Avis d'expert | Crédit d’impôt recherche : La prise en compte de dépenses externalisées payées par un tiers

Novembre 2023 | Par une décision rendue le 26 juillet 2023, le Conseil d’Etat s’est prononcé en faveur de la prise en compte dans l’assiette du Crédit d’Impôt Recherche (CIR) de dépenses externalisées payées par un cocontractant d’une entreprise bénéficiaire du CIR, pourvu que ces règlements soient effectués au nom et pour le compte de cette entreprise (Conseil d’Etat, 26 juillet 2023, n° 46493, Société Cap 2020).
Cette décision fait preuve d’un certain réalisme économique : le bénéficiaire du crédit d’impôt doit être l’entreprise débitrice du prestataire externe, peu important l’identité du payeur.

Le régime actuel des dépenses externalisées au regard du CIR

En application de l’article 244 quater B, II du Code général des impôts (CGI), les dépenses de recherche externalisées sont prises en compte dans l’assiette du CIR sous réserve de l’agrément du prestataire. Les dépenses doivent être afférentes à de véritables opérations de recherche et de développement (R&D) nettement identifiées dont la réalisation est soit confiée complètement à un organisme de recherche tiers, soit menée dans le cadre d’une collaboration de recherche avec cet organisme (BOI-BIC-RICI-10-10-20-30 n°171 du 13/07/2021). Sont également inclues les dépenses qui ne sont pas des opérations de R&D mais qui sont indispensables à la réalisation d’une opération éligible au CIR menée en interne par le donneur d’ordre. 

Depuis le 1er janvier 2022, seuls ouvrent droit au régime de faveur les travaux confiés à un organisme de recherche agréé par le ministre chargé de la recherche, qu’il soit public ou privé. Avant cette date, aucun agrément n’était attendu organismes publics. Pour les prestataires privés, l’obtention de l’agrément conditionnait principalement le quantum de la dépense éligible au CIR. Si la décision ici étudiée a été rendue sous le régime ancien, son apport demeure sous le dispositif actuellement en vigueur.

Une précision importante pour les contrats de partenariat de recherche

Dans l’affaire soumise au Conseil d’Etat, la société Cap 2020 avait conclu un marché avec le Centre national d’études spatial (CNES) reposant sur un partenariat avec quatre organismes de recherche sous-traitants. Il était convenu que les sous-traitants seraient réglés directement par le CNES. La société Cap 2020 a ainsi comptabilisé le montant du marché en produit, déduit les charges correspondant aux dépenses de sous-traitance et, lors du paiement par le CNES, une écriture était enregistrée afin de solder le compte fournisseur du sous-traitant par le crédit du compte client de l’acheteur public. La société en a tiré les conséquences sur le plan fiscal et a inclus dans l’assiette de son CIR les dépenses de sous-traitance à hauteur des règlements directement effectués par le CNES.

L’administration fiscale, suivie par la Cour administrative d’appel, a exclu les dépenses de sous-traitance de l’assiette du CIR au motif que la société Cap 2020 n’avait exposé aucune de ces dépenses. La Cour administrative d’appel a considéré qu’était indifférente la circonstance que la société était titulaire du marché et qu’elle avait comptabilisé les dépenses en charges.

Le Conseil d’Etat a annulé la décision d’appel sur le fondement de l’erreur de droit : le fait qu’une dépense soit directement réglée par l’acheteur public au sous-traitant ne fait pas obstacle à son éligibilité au CIR dans le chef du donneur d’ordres, pourvu que ce règlement soit effectué au nom et pour le compte du titulaire du marché.

Un rappel bienvenu des règles de comptabilisation des dépenses de fonctionnement

A l’occasion de cette affaire, le Conseil d’Etat a également eu à juger de la minoration d’actif soulevée par l’administration fiscale dans l’affaire. La société Cap 2020 avait en effet immédiatement déduit des dépenses de fonctionnement engagées au début du projet, en amont de toute perspective de commercialisation, alors même qu’elle avait opté pour l’immobilisation de ces dépenses à l’occasion d’un projet antérieur.

Le Conseil d’Etat a rappelé que, conformément au principe de permanence des méthodes comptables, l’option pour l’immobilisation ou la déduction immédiate des dépenses de fonctionnement exposées dans les opérations de recherche (CGI, art. 236, I) est irréversible, sauf changement exceptionnel de situation, et doit s’exercer pour l’ensemble des dépenses des projets de recherche de l’entreprise.

Cette précision sur le traitement comptable n’a cependant pas d’impact pour le calcul du CIR.