Van Gogh au musée d’Orsay : dans les coulisses d’une exposition exceptionnelle

C’est l’une des expositions les plus attendues de l’année. Co-organisée par le musée d'Orsay et le musée Van Gogh d’Amsterdam, l’exposition « Van Gogh à Auvers-sur-Oise. Les derniers mois », rassemblera une quarantaine de tableaux, dont plusieurs chefs- d'œuvre. Entretien exclusif avec Clémence Maillard, Directrice des expositions des musées d’Orsay et de l’Orangerie.

Comment s’est déroulée la collaboration avec le musée Van Gogh d’Amsterdam, coproducteur de l’exposition ?

Cette exposition, exceptionnelle par son ampleur, est le fruit d’un long processus, puisque les premières discussions ont démarré en 2019. C’est l’aboutissement d’un long travail de négociation : en effet, le musée Van Gogh et le musée d’Orsay se garantissent mutuellement et très exceptionnellement le prêt de certains de leurs chefs d’œuvre. En l’occurrence, nous lui prêtons l’Église d'Auvers-sur-Oise, considérée comme une œuvre majeure de nos collections et plus largement du patrimoine français. En échange, le musée néerlandais nous prête le célèbre Champ de blé aux corbeaux. Avoir ces deux œuvres rassemblées dans une seule exposition, est historique. Au total, nous nous prêtons mutuellement huit œuvres. C’est ce qui fait toute la force de cette exposition. 

Eglise Auvers sur Oise_Mecenat

L'église d'Auvers-sur-Oise, vue du chevet en 1890, huile sur toile ©Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt

Avez-vous rencontré des difficultés ?

Dans le cas d’une exposition commune entre deux musées, il faut déterminer précisément les rôles de chacun, notamment sur les questions d’assurance et de transport. Cela requiert un véritable travail de dentelle contractuelle, et un casse-tête logistique à résoudre pour le transport des œuvres d’un musée à l’autre.

La valeur totale des œuvres présentées est considérable. Comment assurer des œuvres parfois considérées comme inestimables ?

Il faut bien comprendre qu’il s’agit ici d’œuvres exceptionnelles et quasi inestimables, qui ne sont habituellement jamais déplacées pour des raisons de conservation. La question des assurances est primordiale. Sur une exposition d’une telle valeur, les primes d’assurances sont colossales et ne peuvent être entièrement absorbées par les finances du musée.

En tant que musée national, nous avons fait appel à la garantie d’Etat, un dispositif applicable uniquement aux musées nationaux permettant la tenue d’expositions temporaires prestigieuses. Il s’agit d’une “garantie clou à clou”, c’est-à-dire du décrochage de l’œuvre à son retour sur son lieu d’exposition. De nombreuses expositions n’auraient sans doute jamais pu voir le jour sans l’existence de ce dispositif.

Comment décide-t-on de la durée d’une exposition ?

Bien entendu, plus l’exposition est longue, plus les musées entrent dans leurs frais. Cependant, nous ne pouvons pas exposer les œuvres éternellement pour des raisons liées à leur conservation: malgré toutes les précautions prises, il y a toujours un risque à transporter et manipuler, des œuvres d’art. Certaines œuvres ne supportent pas une exposition trop longue à la lumière… Or, nous devons veiller à transmettre ce patrimoine aux générations futures.

Ensuite, les temps de montage et de démontage sont assez conséquents, et nous avons une politique de programmation ambitieuse : il est donc compliqué, dans une année de 12 mois, d’excéder 3 à 4 mois d’exposition.

Votre œuvre coup de cœur ?

Une belle découverte : Racines, dernière toile connue de Vincent Van Gogh. Elle a été peinte le jour même de son suicide, des suites duquel il succomba deux jours plus tard. C’est une œuvre très étonnante, et je la trouve personnellement, porteuse d’un symbole fort.

Racines_Mecenat

Racines, Auvers-sur-Oise, Juillet 1890, Huile sur toile © Van Gogh Museum, Amsterdam (Vincent van Gogh Foundation)

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