Flash BankNews n°87 | Révision de l’analyse sectorielle des risques en France par l’ACPR

Le 29 juin 2023 et en complément de l’analyse nationale des risques (ANR) du Conseil d’orientation de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (COLB) publiée le 14 février 2023, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a établi une nouvelle analyse sectorielle des risques (ASR), laquelle actualise sa précédente version de 2019.

À la lumière des travaux du COLB, l’ACPR propose aux 980 organismes financiers qu’elle supervise, et qui constituent le secteur bancaire au terme de l’année 2021, un panorama des risques en matière d’actes de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme (BC-FT) auxquels les différents intervenants s’exposent.

Cette étude entend permettre aux institutions d’identifier au mieux les zones de risques liées à leurs activités et de parfaire l’action de supervision de l’Autorité en définissant des contrôles ciblés et pertinents.

 

Un ensemble de risques communs et transversaux auquel tous les organismes supervisés sont exposés.

Soucieuse d’élaborer une analyse exhaustive, l’ACPR identifie un certain nombre de risques pesant sur l’ensemble des acteurs du secteur bancaire, si bien qu’ils doivent tous recueillir une attention particulière de la part des institutions lorsqu’elles conceptualisent leur classification des risques au titre de l’article L. 561-4-1 du Code monétaire et financier, laquelle doit être effectuée à l’aune de l’ANR et de l’ASR comme le requiert le dernier alinéa de l’article susmentionné.

L’Autorité rappelle que le risque de prolifération, la corruption et la criminalité environnementale sont des menaces pour le secteur bancaire et encourage les organismes financiers à se reporter aux documentations d’analyses nationales récemment produites pour traiter le sujet.

Outre ces éléments, l’ACPR distingue quatre vulnérabilités transversales pour lesquelles elle fait référence aux mesures réglementaires d’atténuation visant à limiter les risques associés :

-       Les produits favorisant l’anonymat tels que l’or, les espèces ou la monnaie électronique qui rendent difficile l’association de la transaction à ses parties prenantes et diminuent les perspectives de traçabilité et de pilotage des opérations. Toutes les formes d’intermédiation et de recours à des moyens de paiement exotiques comme les cartes de paiement étrangères sont autant de facteurs qui doivent interpeller les institutions bancaires.

-       Le risque de fraude et d’usurpation d’identité, fortement exacerbé par l’ère digitale. En particulier, les diligences en matière de connaissance de la clientèle et de recueil des justificatifs appropriés sous format digitalisé n’ont pas systématiquement bénéficié d’un niveau de mise en conformité adéquat. L’Autorité souligne néanmoins le déploiement de solutions d’identification sécurisée dont l’utilisation est judicieuse dans ce cadre et insiste sur la vigilance renforcée qui doit être portée à l’égard des personnes morales.

-       La cybercriminalité, intrinsèquement internationale et rattachée à un risque d’anonymat qui amoindrit considérablement les possibilités de traçabilité des opérations criminelles. À cet égard, l’ACPR suggère de veiller à la cohérence des objets et des canaux de la transaction avec le profil client des acteurs impliqués.

-       Le risque géographique, qui comprend la dimension transfrontière éventuelle des transactions, ainsi que l’origine ou la destination des fonds, caractéristiques traditionnellement considérées et évaluées par les dispositifs de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT). Ce risque est quantifié à l’aune des listes de sanctions internationales.

 

L’importance des mesures d’atténuation des risques.

Les solutions permettant de diminuer la criticité des risques identifiés en matière de LCB-FT sont plurielles et émanent d’intervenants variés. Pouvant provenir d’institutions nationales ou européennes telles que le législateur ou les autorités de supervision, les mesures d’atténuation des risques peuvent revêtir un caractère réglementaire, lequel exige alors que les organismes agissent suivant un cadre communément défini et dont le respect contribue à la diminution de l’intensité ou de la fréquence du risque. Le rôle de l’ACPR, de ses homologues européens et des autorités européennes de surveillance (AES) est fondamental en ce qu’il contraint le recours aux bonnes pratiques.

Au demeurant, ce cadre normatif aide les organismes financiers à concevoir eux-mêmes des mesures d’atténuation des risques. Parmi les dispositions qui encadrent et établissent les diligences utiles devant être effectuées pour garantir la mise en place d’un dispositif de LCB-FT dimensionné et en harmonie avec l’activité des acteurs financiers, les articles L. 561-1 à L564-2[1] du Code monétaire et financier, l’arrêté du 3 novembre 2014[2] et l’arrêté du 6 janvier 2021[3] peuvent être cités. Elles imposent l’élaboration d’une approche par les risques en matière de LCB-FT, en spécifiant les exigences pertinentes eu égard aux domaines d’attention sur le sujet : profil client, juridictions impliquées, produits proposés, canaux de distribution associés et caractéristiques des transactions. À cette fin, l’ACPR recommande la consultation d’informations ad hoc telles que les travaux du Groupe d’action financière (GAFI), lesquelles font état de facteurs de risques pertinents dont le suivi permet d’évaluer le niveau de risque en lien avec l’activité et à la clientèle des institutions financières.

 

Une évaluation du niveau de risque pesant sur les différentes strates du secteur bancaire.

Le secteur bancaire comprend divers intervenants proposant divers services parmi lesquels les produits de banque de détail, la gestion de fortune, le financement et l’investissement, la correspondance bancaire, le crédit à la consommation ou encore le financement du commerce international[4]. Dans son analyse, l’ACPR décrit les caractéristiques des opérations majeures dispensées par ces différents établissements et expose les sujets afférents, d’abord s’agissant du blanchiment de capitaux, puis s’agissant du financement du terrorisme. Pour chacune des couches sectorielles identifiées, l’Autorité liste les vulnérabilités intrinsèques, inhérentes à ces dernières et présente les mesures d’atténuation pertinentes pour diminuer le risque de BC-FT associé en distinguant celles découlant de la réglementation, celles incorporées classiquement dans les dispositifs de LCB-FT, celles relatives aux contrôles de l’Autorité et celles résultant du corpus documentaire constitué des lignes directrices européennes, suivies par l’ACPR, ou nationales. Une évaluation du niveau de risque est ensuite établie sur une échelle à quatre niveaux : faible, modéré, élevé ou très élevé. L’Autorité considère spécifiquement les situations qui lui paraissent opportunes eu égard à la nature des services étudiés et aux enjeux de LCB-FT qui les concernent, comme les mesures de sanctions internationales.

En tout état de cause, la finesse de l’ASR 2023 permet aux institutions financières de s’assurer de la pertinence des actions entreprises dans le domaine de la LCB-FT. En outre, elle inclut les innovations de la finance actuelle, par exemple l’avènement des actifs numériques ou le développement du financement participatif, lesquels bénéficient respectivement d’une évaluation de leur niveau de risque à très élevé et élevé. Conformément au droit, il est nécessaire d’inclure les constatations de l’ACPR, nourries par celles du COLB et par les directives des instances supranationales afin d’élaborer une classification des risques adaptée.

[1] Titre VI du Livre V de la partie législative du Code monétaire et financier, « Obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux, le financement des activités terroristes, les loteries, jeux et paris prohibés et l'évasion et la fraude fiscales ».

[2] Arrêté « relatif au contrôle interne des entreprises du secteur de la banque, des services de paiement et des services d'investissement soumises au contrôle de l’ACPR ».

[3] Arrêté « relatif au dispositif et au contrôle interne en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et de gel des avoirs et d'interdiction de mise à disposition ou d'utilisation des fonds ou ressources économiques ».

[4]Trade finance en anglais. Liste non exhaustive de l’analyse proposée par l’ASR 2023.