L’opposabilité juridique d’une transformation préalable à la cession des titres de la société transformée

Octobre 2023 | L’opposabilité juridique d’une transformation préalable à la cession des titres de la société transformée

La transformation d’une SARL en SAS préalablement à la cession de ses titres est une opération très fréquente. L’un de ses attraits réside bien sûr dans le fait que les droits d’enregistrement des cessions de titres sont bien plus bas lorsque la société dont les titres sont cédés est une SAS plutôt qu’une SARL[1].

Cet avantage fiscal a parfois été contesté par l’administration fiscale sur le fondement de l’abus de droit. Récemment, un arrêt de la Cour d’appel de Lyon du 6 juillet 2023[2] a rappelé que l’administration fiscale pouvait aussi le remettre en cause sur le fondement de l’opposabilité de la transformation et de sa chronologie.

En effet, pour que la cession de titres soit soumise au droit d’enregistrement applicable aux SAS, il faut que la transformation ait pris effet avant la réalisation de la cession et que cette transformation soit opposable.

Dans le cas jugé par la Cour d’appel de Lyon, la transformation avait été réalisée le 24 juillet 2012 et les titres de la société transformée avaient été cédés le 25 juillet 2012[3]. Or, le procès-verbal actant la transformation avait été enregistré le 7 août 2012 et déposé au registre du commerce et des sociétés (RCS) le 25 septembre 2012 alors que la déclaration de cession des droits sociaux avait été déposée le 3 août 2012 au service des impôts.

La Cour d’appel juge que la transformation n’était pas opposable à l’administration fiscale. Pour cela, elle s’appuie sur l’article L123-9 alinéa 1er du Code de commerce,[4] qui ne prévoit une opposabilité aux tiers des actes sujets à mention au RCS que s’ils ont été publiés.

Cet arrêt vient rappeler aux praticiens qu’il est nécessaire de bien respecter le calendrier des opérations et des formalités subséquentes, notamment d’opposabilité. Toutefois, le délai de réalisation de ces formalités peut être très long en pratique. Dans l’hypothèse d’un calendrier serré pour réaliser une cession, le délai de réalisation des formalités de publicité de la transformation est donc un paramètre à prendre en compte.

Dans son arrêt, la Cour d’appel se focalise sur la publication tardive au RCS.

Rappelons à ce titre, que l’article R.123-66 du Code de commerce impose que l’inscription modificative au RCS soit demandée dans le mois de la modification. Selon la doctrine, à défaut d'accomplissement de la formalité dans le délai, la modification intervenue prendra effet à l'égard des tiers, non pas à la date à laquelle elle est intervenue, mais à la date du dépôt de la demande d'inscription modificative. Cela signifie donc, que si la formalité est effectuée dans le délai d’un mois, cela rendrait la modification opposable aux tiers rétroactivement à compter de sa date.

En l’espèce, le procès-verbal décidant la transformation a été déposé au RCS plus de deux mois après la réalisation de la transformation.

On peut donc se demander si la décision de la Cour d’Appel aurait été la même si le procès-verbal de transformation avait été déposé au RCS dans le délai prévu par l’article R.123-66 du Code de commerce, faisant ainsi rétroagir l’opposabilité au tiers à la date de la transformation, soit préalablement à la cession.

 

En pratique, en cas de transformation précédant une cession, la prudence recommande de faire enregistrer le procès-verbal de transformation auprès du service des impôts avant de procéder à la cession des titres, quitte à se déplacer directement au centre des impôts. L’idéal étant bien sûr d’obtenir, avant la cession, un K-bis avec la nouvelle forme sociale.

[1] Pour les SARL : taux de 3% du prix des titres, avec un abattement ; pour les SAS : taux de 0,1% du prix des titres (article 726 du code général des impôts).

[2]  CA Lyon 06/07/2023 n° 20/05110

[3] A noter que dans ce cas, les droits d’enregistrement applicables aux SAS étaient ceux antérieurs à la réforme du 1er août 2012 (taux dégressif par tranches allant de 3 % à 0,25%) et donc plus élevés que les 0,1 % actuels

[4] Art. L. 123-9 du Code de Commerce.