régulateurs rappellent que les messages inclus dans leurs communiqués au sujet des impacts de l’invasion de l’Ukraine par la Russie sur les états financiers semestriels 2022 restent d’actualité.

Présentation des impacts sur les états financiers

Compte du caractère diffus des impacts de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, une présentation séparée de ces impacts au compte de résultat pourrait être trompeuse. Les régulateurs invitent donc fortement les sociétés à plutôt présenter ces impacts (quantitatifs et qualitatifs) en annexe, de manière claire et objective. Les régulateurs rappellent que la guidance de l’ESMA sur les indicateurs alternatifs de performance s’applique aux indicateurs présentés dans les autres éléments de communication financière (par exemple, le rapport de gestion).

Analyse du contrôle

Sur les questions d’appréciation du contrôle ou de l’influence exercé sur des participations en Ukraine, en Russie ou en Biélorussie, les régulateurs insistent sur l’importance d’analyser attentivement tous les faits et circonstances. Ils invitent d’ailleurs les sociétés à détailler en annexe les caractéristiques des transactions et l’analyse qu’elles en font, en particulier lorsque celles-ci comprennent des options permettant à la société de racheter les titres cédés ou de rester impliquée auprès du management local ou dans les opérations de l’entité. Les régulateurs rappellent que de telles options peuvent devoir être comptabilisées à la juste valeur en contrepartie du résultat, en application d’IFRS 9.

Classement en actifs non courants (ou groupes) détenus en vue de la vente et activités abandonnées

Les régulateurs invitent les sociétés ayant communiqué sur leur projet de se désengager de leurs activités en Russie ou en Biélorussie à considérer attentivement les dispositions d’IFRS 5 L’AMF invite à préciser en annexe les analyses effectuées (que celles-ci conduisent ou non à l’application de dispositions d’IFRS 5). Les sociétés doivent veiller à la cohérence entre les positions retenues dans les états financiers et la communication effectuée par ailleurs.

Impacts sur les contrats d’assurance

Les sociétés bénéficiant de contrats d’assurance peuvent être amenées à s’interroger sur la comptabilisation des indemnités au titre de ces contrats (par exemple, en tant qu’actif de remboursement en application d’IAS 37, lorsque le produit est quasiment certain). L’AMF leur recommande de s’assurer que les clauses d’exclusion de ces contrats n’entraînent pas un risque de non-indemnisation.

Environnement macroéconomique

Les régulateurs relèvent que l’environnement macroéconomique actuel, à travers une combinaison de facteurs (effets persistants liés à la pandémie, hausse des taux d’intérêts, risques géopolitiques), représente à la fois une source d’incertitudes et un défi pour les sociétés et leurs activités. Les régulateurs invitent fortement les sociétés à analyser et évaluer les impacts sur leurs états financiers de l’environnement macroéconomique et à adapter en conséquence l’information fournie en annexe à ce sujet.

Tests de dépréciation des actifs non financiers

Dans un contexte de hausse des taux d’intérêt et d’incertitudes, les régulateurs invitent les sociétés à communiquer de manière transparente sur les conséquences de ce contexte sur les hypothèses clés retenues pour les tests de dépréciation des actifs non financiers, en particulier en termes de taux d’actualisation.

Par ailleurs, les régulateurs s’attendent à ce que les sociétés significativement impactées par la volatilité importante des prix des matières premières fournissent des informations détaillées sur la manière dont celle-ci est prise en compte dans les hypothèses clés (en tenant compte à la fois de l’impact des hausses de prix sur les coûts de production, de la capacité à répercuter ces hausses sur les clients et, le cas échéant, des mesures gouvernementales visant à limiter l’effet de ces hausses).

Enfin, les régulateurs invitent les sociétés à s’interroger, dans leurs analyses de sensibilité, sur l’étendue des variations raisonnablement possibles des hypothèses clés et, dans le cas de l’AMF, à considérer l’ajout d’analyses de sensibilité complémentaires.

Avantages du personnel

Lors de l’évaluation d’avantages du personnel selon des méthodes actuarielles, les régulateurs rappellent aux sociétés qu’elles doivent retenir des hypothèses mutuellement compatibles reflétant les perspectives économiques présentes, notamment concernant les augmentations de salaires. Les régulateurs s’attendent à ce que les sociétés fournissent et développent, autant que nécessaire, les informations requises par IAS 19 en matière de réconciliation (§140-141), d’hypothèses actuarielles (§144) et d’analyses de sensibilité (§145).

Chiffre d’affaires

Dans un contexte de forte inflation, les régulateurs attirent l’attention des sociétés sur la recouvrabilité des coûts d’exécution activés en application d’IFRS 15 et le risque accru de contrats déficitaires. En cas de contrats déficitaires, les régulateurs rappellent que certaines informations sont requises en annexe en application d’IAS 37.84-85 (notamment, la description des incertitudes relatives aux montants et aux échéances des décaissements et, si nécessaire, la description des principales hypothèses retenues concernant les événements futurs).

Plus largement, les régulateurs invitent les sociétés à la transparence quant aux hypothèses retenues en matière d’augmentation de leurs prix de vente pour couvrir des augmentations de coûts, que ce soit lors de l’analyse du caractère déficitaire des contrats ou de la comptabilisation de montants variables en chiffre d’affaires.

Instruments financiers

Dans un contexte de hausse des taux d’intérêt et du coût de l’endettement, les régulateurs insistent sur l’importance de fournir des informations permettant de comprendre l’exposition aux risques de taux d’intérêt et de prix de matières premières et les risques de liquidité associés, en application d’IFRS 7.31.

Pour les institutions financières, la modélisation des pertes de crédit attendues représente un défi significatif dans ce contexte, en l’absence d’expérience passée similaire. En conséquence, les régulateurs leur recommandent de développer les informations, qualitatives et quantitatives, concernant les impacts du contexte actuel sur le calcul des pertes de crédit attendues. L’ESMA souligne, comme en 2021, l’importance d’une information transparente sur l’application d’ajustements post-modèle (« management overlays ») dans l’évaluation des pertes de crédit attendues. En outre, dans la mesure où le contexte actuel affecte de manière différenciée les secteurs, les régulateurs appellent les institutions financières à prendre davantage en compte des facteurs sectoriels spécifiques lors de l’évaluation des pertes de crédit attendues et à détailler en annexe les informations sur les concentrations de risques relatifs à certains secteurs.

Les régulateurs rappellent que les dispositions d’IFRS 9 relatives au reclassement d’actifs financiers ne s’appliquent qu’en cas de changement du modèle d’activité pour la gestion de ces actifs. L’ESMA précise qu’elle s’attend donc à ce que de tels reclassements restent rares, même dans le contexte macroéconomique actuel. Lorsqu’un tel reclassement survient, les régulateurs rappellent que des informations détaillées sont requises en annexe, en application d’IFRS 7.12B-12D.

Concernant la comptabilité de couverture, l’AMF recommande de fournir une information en annexe en cas d’impacts significatifs liés à la fin de la comptabilité de couverture du fait de la disparition du caractère hautement probable de la transaction générant les flux de trésorerie couverts.

1 Consultez les communiqués de l’ESMA et de l'AMF

Découvrez l'étude relative aux recommandations de l'EMSA et de l'AMF pour la clôture 2022

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