Newsletter Legal & Tax Alert #19

Newsletter Legal & Tax Alert #19 | Février 2024
Nous sommes ravis de vous faire partager notre Lettre Juridique et Fiscale, qui reprend les points clefs de l’actualité législative et jurisprudentielle du mois de Février. Vous y retrouverez notamment des informations sur le BSPCE et le surcis d'imposition, sur le régime TVA des NFT, sur les conditions d’admission d’une preuve déloyale ou illicite au débat judiciaire, sur le dépôt des déclarations des contributions pharmaceutiques et dispositifs médicaux et bien d'autres sujets encore...

Brève | BSPCE et sursis d’imposition : le Conseil d’Etat censure la doctrine administrative

Par Emilie Manuel et Lara Thivilier, Avocates | Mazars Société d’Avocats

Par une décision de rescrit publiée dans le cadre d’une mise à jour du BOFIP en date du 25 mai 2023[1], l’administration fiscale avait apporté des précisions concernant les modalités d’imposition des gains résultant de l’apport de titres souscrits en exercice de bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSCPE) sur le fondement du I de l’article 163 bis G du CGI.

Elle avait notamment précisé que le gain résultant de l’apport de titres reçus en exercice des BSPCE ne bénéficiait pas du mécanisme du sursis d’imposition et était imposé au titre de l’année de l’apport. Pour rappel, les gains résultant de l’exercice et de la cession de BSCPE sont en principe tous deux imposés à la date de la cession des titres reçus lors de l’exercice des bons.

Un recours pour excès de pouvoir a été déposé devant le Conseil d’Etat afin de faire annuler les commentaires du BOFIP.

Le Conseil d’Etat est venu censurer le 5 février 2024 la doctrine administrative et a indiqué que « en cas d'apport à une société non contrôlée par l'apporteur de titres souscrits en exercice de tels bons, le gain résultant de cet apport n'est pas immédiatement taxable mais bénéficie du sursis d'imposition prévu par les dispositions de l'article 150-0 B du code général des impôts ».

Il est possible de s’interroger sur la portée que cette décision pourrait avoir en matière de report d’imposition lors d’un apport à une société contrôlée. Affaire à suivre !

[1] BOI-RES-RSA-000127, 25/05/2023

2 Arrêt du Conseil d’Etat du 5 février 2024, N° 476309 

Brève | Régime TVA des NFT : l’administration met à jour sa base BOFIP

Par Anne-Sophie Palacin, Avocate Associée / Raphaël Marik, Avocat Associé | Mazars Société d’Avocats

Dans une mise à jour de la base BOFIP en date du 14 février 2024 (BOI-RES-TVA-000140) l’administration fiscale publie un rescrit qui vient préciser le régime de la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux jetons non fongibles (NFT).

Les NFT sont définis comme « des fichiers informatiques uniques, crées et stockés sur un registre numérique de suivi de transactions dénommé « chaîne de blocs » (« blockchain ») ». Ces NFT sont généralement des certificats numériques. 

Pour les opérations dont le jeton n’est qu’un certificat de propriété d’un bien corporel ou incorporel, le régime TVA applicable sera celui du sous-jacent. Ces opérations ne peuvent relever de l’exonération des opérations bancaires et financières. 

Le rescrit précise également les régimes des cartes numériques de collection associées à des NFT (prestations de services fournies par voie électronique), celui des œuvres graphiques numériques associées à des NFT (livraisons d’œuvres d’art si les critères sont remplis), ainsi que celui de la création d’un jeu vidéo financé par l’émission de NFT (non soumis à TVA compte tenu de l’aléa ne permettant pas de qualifier une contrepartie).

Brève | Une preuve déloyale ou illicite peut être déclarée recevable devant le juge civil

Par, Pauline Righini, Avocate | Mazars Société d’Avocats

Par un arrêt de son assemblée plénière en date du 22 décembre 2023[1] rendu au visa de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 9 du code de procédure civile, la Cour de cassation a précisé les conditions d’admission d’une preuve déloyale ou illicite au débat judiciaire.

Il y a ainsi lieu de considérer que, dans un procès civil, l'illicéité ou la déloyauté dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduisent pas nécessairement à l'écarter des débats.

Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence ; le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

Le juge civil ne peut donc plus écarter d’office une preuve illicite ou déloyale. Il doit au préalable procéder à un contrôle de proportionnalité. La Chambre sociale de la Cour de cassation a déjà eu l’occasion d’appliquer cette nouvelle méthode en approuvant le raisonnement de la Cour d’appel qui avait écarté la retranscription d’un enregistrement des membres du CHSCT après avoir retenu que le salarié produisait d’autres éléments de preuve qui laissaient supposer l’existence d’un harcèlement moral.

[1]Cass. Plén., 22 déc. 2023, n° 20-20.648 ; Cass soc. 17 janv. 2024 n° 22-17474

Brève | Dépôt des déclarations des contributions pharmaceutiques et dispositifs médicaux : dernière ligne droite 

Par Raphaël Marik, Avocat Associé et Elise Pottier, Avocate Senior Manager | Mazars Société d’Avocats

Les entreprises du secteur pharmaceutiques doivent procéder au dépôt et au paiement de leurs contributions spécifiques avant le 1er mars 2024 à 12h. Il s’agit des contributions suivantes : taxe sur le chiffre d’affaires 2023, contribution sur les ventes dites « en gros » réalisées en 2023 et contribution sur les dépenses de promotion des médicaments et des dispositifs médicaux exposées au cours de l’exercice fiscal dont la date de clôture est intervenue entre le 1er décembre 2022 et le 30 novembre 2023.

Les chiffres d’affaires relatifs aux contributions montants M et Z (clauses de sauvegarde) devront quant à eux être déclarés au plus tard le 1er avril 2024.

De nombreux dispositifs et pistes de rationalisation sont susceptibles d’être mis en place afin de calculer la base d’imposition de ces différentes contributions au plus près de la réalité. En effet, concernant notamment la contribution sur les dépenses de promotion, de nombreux contentieux URSSAF trouvent leur origine dans le défaut de justification des différentes activités réalisées par le personnel vu comme situé dans le champ de cette taxe du fait du défaut de réalisation d’une étude fonctionnelle et de la production d’un agenda complet. Par ailleurs, concernant les dépenses de congrès, certains critères pourraient permettre d’exclure certaines typologies de dépenses. Nos équipes restent à votre disposition pour effectuer une revue de vos bases d’imposition sur le sujet.

Brève | Refus de prorogation du terme d’une société et abus de minorité

Par Victor Fayad-Walch, Avocat Senior Manager et Marie Barcat, Avocate | Mazars Société d’Avocats

La troisième chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcée pour la première fois sur l’existence d’un abus de minorité en cas de refus de prorogation du terme d’une société dans un arrêt du 7 décembre 2023[1]

Pour rappel, l’abus de minorité suppose l’existence d’un vote, en assemblée générale, qui soit contraire à l’intérêt social de la société au profit de l’intérêt personnel de l’associé minoritaire.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation précise que le refus de proroger le terme d’une société constitue un abus de minorité, lorsque ce refus est contraire à l’intérêt général de la société et a pour unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment de ceux de l’ensemble des autres associés, en l’espèce dans le but pour le minoritaire d'obtenir la dissolution de la société et de percevoir un boni de liquidation.

[1] Cass. Civ. 3ème., 7 décembre 2023 n°22-18.665

Brève | Liquidation d’une SAS et responsabilité pour insuffisance d’actif du représentant légal

Par Victor Fayad-Walch, Avocat Senior Manager et Chloé Monnier, Avocate | Mazars Société d’Avocats

Dans un arrêt de la chambre commerciale du 13 décembre 2023[1], la Cour de cassation a estimé que la liquidation judiciaire d’une société par actions simplifiée (SAS) peut entrainer non seulement la mise en œuvre de la responsabilité de la présidente personne morale pour insuffisance d’actif, mais aussi celle du représentant légal personne physique de cette présidente de SAS.

Selon la Cour, cette solution s’applique indifféremment de la qualité de dirigeant de droit ou de fait de la société présidente.

L’arrêt apporte une précision intéressante : si la désignation d’un représentant permanent personne physique est facultative dans une SAS (alors qu’elle est obligatoire dans une SA), il reste que l’article L. 227-7 du Code de commerce prévoit que les dirigeants d’une personne morale sont susceptibles d’encourir les mêmes responsabilités civile et pénale que s’ils étaient président ou dirigeant en leur nom propre.

La solution s’inscrit dans un contexte de responsabilisation des dirigeants d’entreprises et plus précisément de personnes qui sont à la tête de sociétés elles-mêmes dirigeantes.

Autrement dit, la personne devant in fine « payer l’addition » n’est pas inévitablement une personne morale !

[1] Cass. Com. 13 décembre 2023 n°21-14.579

Brève | Arrêts maladie et congés payés : quel impact fiscal à la clôture de l’exercice 2023 ?

Par Zakaria Dakdaki, Avocat Manager et Coleen Thomas, Avocate | Mazars Société d’Avocats

Par trois décisions rendues le 13 septembre 2023[1], la Haute Cour décide qu’un salarié acquiert des droits à congés payés pendant un arrêt pour maladie ayant une origine professionnelle ou non. Cette jurisprudence novatrice n’est pas sans conséquence d’un point de vue fiscalo-comptable.

Les arrêts rendus le 13 septembre 2023, en reconnaissant l’acquisition de droits à congés payés pendant les arrêts de travail, impactent les entreprises dès la clôture de l’exercice 2023. Les entreprises devront en effet tenir compte de ces décisions sur la comptabilisation des congés payés de leurs salariés, en distinguant les arrêts de travail passés des arrêts en cours ou futurs.

Concernant les arrêts de travail passés

Si la société décide de payer spontanément les congés payés, elle pourra doter une provision pour charge de personnel qui sera déductible du résultat fiscal, à condition qu’elle ait pris un engagement ferme de verser ces sommes à la clôture de l’exercice[2].

A défaut d’engagement formel, la société pourra décider de doter une provision pour litige fiscalement déductible, s’il est probable qu’un salarié réclame le paiement de congés payés et qu’il ait formulé une demande d’indemnisation à la clôture de l’exercice[3].

Concernant les arrêts de travail en cours ou futurs

Chaque société concernée devra doter une provision pour congés payés d’un montant égal aux droits accumulés pendant les périodes d’arrêt, dès lors qu’ils sont dus. Cette provision sera déductible du résultat imposable à la clôture de l’exercice.

[1] Cass. soc., 13 septembre 2023 n°22-17.340, n°22-17.638 et n°22-17.344

[2] BOI-BIC-PROV-30-20-10-12/09/2012 n°1

[3] CE 7 août 2008, n°287712

Brève | Le rejet de la TVA déductible en cas de participation à un shéma de fraude

Quentin GUERILLOT, Avocat - Mazars Société d’Avocats

Conformément à l’article 272 du Code Général des Impôts, la TVA afférente à une livraison de biens ou à une prestation de services ne peut faire l'objet d'aucune déduction lorsqu'il est démontré que l'acquéreur savait ou ne pouvait ignorer que, par son acquisition, il participait à une fraude consistant à ne pas reverser la taxe due à raison de cette livraison ou de cette prestation

La Cour administrative d’appel de Toulouse a rappelé dans une décision du 11 janvier 2024 que même si l’administration fiscale ne peut exiger de manière générale d’un assujetti qu’il vérifie que l’émetteur d’une facture remplit ses obligations de déclaration et de paiement de la TVA, un opérateur avisé doit en revanche prendre ce type de renseignements lorsqu’il existe des indices permettant de soupçonner l’existence d’irrégularités ou d’une fraude.

Ainsi, le cumul d’indices doit alerter l’acquéreur sur son fournisseur notamment lorsque la société de ce dernier est de création récente, que son activité économique déclarée apparaît sans lien avec les livraisons de biens effectuées, qu’il ne dispose pas du personnel et des moyens d’exploitation nécessaires à son activité et enfin lorsque les prix proposés sont anormalement inférieurs au prix du marché.

Dès lors que ces indices existent, la Cour indique que l'opérateur peut compléter son examen en demandant à son fournisseur de produire une attestation de régularité fiscale. Cependant une telle attestation n'a aucune valeur concernant une entreprise pour laquelle la date de souscription de ses déclarations de TVA n'est pas encore intervenue.

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Anne-Sophie Palacin
Anne-Sophie Palacin Associée – Mazars Société d’Avocats, Fiscalité Paris

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