Article | Réforme de l’exercice en société des professions libérales réglementées

L'ordonnance n°2023-77 du 8 février 2023 a entendu améliorer et structurer en un texte unique les dispositions relatives aux sociétés des professions libérales réglementées. Pour ce faire, ladite ordonnance a abrogé la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 sur les SCP et la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 sur les SEL. Notre attention se portera sur les conséquences pratiques de cette réforme pour les SEL et les SPFPL et les nouveautés qu’elle introduit pour ce type de structures.

1- Généralités

L'ordonnance n°2023-77 du 8 février 2023 définit désormais ce qu’est une profession libérale réglementée et un professionnel exerçant afin de clarifier ces deux notions.

Les professions libérales réglementées groupent les personnes exerçant à titre habituel, de manière indépendante et sous leur responsabilité, une activité ayant pour objet d'assurer, dans l'intérêt du client, du patient et du public, des prestations mises en œuvre au moyen de qualifications professionnelles appropriées. Ces professions sont soumises à un statut législatif ou réglementaire ou leur titre est protégé (Art. 1er du Livre 1er de l’ordonnance 2023-77).

Le professionnel exerçant est la personne physique ayant qualité pour exercer sa profession ou son ministère, enregistrée en France conformément aux textes qui réglementent la profession, et qui réalise de façon indépendante des actes relevant de sa profession ou de son ministère. La seule réalisation d'actes de gestion ne confère pas la qualité de professionnel exerçant (Art. 3 du Livre 1er de l’ordonnance 2023-77).

Cette ordonnance entérine enfin la pratique en regroupant les professions libérales réglementées en trois familles : les professions de santé, les professions juridiques ou judiciaires et les professions techniques et du cadre de vie (Art. 2 du Livre 1er de l’ordonnance 2023-77).

2- Conséquences de l’ordonnance sur les SEL

Composition du capital : l’article 40 alinéa 3 de l’ordonnance dispose « qu’au moins un professionnel exerçant au sein de la société en est associé, directement ou par l'intermédiaire d'une société de participations financières de professions libérales ». Il semblerait que cette rédaction permette désormais qu’une SEL soit détenue à 100 % par une SPFPL et que le professionnel exerçant ne soit plus contraint de détenir directement une fraction du capital de la SEL.

Mise en place d'un droit de retrait pour les associés d’une SEL : L’ordonnance consacre un droit de retrait pour les associés de SEL. Ainsi, dès lors que les modalités de retrait d’un associé d’une SEL ne seront pas prévues par les lois et règlements applicables à chaque profession, les associés pourront insérer une clause de retrait dans les statuts de la SEL afin de pallier le silence de la loi sur ce nouveau droit reconnu aux associés de SEL.

Suppression du plafonnement des comptes courants d'associés : L’encadrement des comptes courants d’associés par décret ne concernera plus que les SEL des professions de santé et disparaît pour les autres professions libérales réglementées.

Renforcement de l’obligation de communication aux autorités professionnelles : A ce jour, seul un état de la composition du capital social de la SEL doit être, une fois par an, communiqué à l’autorité ou à l’ordre professionnel afin que celui-ci vérifie que la composition du capital social est conforme aux dispositions légales et règlementaires.

Désormais, la SEL devra communiquer, une fois par an, outre l’état de la composition du capital social, un état des droits de vote y afférents, un exemplaire des statuts en vigueur ainsi que les conventions contenant des clauses portant sur l’organisation et les pouvoirs des organes de direction, d’administration et ou de surveillance ayant fait l’objet d’une modification au cours de l’exercice écoulé.

3- Conséquences de l’ordonnance sur les SPFPL

Modification de l’objet social de la SPFPL : L’article 110 de l’ordonnance du 8 février 2023 élargit enfin l’objet social des SPFPL à la détention de parts sociales ou actions de toute société à forme civile ou commerciale aux seules fins d'acquérir et d'administrer des immeubles sous réserve que ces activités soient destinées exclusivement au fonctionnement des sociétés ou groupements dans lesquels elles détiennent des participations. Une SPFPL pourra ainsi désormais détenir des parts sociales d’une SCI propriétaire du bien immobilier au sein duquel est exercée la profession libérale réglementée.

Renforcement de l’obligation de communication aux autorités professionnelles : les mêmes documents que deux devant être transmis pour les SEL devront être communiqués pour les SPFPL à l’autorité ou à l’ordre professionnel concerné.

Gouvernance de la SPFPL : Les règles de gouvernance des SPFPL sont modifiées. A ce jour, les dirigeants d’une SPFPL peuvent être des professionnels en exercice en dehors des filiales de la SPFPL. Désormais, les dirigeants de la SPFPL doivent être des professionnels exerçants réalisant leur activité au sein de l’une des filiales de la SPFPL (articles 119 à 122 de l’ordonnance). 

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Pour conclure, l’ordonnance du 8 février 2023 clarifie certaines notions, assouplit certaines règles et fait de la société d’exercice libéral (SEL) la structure de prédilection des professions libérales réglementées.

Les professions juridiques et judiciaires qui exercent leur activité sous la forme d’une société de droit commun seront fortement impactées par cette réforme car elles devront aligner leur régime sur celui des SEL quand bien même la nouvelle règlementation leur permet de conserver leur dénomination sociale. Bien qu’il soit toujours possible de créer des sociétés de droit commun pour les professions juridiques et judiciaires, le fait d’aligner leur régime sur celui des SEL revient, in fine, à supprimer, pour les professions juridiques et judiciaires les sociétés commerciales de droit commun. En effet, créer une société commerciale de droit commun pour y appliquer l’intégralité des règles régissant les SEL ne présentera aucun intérêt pour le professionnel libéral.

Sous réserves de quelques particularités, les dispositions de l’ordonnance entreront en vigueur le 1er septembre 2024 et les sociétés concernées disposeront d'un délai d'un an à compter de cette date pour se mettre en conformité avec les exigences de l'ordonnance.

Par Isabelle Richard et Elodie Jelade, Avocates | Mazars Société d’Avocats