Newsletter Legal & Tax Alert #11

Newsletter Legal & Tax Alert #11 | Mai 2023
Nous sommes ravis de vous faire partager notre Lettre Juridique et Fiscale, qui reprend les points clefs de l’actualité législative et jurisprudentielle du mois de mai.
Vous y retrouverez notamment des informations sur le projet de directive "ATAD 3", mais aussi sur la TVA en matière d'opérations complexes uniques, ou encore sur l'instauration d'une présomption de démission et enfin sur la taxe sur les salaires et bien d’autres sujets encore…

Brève | Point d’étape sur le projet de directive ‘ATAD 3’ de lutte contre les entités écrans après son passage au Parlement européen

Par David Chrétien, Avocat Associé | Mazars Société d’Avocats et Kahina Touami, Avocate | Mazars Société d’Avocats
Le projet de directive de l’UE, dite (‘ATAD 3’) a connu une nouvelle étape début 2023, avec le vote par le Parlement Européen d’un texte en compromis avec le Conseil Européen EcoFin[1].

Ce texte confirme (i) le large champ d’application de la directive englobant toutes les entités pouvant être considérées comme résidentes fiscales de l’UE (principalement les holdings manquant de substance) ainsi que (ii) l’application d’un safe harbor bénéficiant aux entités financières régulées.

Pour leur part, les entités hors-UE se trouvent sont hors de portée de cette directive (avec un donc un risque de ‘contournement’ de celle-ci) mais la justification de leur substance reste un enjeu, à peine de perdre leur éligibilité aux conventions fiscales internationales[2]

L’UE travaille parallèlement sur un paquet fiscal destiné à limiter davantage le recours aux entités fictives et à la planification fiscale agressive, incluant un volet dissuasif du recours à des entités hors-UE: il s’agit en particulier de l’initiative ‘SAFE[3] et qui pourrait consister à cibler les facilitateurs et intermédiaires mettant en place des structures utilisant des entités fictives de pays tiers.

[1] https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2023-0004_FR.html

[2] CE 13-10-1999 n°191191 ‘Diebold Courtage’ : même si une convention fiscale ne contient pas une référence explicite à la caractérisation d’un bénéficiaire effectif pour un revenu, elle doit être interprétée en ce sens

[3] Securing the activity framework of enablers (SAFE)

Brève | Une nouvelle décision TVA en matière d’opérations complexes uniques

Par Pauline Girard, Avocat Manager | Mazars Société d'Avocats et Nicolas Burgle, Avocat | Mazars Société d'Avocats

Par une décision en date du 20 avril 2023[1], la CJUE s’est prononcée sur la qualification d’une opération complexe unique. Au cas d’espèce, il s’agissait de déterminer si un ensemble d’opérations se composant de la livraison d’électricité à des véhicules électriques via des bornes ainsi que de services accessoires comme la mise à disposition d’une application informatique constituait une livraison de biens ou une prestation de services aux fins de la TVA.

La cour rappelle qu’il convient de procéder en deux temps. D’une part, il est nécessaire de rechercher si l’opération donne lieu à plusieurs opérations distinctes ou à une prestation unique. D’autre part, il faut considérer les éléments caractéristiques et prédominants de l’opération.

La cour précise également que plusieurs opérations doivent être considérées comme formant une prestation unique lorsque plusieurs éléments fournis par l’assujetti sont si étroitement liés qu’ils forment une prestation économiquement indissociable dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel.

Au cas particulier et en opposition avec l’argumentation de la juridiction nationale polonaise, la cour relève que l’acheminement de l’électricité constitue l’élément caractéristique et prédominant de la prestation unique et que l’opération complexe doit dès lors être qualifiée de livraison de biens en matière de TVA.

[1] CJUE, 20 avril 2023, C-282/22, Dyrektor Krajowej Informacji Skarbowej c/ P. w W.

Brève | L’instauration d’une présomption de démission

Par Alexandre Ebtedaei, Avocat Associé | Mazars Société d'Avocats et Nicolas Barbret, Avocat | Mazars Société d’Avocats

Accueillie fraîchement par les entreprises et leurs conseils, la loi « marché du travail » du 21 décembre 2022 a mis en place une présomption de démission lorsqu’un salarié abandonne volontairement son poste. Un décret du 17 avril 2023 est venu compléter cette loi, et permettre son l’entrée en vigueur.

Jusqu’à récemment, il était de principe que « la démission ne se présume pas et suppose l’existence d’une manifestation de volonté claire et non équivoque de la part du salarié. L’abandon de poste ne permet pas de caractériser une démission. ». Or, le législateur vient de remettre en cause ce principe, en prévoyant que, désormais, que le salarié qui abandonne volontairement son poste, et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence dans un délai d’au moins 15 jours fixé par l’employeur est présumé démissionnaire à l’expiration de ce délai.

La présomption de démission suppose que l’abandon de poste ne doit pas avoir été contraint, par exemple s’il est dû au comportement fautif de l’employeur.

Le salarié peut se prévaloir d’un motif légitime de nature à faire obstacle à la présomption de démission (ex. : raisons médicales, l’exercice du droit de retrait ou du droit de grève, le refus du salarié d’exécuter une instruction contraire à une réglementation, la modification du contrat de travail par l’employeur…). Le motif invoqué doit être indiqué, de manière circonstanciée, dans la réponse à la mise en demeure de l’employeur.

Étant une simple présomption, le salarié demeure en droit de contester la rupture de son contrat de travail fondée sur cette loi, en saisissant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes qui se prononce (en théorie) dans un délai d’un mois.

Mesure essentiellement destinée à réduire le nombre d’inscrits à Pôle emploi (les démissionnaires sont exclus de la couverture par l’assurance chômage), son principe comme les modalités de son application sont unanimement critiqués, tant par la doctrine, que par les praticiens du droit social.

Reste à savoir si la possibilité, autrefois offerte aux employeurs de licencier le salarié pour faute grave en cas d’abandon de poste reste valable, ou si le caractère d’ordre public des dispositions sur la présomption de démission vise à éliminer toute autre alternative.

Brève | Le choix de ne pas opter pour le régime d’intégration fiscale ne devrait pas être un frein à l’application de la QPFC réduite, dans certaines situations

Par Iosif Cozea, Avocat Associé | Mazars Société d’Avocats 

En principe, depuis le 1er janvier 2016, la QPFC de 5% applicable au montant total des produits de participation ouvrant droit au régime mère-fille pouvait être réduite à 1% pour les distributions perçues par une société membre d’une intégration fiscale française de la part de ses filiales établies dans un autre Etat de l’UE ou de l’EEE qui rempliraient les conditions pour être membres de l’intégration fiscale si elles étaient établies en France. La jurisprudence Stéria et par la suite la LFR 2015 alignent le régime applicable à ces distributions avec celui des distributions des dividendes entre sociétés membres d’une intégration fiscale en France.

La QPFC de 5% demeurait applicable dès lors que, même si toutes les conditions ci-dessus étaient remplies, les sociétés françaises bénéficiaires des dividendes n’avaient pas opté, en France, pour l’application du régime de l’intégration fiscale.

En juin 2022, le Conseil d’Etat a interrogé la CJUE sur la conformité à la liberté d’établissement de la législation française concernant le refus d’appliquer la QPFC de 1% aux dividendes versés par une filiales établie dans un Etat de l’UE ou de l’EEE à des sociétés françaises n’ayant pas opté, par choix, pour l’application du régime de l’intégration fiscale en France.

La CJUE s’est prononcé le 11 mai 2023 (aff. C-407/22 et C-408/22) et a jugé que le régime français était contraire à la liberté d’établissement. Si cette position ne vient pas résoudre la question des dividendes versés entre sociétés françaises non intégrées (par choix), elle ouvre désormais la possibilité d’appliquer la QPFC de 1% aux dividendes perçus par des sociétés françaises non intégrées (par choix) de la part de leurs filiales remplissant les conditions pour bénéficier de cette QPFC réduite. 

Brève | En matière de taxe sur les salaires, des conditions d’exonération cumulatives

Par Fabrice Adou, Avocat | Mazars Société d’Avocats 

Selon l’article 231 Code général des impôts, sont soumises à la taxe sur les salaires les rémunérations versées par les entreprises non assujetties à la TVA au titre de l’année en cours et par les entreprises qui n’ont pas été assujetties à la TVA sur au moins 90% de leur chiffre d’affaires au titre de l'année précédente.  

Dans une décision rendue le 31 mars 2023, le Conseil d'État a statué sur les conditions d'exonération de la taxe sur les salaires.  

Dans l’affaire jugée le 31 mars dernier, la société Legris Industries avait contesté des rappels en matière de taxe sur les salaires, car bien qu'elle ait été assujettie à la TVA sur la totalité de son chiffre d'affaires de l'année en cours, elle n'avait pas atteint le seuil de 90 % d'assujettissement à la TVA l'année précédente.  

A la suite du pourvoi en cassation du Ministre, le Conseil d’Etat a été amené à se prononcer sur la question de savoir si les critères d’exonération à la taxe sur les salaires étaient alternatifs ou cumulatifs.  

Dans sa décision, le Conseil d'État a jugé que pour ne pas être redevable de la taxe sur les salaires, une personne ou un organisme doit non seulement être assujetti à la TVA sur au moins une partie de son chiffre d'affaires de l'année en cours, mais aussi avoir été assujetti à la TVA à hauteur d'au moins 90 % de son chiffre d'affaires de l'année précédente. 

Ainsi, cette décision établit que le non-assujettissement à la taxe sur les salaires nécessite de remplir cumulativement les critères suivants : être assujetti à la TVA sur au moins une partie de son chiffre d'affaires de l'année en cours et avoir été assujetti à la TVA à hauteur d'au moins 90 % de son chiffre d'affaires de l'année précédente. 

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Alexandre Ebtedaei
Alexandre Ebtedaei Avocat Associé France, Mazars Société d'Avocats - Paris

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