Newsletter Legal & Tax Alert #13

Newsletter Legal & Tax Alert #13 | Juillet 2023
Nous sommes ravis de vous faire partager notre Lettre Juridique et Fiscale, qui reprend les points clefs de l’actualité législative et jurisprudentielle du mois de juillet. Vous y retrouverez notamment des informations sur la déclaration des comptes bancaires étrangers, les taxations à la TVA et bien d’autres sujets encore…

Brève | Le Conseil d’Etat précise le champ d’application de la déclaration des comptes bancaires étrangers : tous les comptes bancaires utilisés à l’étranger doivent être déclarés, y compris lorsque le titulaire est une société commerciale.

Par Lara Thivilier, Avocate | Mazars Société d’Avocats

Les articles 1649 A du CGI et 344 A de l’annexe III au CGI prévoient que les personnes physiques, les associations et les sociétés n’ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, doivent déclarer, en même temps que leurs déclarations de revenus ou de résultats, les références des comptes bancaires ouverts, détenus, utilisés ou clos par elles à l’étranger.

Ces articles précisent qu’un compte est réputé avoir été utilisé par une personne lorsque celle-ci a effectué au moins une opération de crédit ou de débit pendant la période visée par la déclaration, qu’elle soit titulaire du compte ou qu’elle ait agi par procuration, soit pour elle-même, soit au profit d’une personne ayant la qualité de résident.

Par une décision en date du 8 mars 2023[1], le Conseil d’Etat est venu préciser que l’obligation déclarative s’applique à tous les comptes bancaires utilisés, quel que soit le titulaire de ce compte, y compris notamment si ce titulaire est une société commerciale.

Ainsi, dès lors qu’une personne physique, une association ou une société non commerciale, domiciliée ou établie en France, dispose de la signature bancaire ou agit par le biais d'une procuration ou de tout autre moyen qui lui permet de disposer des fonds comme des siens propres, le compte en question entre dans le champ de l’obligation déclarative, quand bien même le titulaire serait une société commerciale et la personne agirait en qualité de mandataire social de la société.

[1] CE, 8e et 3e ch., 8 mars 2023, n° 463267

Brève | Dotations aux amortissements à retenir dans l’assiette du Crédit d’Impôt Recherche

Par Anne-Sophie Palacin et Sophie Martin, Avocates | Mazars Société d’Avocats

Le crédit d’impôt recherche (« CIR »), principale mesure d’incitation à la recherche en faveur des entreprises, est déterminé sur la base des dépenses de recherches scientifiques et techniques exposées par les entreprises dans le cadre d’activités de recherche fondamentale, de recherche appliquée et/ou de développement expérimental.

Afin d’ouvrir droit au bénéfice du CIR, ces activités doivent comporter un élément de nouveauté, de créativité, d'incertitude, être systématiques et être transférables ou reproductibles.

Cela étant dit, plusieurs catégories de dépenses sont inclues dans la base du CIR, parmi lesquelles les dotations aux amortissements des immobilisations utilisées pour la réalisation d’activités de recherche éligibles.

Par principe, les immobilisations dont les amortissements sont pris en compte dans l’assiette du CIR doivent remplir les deux critères suivants[1] :

-      Avoir été créées ou acquises à l’état neuf ;

-      Être affectées directement à la réalisation d’opérations de recherche scientifiques et techniques.

Les immobilisations concernées peuvent être corporelles (mobilières et immobilières) et/ou incorporelles (brevets, certificats d’obtention végétale)

Par ailleurs, concernant les immobilisations incorporelles, l’administration fiscale a précisé dans sa doctrine que, contrairement aux dotations aux amortissements des brevets acquis en vue de réaliser des opérations de recherche et de développement expérimental, les dépenses d'acquisition de licences ou de savoir-faire ne doivent pas être prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt[2].

Toutefois, la jurisprudence[3] a admis que les dotations aux amortissements de droits d’exploitation de licences de brevets soient inclues dans l’assiette du CIR, dès lors qu’ils présentent le caractère d’immobilisations incorporelles selon les critères dégagés par la jurisprudence (i.e., constituer une source régulière de profit, être dotés d'une pérennité suffisante et être cessibles)[4].

Les immobilisations doivent avoir été créées par l’entreprise ou acquises à l’état neuf.

Si le respect du critère de nouveauté est aisément déterminable pour les immobilisations corporelles, il peut s’avérer plus délicat lorsqu’il s’agit de biens incorporels.

Dans un arrêt récent du 27 janvier 2023, le Conseil d’Etat[5] est venu préciser que, le seul fait, pour une société ayant acquis une immobilisation, de réaliser des travaux de recherche se situant dans la continuité méthodologique et scientifique de ceux menés par la société cédante, ne faisait pas obstacle à ce que celle-ci soit qualifiée d’immobilisation acquise à l’état neuf par l’acquéreur.

Ce faisant, le Conseil d’Etat a rappelé que le critère de nouveauté porte sur l’immobilisation en elle-même, et non sur les travaux qu’elle permet de réaliser.

Dans cet arrêt, la question de la nouveauté portait sur une immobilisation incorporelle (matériel génétique végétal composé de graines, plants, plantes, cellules germinales etc., permettant le travail de recherche et de création de variétés nouvelles).

Cette décision apporte une précision sur la qualification d’immobilisation incorporelle acquise à l’état neuf, mais ne permet pas de dégager une règle générale applicable à l’ensemble des immobilisations incorporelles. Aussi, des critères généraux et applicables à l’ensemble des immobilisations incorporelles mériteraient d’être dégagés.  

Les immobilisations doivent être affectées directement à la réalisation d’opérations de recherche scientifique et technique.

L’administration fiscale retient une interprétation restrictive du critère d’affectation directe en ce qu’elle exige que soient seulement pris en compte les amortissements des immobilisations qui permettent, en elles-mêmes, la réalisation d’activités de recherche[6].

La jurisprudence tend à retenir une interprétation plus souple en admettant que les amortissements d’immobilisations qui ne permettent pas, en elle-même, l’exécution d’opérations de recherche, soient inclus dans l’assiette du crédit d’impôt dès lors qu’elles sont directement affectées aux activités de recherche[7].

Enfin, cette règle suppose qu’en cas d’utilisation mixte d’immobilisations éligibles, seule la fraction d’amortissement correspondant à son usage pour les besoins de travaux de R&D soit retenue[8].

Concernant les dotations en elles-mêmes, peuvent être inclues dans l’assiette du CIR les dotations qui sont déductibles fiscalement, peu importe qu’elles résultent du régime de droit commun ou de régimes fiscaux dérogatoires (sauf dispositions contraires).

Sont toutefois à exclure de l’assiette du crédit d’impôt, les dotations aux amortissements relatives à des frais de développement immobilisés. En effet, dès lors qu’il est admis que ces frais soient considérés comme des charges éligibles au CIR, la prise en compte des dotations aux amortissements afférentes conduirait à une double valorisation de ces coûts dans l’assiette du CIR[9]. Ce dernier point mérite une attention particulière. Les frais de développement mais aussi les prototypes font souvent l’objet d’un amortissement mais ce dernier ne pourra être retenu que si les dépenses afférentes n’ont pas été elles même retenues dans la base du CIR.

Anne-Sophie Palacin, Avocat

Anne-Sophie est senior manager au sein de Mazars Société d’Avocats. Elle intervient en fiscalité des sociétés et plus particulièrement sur les sujets de R&D et innovation

Sophie Martin, Avocat

Sophie est senior expérimenté au sein de Mazars Société d’Avocats. Elle intervient en fiscalité des sociétés.

 

[1] Article 244 quater B, II-a du CGI

[2] BOI-BIC-RICI-10-10-20-10 §120

[3] CAA Bordeaux, 3e ch., 15 mars 2016, n° 14BX01502, Sté Terranere confirmé par CE, 10e et 9e ch., 28 déc. 2017, n° 399516, min. c/ Sté Terranere

[4] CE 21-8-1996 no 154488, SA Sife

[5] CE, 9e ch., 27 janv. 2023, n° 460229, Sté Ragt semences cassant CAA Bordeaux, 9 nov. 2021, n° 19BX03561 et 19BX03562, Sté Ragt semences

[6] BOI-BIC-RICI-10-10-20-10 § 30 et 40

[7] CAA Versailles 18-6-2019 n° 18VE02261 et 19VE00407, min. c/ SA Genfit

[8] BOI-BIC-RICI-10-10-20-10 § 1

[9] RM Feltesse n° 12558, JO AN du 19 mars 2013, p. 3058 reprise au BOI-BIC-RICI-10-10-20-06/07/2016, § 5

Brève | L’Administration peut désormais contrôler des déficits en report non imputés relatifs à des exercices prescrits

Par Christophe Neyroud, Senior Manager | Mazars Société d’Avocats

Dans le cadre du contrôle fiscal de la SA ST Dupont, l’administration a rectifié les déficits des exercices 2009 à 2011 et ceux des exercices antérieurs, au titre d’un transfert de bénéfices.

La société a contesté ces rectifications au motif qu’étant en situation déficitaire, l’administration ne pouvait pas procéder à une remise en cause des déficits au titre d’exercices prescrits, ceux-ci n’ayant pas fait l’objet d’une imputation sur les bénéfices d’exercices non prescrits.

Saisi de ce litige, le Conseil d’Etat n’a pas fait droit aux arguments de la société et a jugé que l’administration était fondée à exercer son pouvoir de contrôle et de rectification sur l’existence et le montant du déficit reportable issu d’exercices antérieurs même prescrits alors même que ce déficit n’a pas été imputé sur les bénéfices et est seulement susceptible d’affecter le résultat d’exercices ultérieurs par la voie du report déficitaire.

Si cette rectification n’entraîne pas systématiquement une sortie de trésorerie au titre de l’IS, nous attirons l’attention, dans le cadre de la gestion des stocks de déficits, sur l’importance de la justification en amont, du bien-fondé et de l’origine des déficits. Cette vigilance s’avère particulièrement nécessaire dans le cadre des contrôles des prix de transfert dont les conséquences peuvent conduire à la remise en cause d’un part substantielle de ces derniers.

Conseil d’Etat, 5 juillet 2023, n°464928, (SA) ST Dupont

Brève | Activités para-hôtelières : vers un assouplissement des conditions de taxation à la TVA ?

Pauline Girard, Avocat Manager | Mazars Société d’Avocats

Par un avis en date du 5 juillet 2023[1], le Conseil d’Etat a jugé que les conditions d’appréciation du régime de taxation à la TVA des prestations d’hébergement transposées en France étaient incompatibles avec la Directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006.  

En effet, si la Directive TVA en son article 135 prévoit une exception à l’exonération de TVA en matière d’hébergement lorsque les prestations entrent dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire, la France subordonne l’application de la TVA à la réunion de trois des quatre services prévus à l’article 261 D, 4° b du CGI.

Par cette solution, le Conseil d’Etat ne remet toutefois pas en cause le dispositif de taxation à la TVA ni son objectif puisqu’il prévoit que les prestations qui ne rempliraient pas les critères des trois services sur quatre pourraient toujours échapper à l’exonération de TVA en cas de concurrence potentielle avec le secteur hôtelier. Il appartient donc à l’administration de faire une appréciation au cas le cas, sur la base notamment de la durée minimale des séjours et des services proposés en sus de l’hébergement.

Une adaptation de la rédaction de l’article 261 D du CGI est donc à prévoir dans les prochains mois ce qui pourrait permettre à certaines prestations précédemment exonérées de TVA de devenir taxées et ainsi ouvrir droit à déduction de la TVA d’amont. 

[1] CE, 8ème - 3ème chambres réunies, 05 juillet 2023, n°471877

Brève | Déduction de la TVA grevant l’acquisition d’un immeuble assimilé à une immobilisation

Elise Pottier, Avocat Senior Manager | Mazars Société d’Avocats

Mme Véronique Louwagie a soulevé deux questions à l’Assemblée nationale concernant (i) la possibilité de déduire la TVA grevant l’acquisition d’un immeuble ancien comptabilisé en stock mais utilisé pendant plus d’une année pour les besoins d’une opération taxable, caractérisant une assimilation à une immobilisation et (ii) le traitement de la TVA grevant les dépenses engagées au titre de la revente de cet immeuble (Réponse n°5633 du 27/06/2023).

La réponse de l’administration admet la possibilité de déduire la TVA à partir de la date d’assimilation de l’immeuble à une immobilisation (soit à partir d’un an après la première utilisation de l’immeuble pour les besoins d’une activité de location soumise à la TVA) sans attendre la revente dudit immeuble. Cette décision constitue une avancée notable pour les promoteurs immobiliers et marchands de biens puisqu’elle permet désormais une déduction de TVA anticipée.

En revanche, l’administration a précisé que la TVA grevant dépenses afférentes à la revente de l’immeuble ne pourra être récupérable qu’à la date de l’option pour la TVA, soit lors de la réalisation de la vente.

Brève | Régime fiscal des sociétés mères : Appréciation des conditions d’application à des dividendes alloués à la succursale française d’une société étrangère

Par David Chretien Avocat associé, Zakaria Dakdaki et Lilia el Meddeb, Avocats | Mazars Société d’Avocats

Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 20 juin 2023, n°456719

A travers une décision inédite, le Conseil d’Etat s’est prononcé pour la première fois sur l’appréciation des conditions d’application du régime fiscal des sociétés mères aux dividendes alloués à une succursale française d’une société britannique.

La jurisprudence avait déjà admis par le passé que la succursale française d’une société étrangère pouvait revendiquer le bénéfice du régime fiscal des société mères[1]. Toutefois, en l’espèce, si la situation de fait était sensiblement différente, la décision de la Haute Cour fait la lumière sur les conditions d’application du régime des sociétés mères prévu aux articles 145 et 216 du CGI lors du versement de dividendes à une succursale française d’une entité étrangère.

En l’espèce, une société d’assurance de droit britannique avait perçu des dividendes provenant de sa participation dans des filiales australienne et britannique et dont une partie avait été réallouée à une succursale française. En effet, s’agissant spécifiquement d’entreprises d’assurance qui exercent leur activité dans plusieurs Etats-membres, parfois à travers des succursales, la Directive « assurance »[2] du 18 juin 1992 leur impose de constituer des provisions techniques découlant des contrats d’assurance en cours. Ces provisions techniques, doivent être couvertes par des actifs équivalents. Dans ce cadre, la société britannique a attribué à sa succursale française, au titre de l’exercice clos en 2011, une partie des dividendes reçues de ses filiales.

A cet effet, la société a sollicité, par voie de réclamation contentieuse, le bénéfice du régime fiscal des sociétés mères prévu par les articles 145 et 216 du Code général des impôts qui prévoit l’exonération des dividendes, défalcation faite d’une quote-part de frais et charges de 5%. Pour rappel, ce régime fiscal s’applique aux produits de titres de participation revêtant une certaine forme, qui représentent au moins 5% du capital de la société émettrice et qui sont détenus depuis au moins deux ans.

Cependant, l’administration fiscale a refusé à la société le bénéfice du régime d’exonération des dividendes, au motif que ces derniers n’avaient pas été inscrits au bilan fiscal de la succursale française ni mentionnés dans la rubrique prévue à cet effet de la déclaration déposée auprès de l’administration fiscale française, sans contester que la société mère respectait l’ensemble des conditions d’application de ce régime et notamment qu’elle détenait les titres de participation depuis plus de deux ans. La position de l’administration n’a, toutefois, pas été partagée par les juges du fond qui ont donné raison à la société. La Cour administrative d’appel de Paris a, elle, affirmé de façon inédite que « le respect de la condition de détention depuis plus de deux ans des titres de participation ne saurait s'apprécier au niveau d'une succursale, laquelle ne jouit pas d'une personnalité morale ni d'un patrimoine distincts de ceux de la société mère […] La circonstance que les titres de participation ayant généré ces dividendes n'ont pas été mentionnés dans la rubrique " titres de participation " de la déclaration de résultats déposée par la société QBE Insurance Europe Limited dans le cadre de ses obligations fiscales en France est à cet égard sans incidence[3] ».

Le ministre des Finances s’étant pourvu en cassation de l’arrêt de la CAA de Paris, se posait alors, devant le Conseil d’Etat, la question de savoir si les conditions d’application du régime fiscal des sociétés mères s’appréciaient au niveau de la société mère, ou au niveau de la succursale française.

Par sa décision, le Conseil d’Etat vient affirmer « qu’il résulte des dispositions de l’article 145 du code général des impôts […] que lorsqu’une société non-résidente alloue à une succursale établie en France des produits de participations, le respect des conditions relatives aux titres correspondants prévues aux a à c du 1 de cet article est apprécié au niveau de la société et non pas uniquement au niveau de la succursale. La seule circonstance que les titres ne soient pas inscrits à l’actif fiscal de la succursale française ne saurait faire obstacle à l’application du régime des sociétés mères. »

Le Conseil d’Etat tire ainsi les conséquences de l’absence de personnalité morale, et par suite, de l’absence de patrimoine propre de la succursale, qui n’est que l’émanation de la société mère étrangère en France.  

Cette décision prend le contre-pied de la doctrine administrative qui subordonne l’application du régime fiscal des sociétés mères à la condition que les titres de participation figurent à l’actif du bilan fiscal de l’établissement stable[4]condition qui ne ressort pas de la lettre de la loi et qui a donc été invalidée par le Conseil d’Etat, conformément à la Directive « assurance » qui permet d’inscrire les titres de participation au niveau du siège.

Comme précisé par la rapporteure publique dans ses conclusions, le point de savoir si les titres de participations doivent être détenus et inscrits au bilan de la société mère ou de la succursale dépend de l’utilisation qui est faite de ces titres. Ce faisant, la rapporteure publique a prôné une analyse « fonctionnelle » sur ce critère. Une mise à jour de la doctrine administrative est alors attendue sur ce point.

Une telle décision pourrait concerner d’autres catégories d’actifs que les portefeuilles-actions. Ses conditions d’extension aux portefeuilles d’obligations, de parts de fonds, d’immobilier… devront être examinées, chacune de ces familles d’actifs bénéficiant de régimes fiscaux adaptés.

Par ailleurs, il ne semble pas exclu qu’au-delà des sociétés exerçant une activité assurance, une telle solution jurisprudentielle puisse être étendue à toutes les succursales constitutives d’un établissement stable indépendamment de l’activité exercée.

Enfin, afin de tenir compte de la décision susvisée, chaque société concernée dispose d’un droit à réclamation auprès de l’administration fiscale. La réclamation devra être effectuée avant le 31 décembre 2023 pour solliciter une correction de l’impôt sur les sociétés payé en 2021.

[1] CE, 18 novembre 1985, n°50643

[2] Directive 92/49/CEE du Conseil, du 18 juin 1992

[3] CAA de Paris, 20 juillet 2021, 7ème chambre, n°19PA03109

[4] BOI-IS-BASE-10-10-10-10-20200415 §90

Brève | Nouveau plan gouvernemental de lutte contre la fraude fiscale : points clés

Par Frédéric Lubczinski, Avocat Associé et Samuel Sebban, Avocat | Mazars Société d’Avocats

Le ministre chargé des comptes publics, Gabriel Attal, a présenté le 9 mai 2023 le plan du Gouvernement pour lutter contre la fraude fiscale, sociale et douanière. Une feuille de route[1], publiée le 1 juin, vient préciser les mesures annoncées.  La plupart des 35 mesures seront inscrites dans les projets de loi de finances pour 2024 et de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024. Voici les principaux objectifs et mesures annoncés, relatifs à la fiscalité.

La France portera une initiative internationale en faveur de la transparence fiscale

La France va initier des travaux internationaux, notamment dans le cadre du forum of tax administration (FTA) de l’OCDE, dans le but de parvenir à un partage plus rapide, ciblé et efficace des informations relatives aux bénéficiaires effectifs.

Une stratégie sera adoptée s’agissant des échanges opérationnels avec les partenaires internationaux, de la promotion d’outils de lutte contre l’opacité des détentions et de la création d’une potentielle conférence internationale dédiée à la transparence fiscale à Paris.

Renforcement du contrôle des prix de transferts

Il est prévu d’abaisser le seuil à partir duquel les entreprises sont tenues de tenir et de présenter une documentation complète sur leur politique de prix de transfert à 150 M€ de chiffre d’affaires (au lieu de 400 M€ actuellement).

La documentation prix de transfert va être rendue opposable aux entreprises. En cas de non-application de leur politique prix de transfert, les entreprises devront en effet justifier cette politique et démontrer par ailleurs qu’elles respectent les règles prévues en la matière.

Le gouvernement souhaite renforcer les sanctions en cas de défaut de réponse ou de réponse partielle à la demande de l’administration que lui soit communiquée la documentation prix de transfert. Le cas échéant, un montant plancher plus important est à l’étude (10 000 € à ce jour).

Le délai de reprise en matière de transfert d’actifs incorporels sera allongé afin de contrôler plus efficacement le prix de cession et sa conformité avec les principes OCDE[2] :

  • Pour mémoire, depuis la révision du chapitre VI des Principes OCDE, les règles internationales établissent désormais que les informations sur la situation postérieure à un transfert d’actif incorporel peuvent être utilisées pour rectifier la valeur qui a été retenue lors dudit transfert et soumise à imposition.
  • La mesure gouvernementale consiste à étendre le délai de reprise dont dispose l’administration pour rehausser le résultat d’une entreprise au-delà de la prescription de droit commun, établie à 3 ans, pour les transferts d’actifs incorporels difficiles à évaluer.
  • Cette mesure permettrait ainsi à l’administration de remédier à des stratégies d’évasion internationale plusieurs années après la cession, au moment même où elles révèlent leurs véritables conséquences en termes de réduction de la base d’imposition.

En contrepartie de l’extension de l’obligation déclarative, un renforcement substantiel des équipes de l’Administration fiscale réduira les délais de traitement des demandes d’accords préalables en matière de prix de transfert (APP) des entreprises pour simplifier leur gestion.

Intensification des contrôles et renforcement de la réponse pénale aux fraudes les plus graves

Les effectifs du contrôle et de la lutte contre la fraude fiscale seront augmentés (+15% d’ici 2027%).

Une cellule de renseignement fiscal sera créée au sein de la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) en charge des fraudes les plus complexes (dissimulation d'avoir à l'étranger au sein de paradis fiscaux et d’entités opaques comme les trusts, le recours à des cabinets de défiscalisation et l’optimisation abusive des grandes multinationales).

Conjointement, l’accent sera porté sur la régularisation des erreurs à faibles enjeux (160 partenariats seront noués avec les grandes entreprises, 8 500 PME bénéficieront d’un accompagnement en région).

Le modèle de la « police fiscale » sera étendu à toutes les fraudes aux finances publiques à travers la transformation du service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF) en Office National Anti-Fraude doté de compétences étendues.

Un délit spécifique d’incitation fiscale sera créé afin de punir la mise à disposition de schémas de fraude. Il s’agirait d’une infraction autonome de la fraude fiscale qui permettrait de réprimer la mise en ligne de « kits de fraude » et de sanctionner les personnes qui commercialisent des outils juridiques et financiers destinés à dissimuler des revenus ou patrimoine.

Le recours aux peines de travaux d’intérêt général (TIG) à l’encontre des auteurs de fraudes fiscales deviendrait effectif.

En outre, le Gouvernement travaille aux modalités de création, en cas de manquements graves aux obligations fiscales, d’une sanction d’indignité fiscale aboutissant à la privation temporaire de crédits d’impôts ou de réduction d’impôt.

[1] Lien : Feuille de route du gouvernement « lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques »

[2] Principes de l'OCDE applicables en matière de prix de transfert à l'intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales 2022

Aller plus loin