Transformer le reporting pour maîtriser la complexité

Le 6 janvier 2023 |
La mise en œuvre des outils de BI puis EPM portait la promesse d’une mise sous contrôle de la complexité des environnements des Groupes grâce à la structuration des données de gestion et l’implémentation d’indicateurs. Ces derniers étaient censés garantir la déclinaison des orientations stratégiques à travers différentes couches organisationnelles. Or, la complexité des organisations internationales et/ou multi-métiers met à mal cette vision et soulève une question : comment le reporting permet-il de maîtriser la complexité à laquelle font face les entreprises ?

Rationnaliser le reporting pour maîtriser la complexité par la cohérence

Après l’inflation des management reports, controlling dashboards et KPIs à destination des financiers, opérationnels, RH, et responsables RSE, les projets de rationalisation ont fleuri dans les directions financières, avec un mot d’ordre : réduire le nombre d’indicateurs et homogénéiser les suivis.

Depuis, le paradigme est à la déclinaison des objectifs stratégiques tout au long de la structure organisationnelle. On cherche ainsi à mettre en place un système de « poupées russes » où s’agrègent logiquement les reportings afin de garantir une cohérence autour des priorités de l’entreprise.

Cette nouvelle approche, holistique, se base sur une vue globale des organisations dont les modes de fonctionnement sont hiérarchiques et descendants. Elle demande, pour être mise en œuvre, une qualité d’exécution rigoureuse et doit répondre aux besoins de contrôle et de maîtrise générés par la complexité grandissante des contextes économiques. 

Accepter les différents points de vue pour dynamiser le dialogue de gestion

Cependant, la mise en œuvre de ces structures d’indicateurs « en cascade » ne résiste pas toujours à la dure loi du terrain et peine à convaincre le management intermédiaire. Car les simplifications et rationalisations des reportings peuvent être réductrices, à tel point que certains niveaux managériaux se sont vu attribuer des KPIs ne reflétant parfois que très peu leurs vrais enjeux. En effet, les angles, les fréquences et la profondeur des indicateurs sont différents selon les niveaux organisationnels (selon les types d’activité et la proximité opérationnelle notamment). C’est pourquoi ces spécificités doivent impérativement être prises en compte, au risque de réduire le champ de vision de certains managers et leur propre capacité de pilotage.

Exemple concret : le free cash-flow peut être un élément majeur du contrôle Corporate. Toutefois il nécessite, à des niveaux plus opérationnels, d’être retraité d’éléments sur lesquels les managers concernés n’ont aucun levier d’action : c’est par exemple le cas des refacturations de services mutualisés. Ce sont précisément ces retraitements qui permettent d’obtenir un indicateur plus clair, plus lisible, plus responsabilisant et par conséquent plus efficace.

Pour construire un jeu de reportings complet, le contrôle de gestion doit aussi prendre en compte la valeur et les enjeux métiers et aux bornes de chaque strate managériale ayant une cohérence de pilotage.

Pour y parvenir, trois difficultés doivent à ce jour encore être surmontées :

  1. assumer les divergences d’axes de pilotage,
  2. accepter la complexité que ces dernières génèrent,
  3. faire le deuil d’une vision unifiée et trop idéalisée des enjeux de performance.

Les incohérences, divergences, redondances et overlaps dans les reportings pouvant résulter d’une telle démarche doivent justement constituer le terreau dont le dialogue de gestion doit se nourrir, pour être dynamisé.

Des reportings différenciés adossés à un cadre stable, robuste et unique 

Le respect d’un cadre de base est une condition de la différenciation des reportings : le reporting a besoin d’un socle robuste, consistant, cohérent et harmonisé dans toute l’organisation, socle qui doit pouvoir reposer sur des lignes directrices non négociables définies à l’échelle du Groupe. Ces éléments doivent pouvoir servir de structures autour desquelles développer des reportings dédiés et proches des enjeux de la société.

Afin d’assurer les conditions d’un vrai dialogue de gestion, la construction et le déploiement d’un langage financier commun sont impératifs. Ils doivent être correctement établis et articulés autour de données maîtres : plans de comptes Groupe, structures analytiques cohérentes, règles de gestion homogènes, définitions claires sur les éléments extra-financiers (unité carbone, ETP, etc.), indicateurs, périmètres et méthodes de calcul similaires, etc.

Ce n’est qu’une fois ces fondations solides que le recours à de nouveaux outils sera réellement pertinent. Ces derniers permettront notamment d’ordonner les données hétérogènes que la complexité et la diversité des reportings pourront générer.   

Pour conclure, les modes de fonctionnement plus horizontaux, la spécialisation grandissante des activités au sein des Groupes et les capacités nouvelles des outils de gestion des données invitent à repenser et à homogénéiser les reportings.

Cette transformation de fond nous engage à assumer la complexité des axes de pilotage financier et à ne plus circonscrire les reportings à des visions uniformisantes, certes intellectuellement satisfaisantes mais souvent réductrices. La complexité ne disparaitra pas, alors faisons-lui face : nous en avons les moyens.

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