Avis d'expert | Actualités Fiscales : Projet de loi de finances pour 2024

Projet de loi de finances pour 2024 : Adoption en cours d’un crédit d'impôt au titre des investissements en faveur de l’industrie verte (‘C3IV’).
Une opportunité de planification fiscale, à fort effet de levier, à prendre en compte pour projets d’investissement éligibles dans certains secteurs industriels.

Le financement des industries qui contribuent à la transition vers une économie décarbonée est une des priorités de la loi Industrie verte[1] adoptée fin octobre 2023.

Le projet de loi de finances pour 2024 apporte un volet fiscal à ce financement en proposant la création d’un crédit d’impôt pour inciter l’investissement dans de nouveaux projets industriels dans certaines filières clés.

Quel est le contexte ?

Le soutien à l'industrie verte s'inscrit dans le nouveau cadre européen du Net-Zero Industry Act[2] proposé en mars 2023 par la Commission européenne en vue de renforcer la capacité de fabrication européenne de technologies à zéro émission nette et à surmonter les obstacles à l’augmentation de la capacité de fabrication dans l’UE ; cette initiative inclut des mesures visant à accroître la compétitivité de la base industrielle des technologies à zéro émission nette et d’améliorer la résilience énergétique de l’UE.

Ces dispositifs orientés sur l’épargne vont être complétés par des mesures de soutien aux technologies vertes ainsi qu’à la décarbonation de l’économie.

Quels moyens financiers et pour quels secteurs ?

Le projet de loi de finances pour 2024 prévoit certaines sources de financement, en commençant par la mobilisation de certains types d’épargne[3].

Ensuite, le projet de loi met en place une aide fiscale sous forme du crédit d'impôt "investissement industries vertes" (‘C3IV’) pour attirer les investissements vers certaines filières industrielles identifiées comme clef dans ce cadre :

  • L’industrie des batteries,
  • L’industrie de l’éolien,
  • L’industrie des panneaux solaires,
  • L’industrie des pompes à chaleur.

Dans ces filières industrielles, quelles seront les dépenses composant l’assiette du C3IV’ ?

Le C3IV serait calculé sur la base des investissements corporels (bâtiments, installations, équipements, machines et terrains d’assise nécessaires au fonctionnement de ces équipements) et incorporels (droits de brevet, licences, savoir-faire ou autres droits de propriété intellectuelle), sous réserve du respect de certaines conditions.

Le dispositif vise plus concrètement les dépenses suivantes :

  • Les dépenses liées à la production de certains équipements (définis par une liste réglementaire[4]) dédiés aux filières précitées.
  • Les dépenses liées à la production de composants essentiels conçus et utilisés principalement pour la production des équipements retenus sur le plan réglementaire.
  •  L’entité opérationnelle investie du projet devra justifier qu’au moins 50% de son C.A. sera réalisé avec des entreprises exerçant des activités en aval de la chaîne de production des quatre filières concernées.
    • La production ou la valorisation des matières premières critiques nécessaires à la production des équipements et des composants réglementaires.
    • Là aussi, l’entité opérationnelle investie du projet devra justifier qu’au moins 50% de son C.A. sera réalisé avec des entreprises exerçant des activités de production de composants essentiels ou en aval de la chaîne de production des quatre filières.

La liste définitive des composants essentiels et des matières premières critiques concernés sera précisée par arrêté après l’entrée en vigueur de la mesure.

Quel taux ?

Accordé au titre de certains investissements de production de batteries, panneaux solaires, éoliennes ou pompes à chaleur, le taux de ce crédit d’impôt variera de 20 % à 60 % selon le lieu de réalisation de l’investissement et la taille de l’entreprise.

Précisément, les taux de C3IV et les plafonds d’avantages fiscaux correspondants sont les suivants :

Lieu de réalisation des investissements

Petites entreprises

Annexe I du règlement UE 651/2014

Moyennes entreprises

Annexe I du règlement UE 651/2014

Autres entreprises

Zone d'aide à finalité régionale

[annexe 1 du décret 2022-968]

45 %

35 %

25 %

Zone d'aide à finalité régionale à taux majoré [annexe 2 du décret 2022-968][5]

60 %

50 %

40 %

Hors ZAFR

40 %

30 %

20 %

Le montant total du CI3V serait soumis à plafonnement. Il ne devrait ainsi pas excéder 150 m€ par entreprise. Le plafond serait toutefois porté à 200 m€ et à 350 m€ pour les entreprises ayant réalisé des investissements dans les ZAFR définies respectivement à l'annexe 1 et à l'annexe 2 du décret 2022-968 du 30 juin 2022[6].

Sous réserve du respect de ce plafond, le crédit d'impôt pourrait être cumulé avec une autre aide d'État, dans certaines conditions[7].

Un guichet administratif de demande, déjà ouvert pour votre agrément

Si l’entrée en vigueur de cette aide fiscale est subordonnée non seulement à son adoption par le Parlement - probablement néanmoins selon les modalités de l’article 49 al.3 de la constitution - mais aussi à un examen par la Commission européenne confirmant sa conformité au droit de l’Union européenne en matière d’aides d’État, , le service d’examen des demandes d’agrément est d’ores et déjà disponible (pour gagner du temps sur la mise en œuvre de ce dispositif) [8].

En effet, l’application du C3IV est soumise à la délivrance d’un agrément préalable par la DGFIP[9], après avis conforme de l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) sur l’éligibilité du projet. Via cette agence, l'État doit reconnaître de nouveaux labels pour identifier et fiabiliser les investissements en faveur des technologies vertes.

Pour être éligibles CI3V, une entreprise doit en outre respecter les critères suivants :

  • Être une entreprise industrielle et commerciale, imposée selon un régime réel ou bénéficiant de certains régimes d’exonération fiscale[10]
  • Ne pas être une entreprise en difficulté au sens juridique, selon des critères UE[11]
  • Respecter ses obligations fiscales et sociales
  • Respecter la législation environnementale
  • L’implantation de l’entreprise ne doit pas faire suite à une délocalisation depuis un autre Etat membre de l’UE
  • L’engagement pris par l’entreprise d’exploiter pendant au moins 5 ans (ou 3 ans pour les PME) les investissements qui ont ouvert droit au crédit d’impôt. 

Le non-respect des conditions d'application du CI3V postérieurement à la délivrance de l'agrément nécessaire entraînerait le retrait de celui-ci et la déchéance des avantages fiscaux qui y sont attachés.

La demande, qui peut être déposée dès à présent, doit en tout état de cause l’être avant la date d’ouverture du chantier des constructions immobilières.

Pour combien de temps ?

En l’état actuel des dispositions, le C3IV serait en vigueur pour une période s’étendant jusqu’aux agréments obtenus avant le 31 décembre 2025.

On ne peut cependant pas garantir une carrière longue au C3IV, notamment parce que cette mesure d’aide fiscale s’inscrit dans l’encadrement temporaire de crise et de transition adopté par la Commission européenne afin d'encourager des mesures de soutien dans les secteurs essentiels à la transition vers une économie à zéro émission nette et les financements en faveur de la production de technologies propres en Europe.

Quelle démarche de préparation mettre en œuvre ?

Une attention particulière sera nécessaire pour structurer un projet d’investissement garantissant les conditions d’éligibilité au crédit d’impôt, à la bonne formalisation de la demande, en articulation avec les autres sources de financement (les subventions sollicitées par ailleurs, en particulier).

S’agissant des aides fiscales, une articulation entre les différents crédits d’impôts (en particulier, le crédit d’impôt recherche) devra également être particulièrement structurée.

[1] Loi n° 2023-973 du 23.10.2023

[2] Factsheet: Net Zero Industry Act (europa.eu)

[3] Pour financer les projets bas carbone, l'épargne privée va être mobilisée via un nouveau "plan d'épargne avenir climat" (PEAC), distribuable par les banques et les assurances.

Parallèlement, l’assurance-vie et les Plans Epargne Retraite permettront de financer davantage la décarbonation des PME/PMI.

[4] Crédit d’impôt au titre des investissements en faveur de l’industrie verte (C3IV) | impots.gouv.fr

[5] Mayotte (toutes les communes de la région), Guyane (toutes les communes de la région), Saint-Martin (en totalité), Guadeloupe (toutes les communes de la région), La Réunion (toutes les communes de la région), Martinique (toutes les communes de la région)

[6] Décret relatif aux zones d'aide à finalité régionale et aux zones d'aide à l'investissement des petites et moyennes entreprises pour la période 2022-2027

[7] Conditions énoncées au 1.5 de la communication de la Commission européenne du 9 mars 2023 (Communication 2023/C 101/03)

[8] c3iv@dgfip.finances.gouv.fr

[9] Bureau SJCF-3A du service de la sécurité juridique et du contrôle fiscal

[10] Régimes des entreprises nouvelles (CGI art. 44 sexies), des jeunes entreprises innovantes (CGI art. 44 sexies A) et des entreprises implantées dans certaines zones du territoire (CGI art. 44 octies A, 44 duodecies à 44 septdecies).

[11] Entreprise en difficulté au sens de l'article 2 du règlement UE 651/2014 du 17 juin 2014