Flash BankNews n°58 - 5ème Directive anti-blanchiment : quels impacts ?

La 5ème Directive (UE) 2018/843 du Parlement européen et du Conseil, modifiant la Directive (UE) 2015/849 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme (LCB-FT) a été transposée en droit français par l’ordonnance n° 2020-115 du 12 février 2020 et ses deux décrets d’application (n°2020-118 et 2020-119). Ces textes viennent apporter des modifications au Code monétaire et financier, au Code de commerce, au Code général des impôts ainsi qu’au Code de la propriété intellectuelle.

Cette 5ème Directive s’inscrit dans le cadre d’un travail visant à renforcer le dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme initié depuis les années 90 :

schéma 5eme directive LCB-FT

Si la 4ème Directive LCB/FT (2015/849/CE) a considérablement modifié le paysage réglementaire relatif à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, les apports de la 5ème Directive sont quant à eux plus modestes.

Le décret d’application n°2020-119 renforce les compétences de Tracfin et apporte des précisions concernant l’organisation du Conseil d'orientation de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Les apports du décret n°2020-118 emportent davantage de conséquences auprès des personnes assujetties aux obligations de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Ainsi, les modifications introduites par la 5ème Directive ne s’inscrivent pas dans une logique de bouleversement du cadre antérieur mais renforcent le dispositif de LCB/FT.

Voici ces principaux objectifs.

Prévoir l’assujettissement aux règles LCB-FT de certains prestataires de services liés aux actifs numériques

Publiée au Journal officiel le 23 mai 2019, la loi PACTE a anticipé en France la transposition de la 5ème Directive en instaurant un cadre juridique pour les prestataires de services sur actifs numériques (PSAN). L’article L. 561-2 du Code monétaire et financier (CMF), recensant les entités assujetties aux obligations LCB/FT, a été modifié afin d’y inclure la conservation pour le compte de tiers d’actifs numériques, le service d’achat ou de vente d’actifs numérique en monnaie ayant cours légal (7° bis de l’article L. 561-2 du Code monétaire et financier), les émetteurs de jetons (7° ter de l’article L. 561-2 du Code monétaire et financier) ainsi que les prestataires agréés pour la fourniture d’un ou plusieurs services relatifs aux actifs numériques (7° quater de l’article L. 561-2 du Code monétaire et financier).

Les PSAN doivent désormais mettre en place un dispositif permettant d’identifier la clientèle partie à une transaction sur les actifs numériques, mettre en place un dispositif LCB/FT (procédures, politique, classification des risques), prévoir des mesures de vigilance et de désigner un correspondant / déclarant Tracfin. De plus l’article L561-19 du CMF autorise les PSAN à révéler à l’autorité judiciaire, aux officiers de police judiciaire agissant sur délégation que des informations ont été transmises à Tracfin.

Préciser les mesures à mettre en œuvre dans le cadre de la connaissance client

La transposition de la 5ème Directive entraîne une modification des diligences de connaissance client. Cela se traduit par une simplification des modalités de vérification d'identité du client pour les entrées en relation d'affaires à distance, par la recherche du lieu de direction effective de l’activité pour les personnes morales, par l’identification des personnes agissant pour le compte des clients par des moyens alternatifs d’identification et de vérification de l’identité du client.
La nouvelle rédaction de l’article L. 561-10 du Code monétaire et financier marque, par ailleurs, la fin de l'obligation de vérification du domicile préalable à l'ouverture d'un compte. La vérification de l'identité d’une personne morale peut être réalisée en obtenant une copie certifiée du document directement via les greffes des tribunaux de commerce ou un document équivalent en droit étranger.

Harmoniser les mesures de vigilance renforcées à mettre en œuvre à l’égard des relations d’affaires ou des opérations impliquant des pays tiers à haut risque

Les obligations en cas de risque faible ou de risque élevé de blanchiment de capitaux ou de financement de terrorisme lorsque l'opération implique un pays tiers à haut risque, sont complétées.
Les établissements bancaires évaluent le niveau d'équivalence des obligations en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme d'un pays tiers en tenant compte notamment des informations et déclarations diffusées par le Groupe d'action financière ainsi que des listes publiées par la Commission européenne. Ils doivent être en mesure de justifier auprès des autorités de contrôle leur analyse.

Les spécificités des opérations doivent être prises en compte afin d’ajuster l’intensité des mesures complémentaires à appliquer. Ainsi, pour les opérations en lien avec un pays tiers à haut risque, les informations supplémentaires suivantes doivent être recueillies « la connaissance de leur client et, le cas échéant, de son bénéficiaire effectif, la nature de la relation d'affaires, l'origine des fonds et du patrimoine du client et, le cas échéant, du bénéficiaire effectif, ainsi que l'objet des opérations envisagées ou réalisées ».

Par ailleurs, « une surveillance renforcée de la relation d'affaires est mise en œuvre en augmentant le nombre et la fréquence des contrôles réalisés et en adaptant les critères et seuils en fonction desquels les opérations doivent faire l'objet d'un examen plus approfondi ».
En complément de ces mesures, les établissements bancaires appliquent, au moins l'une des mesures suivantes mentionnée dans le deuxièmement de l’article R.561-20-4 du Code monétaire et financier : des éléments supplémentaires de vigilance renforcée, mise en place de mécanismes renforcés de suivi ou de signalements destinés au responsable du dispositif LCB/FT, limitation des relations d'affaires ou des transactions avec des personnes physiques ou tout autre entité provenant d'un pays tiers à haut risque.
L’article R.561-20-5 du Code monétaire et financier vient de surcroit durcir les relations avec les pays tiers à haut risque en apportant des précisions concernant les mesures restrictives d'exercice avec des pays tiers à haut risque BC/FT.

Renforcer la transparence des personnes morales et structures juridiques complexes en élargissant l’accessibilité des registres des bénéficiaires effectifs

Le décret n°2020-118 détermine les modalités de déclaration et de consultation du registre des bénéficiaires effectifs. Les établissements assujettis aux obligations LBC/FT auront accès à l’intégralité des informations relatives aux bénéficiaires effectifs à condition d'avoir établi une déclaration signée par le représentant légal de l’établissement assujetti ou par une personne dûment habilitée en son sein.

Le décret apporte également des précisions concernant les obligations relatives à la vérification du bénéficiaire effectif en invitant les entités assujetties à consulter systématiquement les registres dédiés et à notifier toute divergence constatée entre les informations inscrites dans le registre des bénéficiaires effectifs et les informations sur les bénéficiaires effectifs dont elles disposent (y compris l’absence d’enregistrement de ces informations).

Certaines informations du registre des bénéficiaires effectifs sont désormais ouvertes au public. Un mécanisme de signalement des divergences entre les informations détenues sur le bénéficiaire effectif par différentes sources (registre, entités assujetties, autorités de contrôle) a été instauré.

Des précisions sont apportées concernant l’extension de l’exemption de recherche des bénéficiaires effectifs lorsque le client est une société dont les titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé soumis à des obligations de publicité conformes au droit de l'Union européenne ou qui est soumise à des normes internationales équivalentes garantissant une transparence adéquate des informations relatives à la propriété du capital.

Les autres mesures

La 5ème Directive entraîne une adaptation de certaines dispositions applicables en matière de contrôle et de procédure internes.

Des précisions sont également apportées concernant le recours à un tiers pour mener les obligations de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Les tiers transmettent sans délai aux établissements bancaires les informations recueillies dans le cadre de la mise en œuvre des mesures de vigilance et, à première demande, la copie des documents afférents. Par dérogation et pour le recours à un tiers appartenant au même groupe, le contrat d’externalisation peut désormais être remplacé par une procédure interne établie au niveau du groupe.

Les notions de correspondance bancaire et de compte de passage sont désormais définies. Dans le cadre d’une relation de correspondance bancaire, les établissements bancaires s'assurent, lorsqu'elles accueillent des comptes de passage, que l'établissement de crédit cocontractant a vérifié l'identité des clients ayant un accès direct à ces comptes de correspondant et qu'il a mis en œuvre à l'égard de ces clients des mesures de vigilance adéquates. Les établissements bancaires doivent également s’assurer que l'établissement cocontractant peut, à leur demande, leur fournir des données pertinentes concernant ces mesures de vigilance.

La transposition en droit français de la 5ème Directive spécifie les règles de contrôle du respect des obligations par les différentes autorités de supervision et les sanctions applicables ainsi que la coopération des superviseurs financiers avec l'Autorité bancaire européenne. Des précisions sont également apportées concernant les compétences de Tracfin et le texte élargit la composition du Conseil d'orientation de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et renforce sa mission de coordination et concernant les modalités de transmission des informations relatives au bénéficiaire effectif des personnes inscrites au RCS.

Certaines de ces mesures ont un impact opérationnel pour les établissements. Nos équipes spécialisées en LCB/FT sont à vos cotés pour vous aider à les mettre en œuvre.

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