Article | L’intelligence artificielle : Levier de digitalisation pour l’assurance santé

Décembre 2023 | L'essor de l'intelligence artificielle offre une opportunité technologique aux compagnies d'assurances qui évoluent dans un marché saturé, une réglementation complexe et un besoin de différenciation face à la concurrence. Toutefois, il reste des défis majeurs à relever avant un éventuel déploiement de l'IA chez ces acteurs.

Le secteur de l’assurance santé s’engage à modérer les primes des assurés en personnalisant les frais d’assurance santé en fonction de leurs profils.

En effet, ces frais peuvent vite s'accumuler et engendrer des charges financières lourdes pour les patients. Avec l'essor de l'intelligence artificielle (IA), définie comme l’ensemble des méthodes et techniques qui permettent à une machine de simuler l’intelligence humaine, les assureurs ont désormais un nouvel outil pour améliorer leur performance et mieux répondre aux besoins de leurs clients. En effet, l'IA peut aider les assureurs à automatiser les processus de souscription, à améliorer la précision de l'évaluation des risques et personnaliser les offres d'assurance santé.

L'utilisation de l'IA dans l'assurance santé soulève également des défis, notamment en matière de sécurité des données de santé, de biais dans les algorithmes et de résistance aux changements de l'industrie de l'assurance et de ses clients.

Les atouts de l’utilisation de l’IA dans le domaine de l’assurance santé

L’IA exploite en amont les données des assurés et des demandeurs d’assurance afin de les analyser et dégager des critères d’admissibilité à l’assurance, des niveaux de prime appropriés ou n’importe quel autre indicateur suivant la qualité et la nature des données fournies.

Amélioration de la précision de l’évaluation des risques

L'apprentissage automatique de l'IA analyse les données des patients existants et identifie les principaux facteurs de risques associés à l’échantillon de données utilisé. L’exploitation de ces données par l’IA permet d’en extraire un modèle applicable aux prospects et futurs clients.

L’ajout de sources de données (appareils connectés, prescriptions pharmaceutiques) contribue au perfectionnement du modèle et à son amélioration continue. La finalité poursuivie étant de déterminer l’optimum de risque, la compétitivité des primes et la minimisation des sinistres.

Personnalisation des offres d’assurance santé

Tirant le meilleur parti de la nature prédictive de l’IA, les assurances santé bénéficient d’un nouveau levier de performance. L’appréciation améliorée des risques permet d’une part d’offrir une compétitivité prix accrue et l’adéquation de la couverture face aux risques encourus d’autre part.

Le recours à l’IA est donc une source d’attractivité non seulement pour les assureurs et la maîtrise des risques, mais avant tout un levier d’attraction pour les clients en proposant une offre sur-mesure, dotée de garanties pertinentes et proposée au meilleur prix.

Utilisation de l'IA dans l'assurance : défis et enjeux à relever

L'adoption de l'IA dans l'industrie de l'assurance présente cependant des défis et enjeux importants, tels que la sécurité des données sensibles, les biais dans les algorithmes et la résistance aux changements tant par les assureurs que par leurs clients.

Compromission de la sécurité des données de santé

La sécurité des données de santé est un sujet crucial pour les assureurs dans les processus de souscription, d'évaluation des risques, d’indemnisation et de tarification.

L’introduction en 2018 du RGPD sur le marché européen ou l’ADDPA aux Etats-Unis en 2022 illustre la préoccupation croissante des gouvernements et des citoyens face à la collecte et l’exploitation de données personnelles.

Toutefois, l’usage des données personnelles par l’IA dans le cadre de son application au modèle tarifaire reste non maitrisé. La transparence semble donc le sujet clé de l’IA quant au traitement de ce type de données.

Biais dans l’algorithme

Par ailleurs, les biais dans les algorithmes d'IA sont également une source de préoccupation. Lors de la phase d’apprentissage par le moteur IA, l’émergence de biais (ethniques, identités, genres, etc.) n’est pas à exclure et pourrait s’avérer préjudiciable non seulement en termes d‘image et de réputation mais pourrait induire des erreurs d’appréciation du risque. La qualité des données et plus encore leur exhaustivité permet d’atténuer les « coïncidence répétitives » comme des relations de cause à effet.

L'évaluation régulière des algorithmes est essentielle pour minimiser les biais et s'assurer que les résultats produits par l'algorithme sont justes et équitables pour tous les clients. Des préoccupations similaires ont été soulevées dans d'autres secteurs, tels que la justice et le recrutement, où l'utilisation de l'IA a également été critiquée pour son manque d'équité.

Pour répondre à ces préoccupations, des organisations telles que la Commission européenne ont proposé des règles pour garantir du mieux possible que l'utilisation de l'IA soit responsable et respectueuse des droits fondamentaux mais cela ne demeure qu'une intention à ce stade.

Résistance aux changements dans l’industrie de l’assurance

L'introduction de l'IA dans l'industrie de l'assurance est contrariée par la résistance au changement des différentes parties prenantes : clients, agents ou encore courtiers.

Les clients sont préoccupés par l'utilisation de l'IA dans l'industrie de l'assurance, craignant que les assureurs utilisent leurs données personnelles dans des processus sans obtenir leur consentement. 

Ils craignent également la déshumanisation des rapports avec leur assurance et la perte de contacts humains, remplacés par des robots conversationnels. Pour atténuer ces craintes, les assureurs doivent être transparents sur la manière dont les données sont stockées et utilisées par l’IA.

La posture des compagnies d’assurance dans l’adoption d’outils basés sur l’IA est d’ailleurs prudente, mettant l’emphase sur les capacités « d’extension » par l’IA en employant des expressions telles que le « conseiller augmenté » plutôt que de désigner l’IA comme un outil de remplacement et d’effacement des interactions humaines.

En conclusion

L’intelligence artificielle représente une opportunité technologique pour les compagnies d’assurance et leurs performances. Grâce à l’IA, les assureurs peuvent optimiser les critères d’admissibilité, améliorer la modélisation des risques, réduire les sinistres ou encore accroître la compétitivité auprès des souscripteurs.

Les cas d’usages sont nombreux et tendent à s’étoffer avec l’adoption progressive de cette technologie. Cet essor n’en est pas moins une source d’inquiétude croissante. Collecte et exploitation de données personnelles, obscurité des algorithmes par l’IA, manque de recul et réplication de biais sont autant de menaces que l’IA fait peser sur la distribution d’assurance.

 

Le regard de nos experts

Face à un marché saturé et une réglementation complexe, les acteurs du marché de l’assurance prévoyance et santé misent aujourd’hui sur l’inclusion de nouveaux services dans leurs offres pour se différencier de leurs concurrents.

En accompagnant au mieux les assurés dans le cadre de leur parcours de soin et en misant sur la prévention des risques, les assureurs espèrent diminuer la sinistralité et proposer ainsi des produits à des prix plus compétitifs. Facteur clé de succès sur le marché, cet axe stratégique rassemble aujourd’hui 53 % des acteurs du marché, assureurs et insurtechs confondus, et concentre 51 % des investissements réalisés sur le secteur, soit 170 millions d’euros en 2022[1].

Pourtant, une grande partie des services proposés sur le marché ont un faible taux d’utilisation. Peu consommés en raison d’un manque de personnalisation et peu connus des assurés, les données collectées sont peu exploitables par les assureurs. La collecte et l’exploitation de ces données constituent pourtant un enjeu majeur en ce qu’elles permettent de personnaliser les actions de prévention à un degré de segmentation plus fin de leur clientèle.

Pour pallier cette difficulté, les assureurs ont d’abord misé sur une stratégie de partenariat avec des insurtechs ou des acteurs spécialisés dans la prévention dont les applications touchaient déjà un large public, comme le sport ou la méditation. Cette stratégie souffre cependant d’une importante limite pour les assureurs qui perdent le contrôle de leur parcours client et ne peuvent évaluer, sans données, la pertinence de leurs partenariats et de leurs services associés.

C’est pourquoi les assureurs français commencent à développer des plateformes de services selon une logique de marketplace. A travers la mise en place d’une plateforme unique à destination de leurs clients, l’assureur centralise l’ensemble des services proposés par ses partenaires, en collectant et exploitant lui-même les données des utilisateurs. L’assureur devient progressivement « l’orchestrateur » du parcours de soin des assurés, qui se verront orienter vers les services les plus adaptés à leurs besoins ou vers les actions de prévention les plus pertinentes au regard des risques auxquels ils sont exposés. Le marché français glisse timidement vers ce modèle économique. Cette tendance naissante doit être poursuivie, afin que les assureurs puissent trouver à terme un modèle rentable pour leurs services.

Les défis à relever pour ce type de projet sont nombreux (développement d’un écosystème digital ouvert et sécurisé, nouvelle approche des partenariats, changements organisationnels et culturels pour les assureurs…) et nécessitent des investissements importants, mais constituent autant d’opportunités nouvelles.

[1] Le deuxième axe d’investissement vise à l’amélioration de la souscription et la distribution des produits d’assurance (avec 92 millions d’euros d’investissement sur la même année, soit 27%) et le troisième axe prioritaire vise à réduire les coûts de gestion grâce aux nouvelles technologies (73 millions d’euros d’investissement en 2022, soit 22%). Etude Mazars 2023

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