Article | Le rapport quinquennal sur les charges transférées : une opportunité en ce début de mandat

Avril 2021 | En ce début de mandat, les intercommunalités sont déjà confrontées à la nécessité de rechercher de nouvelles marges de manœuvre. En effet, face aux impacts de la crise sanitaire (nouvelles dépenses, perte de recettes tarifaires), des conséquences de la réforme fiscale (rigidification des ressources) et du coût des normes (complémentaire santé et prévoyance obligatoire, etc.), les Etablissements Publics de Coopération Intercommunales (EPCI) doivent, une nouvelle fois, relever le défi de dégager des marges de manœuvre.

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Le bilan quinquennal, une nouvelle obligation à mettre en œuvre d’ici la fin 2021

Après des efforts sans précédent sur la période 2014 – 2017 marquée par la contribution au redressement des finances publiques, les intercommunalités vont devoir faire preuve d'imagination alors même que de nombreuses « recettes » ont été éprouvées. Parmi les outils à explorer dans la recherche de marges de manœuvre, figure le bilan quinquennal sur les charges transférées. Il constitue désormais une obligation : s'il n'emporte pas d'effets directs, il pose clairement le débat sur le coût des charges transférées et leur financement par le territoire. 

Ainsi, l'article 148 de la loi de finances pour 2017 prévoit la présentation, tous les cinq ans, d’un rapport « sur l'évolution du montant des attributions de compensation au regard des dépenses liées à l'exercice des compétences par l'établissement public de coopération intercommunale ». C’est donc en cette fin 2021 qu'intervient cette première échéance.

Rappelons que l’attribution de compensation est figée : elle correspond à la différence entre la fiscalité transférée (« AC fiscale ») et les charges transférées (« AC charges ») évaluées à l'instant T. La neutralité financière est donc assurée à l'instant T, mais en fonction de l'évolution de la fiscalité perçue par la communauté et de l’évolution du coût de la compétence transférée supporté par la communauté, il en résulte une différence. Ainsi, en cas d’évolution des charges transférées supérieure à celle des ressources, il revient à la communauté de trouver les moyens de financer ces charges devenues communautaires, l'équilibre des charges transférées n’étant plus assuré. C’est donc plus précisément la seconde composante de l'AC, « l'AC charges » qui est susceptible de faire l’objet d’une révision.

Cette obligation pour les EPCI dotés de la fiscalité professionnelle unique avait été inscrite dans la loi de finances par un amendement qui intervenait après l’avis du Conseil d’Etat, sollicité par le Gouvernement, pour savoir dans quelles mesures et à quelles conditions la loi pourrait modifier les règles relatives aux mécanismes dérogatoires de fixation des ressources d’une commune en ce qui concerne notamment les attributions de compensation.

Toutefois, les évolutions de l'article 1609 nonies C issues de la loi de finances pour 2017 ne reprenaient que partiellement les recommandations du Conseil d’Etat. En effet, il envisageait une « révision des attributions de compensation versées par un EPCI en cas d’inadaptation ou de déséquilibre manifeste de ces attributions au regard de l'évolution des charges assumées respectivement par cet établissement et ses différentes communes membres et de celle de leurs ressources ». La commission locale d’évaluation des transferts de charges (CLETC) aurait ainsi pu constater cette inadéquation, mais la révision n’aurait été autorisée que périodiquement, « par exemple tous les cinq ou dix ans ».

Le dernier alinéa du 2° du V de l’article 1609 nonies C du code général des impôts, issu de la LFI 2017, prévoit simplement un débat et une délibération autour du rapport « sur l'évolution du montant des attributions de compensation au regard des dépenses liées à l'exercice des compétences par l'établissement public de coopération intercommunale ». Ce rapport doit par ailleurs être transmis aux communes membres de l’EPCI. Quelles que soient les conclusions du rapport, elles n'emporteront pas de révision automatique des attributions de compensation : la modification des attributions de compensation, hors cadre du transfert de compétence, reste limitée et soumise à des conditions de majorité particulières. Ainsi, le recours à la « révision libre » nécessite des délibérations concordantes du conseil communautaire (majorité des deux tiers) et des conseils municipaux des communes membres intéressées, en tenant compte du rapport de la CLETC.

Le bilan quinquennal, un nouvel outil pour alimenter les travaux du pacte financier et fiscal

L’existence de ce rapport et la tenue de ce débat ont néanmoins le mérite d'exister et prennent tout leur sens en ce début de mandat où :

  • pour les EPCI signataires d’un contrat de ville, les pactes financiers et fiscaux de solidarité doivent être adoptés avant le 31 décembre 2021 ;
  • pour d’autres EPCI, les pactes financiers et fiscaux sont en cours d’élaboration ou de renégociation ;
  • plus largement, les projets de territoire et chartes de gouvernance sont en cours de définition.

Ce bilan quinquennal constitue donc un élément de diagnostic financier supplémentaire. Aux côtés des traditionnelles analyses financières rétro-prospectives des communes et de la communauté, du diagnostic fiscal du territoire et du bilan de la solidarité communautaire, il va permettre :

  • de mesurer la part représentée par les attributions de compensation parmi les dépenses de la communauté. Pour de nombreux EPCI, elles participent à la rigidité structurelle de leurs charges de fonctionnement au regard de leur caractère difficilement compressible, et rendent de ce fait plus difficile le dégagement de marges de manœuvre ;
  • de s’assurer de la bonne application des dispositions de l’article 1609 nonies C, qui détaillent les règles d’évaluation des dépenses de fonctionnement non liées à l’équipement et du coût des dépenses liées à l’équipement ;
  • d’apprécier la dynamique des charges transférées par rapport à la croissance des ressources communautaires, dont l'équilibre constitue le principe fondateur du régime de la FPU. Les écarts identifiés, il reste à les expliquer : omissions de charges dans l’évaluation initiale des charges transférées, choix des périodes de référence, accords issus d’un ancien pacte financier et fiscal conduisant à une retenue partielle des charges transférées sur l’AC de la commune transférante, évolution du niveau de service une fois la compétence intercommunalisée, modification de la politique tarifaire, diminution des financements extérieurs, accroissement de la réglementation impliquant des dépenses supplémentaires, crise sanitaire…

Ce bilan permettra ainsi de mettre en perspective l'évolution des équilibres financiers de la communauté sur la période passée avec le financement des compétences transférées. Sur cette base, les débats à venir pourront porter sur les règles d'évaluation des futurs transferts de compétences, la révision éventuelle d’attributions de compensation pour intégrer un coût des charges transférées plus proche de celui qui est supporté par l’EPCI, et la mise en œuvre de leviers d’action du pacte adaptés. La portée de ce bilan sera d’autant plus grande qu’il aura été partagé avec pédagogie, notamment vers les nouveaux élus.

Une des clés de réussite de la démarche repose dans la capacité de la communauté à évaluer ce que lui coûte la compétence, en intégrant les charges directes, mais également indirectes, régulièrement sous-évaluées lors des travaux de la CLETC. Cette nouvelle obligation milite donc en faveur du déploiement du contrôle de gestion dans les collectivités : outre l’alimentation du rapport quinquennal (ou à un rythme plus fréquent) sur les charges transférées, cette fonction permettra de connaître les coûts des politiques publiques et de s’assurer que les ressources sont utilisées avec efficience et efficacité.

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