La nouvelle règle de l’acquisition des congés payés durant un arrêt maladie

Décembre 2023 | Les articles L. 3141-3 à L. 3141-5 du Code du travail conditionnent l'acquisition des congés payés à un travail effectif et c’est pourquoi le salarié ne peut acquérir de congés payés durant ses arrêts pour maladie car, par définition, il ne travaille pas.

Toutefois, ces dispositions conduisent à des situations pouvant être considérées comme étant inéquitables en ce que certains salariés en absence de longue durée se trouvent dans l’impossibilité d’acquérir un droit à congés payés. Il s’agit :

  • Des salariés dont le contrat est suspendu pour maladie ou d’accident d’origine non professionnelle (Cass., soc., 13 mars 2013 n°11-22.285, Cass., soc., 2 juin 2016 n°15-11.422, Cass., soc., 14 novembre 2018 n°17-21.535).
  • Des salariés dont le contrat est suspendu pour une cause de maladie ou d’accident professionnel mais dont la suspension est supérieure à une durée ininterrompue d’un an.

Le droit interne a ainsi été jugé en contradiction avec les dispositions et la jurisprudence européenne.

L’article 31 paragraphe 2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dispose que tout travailleur a droit à une limitation de la durée maximale du travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu’à une période annuelle de congés payés. Il s’agit d’un principe essentiel du droit social de l’Union européenne (CJUE, Bauer et Willmeroth, 6 novembre 2018 C-569/16 et C-570/16, point /80).

En effet, la jurisprudence de la CJUE et la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, n’opère aucune distinction entre les travailleurs qui sont absents en vertu d’un congé maladie pendant la période de référence, et ceux qui ont effectivement travaillé.

Dès lors, le droit à congé payé conféré par la Directive ne peut être subordonné par un Etat membre à l’obligation d’avoir effectivement travaillé pendant la période de référence (CJUE, Schultz-Hoff, C-350/06, point 41, 20 janvier 2009, et CJUE, Dominguez, C-282/10, point 20).

Partant de ces considérations, la Cour de cassation a dans deux arrêts aligné l’acquisition du droit à congés payés sur le droit européen.

Dans une décision du 13 septembre 2023 (n°22-17.640) : La Cour de cassation a estimé que des salariés en arrêt maladie d’origine non professionnelle avaient acquis des droits à congés payés pendant la suspension de leur contrat de travail.

Dans une décision du 13 septembre 2023 (n°22-17.638) : La Cour de cassation a estimé que les dispositions de l’article L.3141-5 du Code du travail qui limitent à une durée ininterrompue d’un an les périodes de suspension du contrat de travail pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle assimilées à du temps de travail effectif pendant lesquelles le salarié peut acquérir des droits à congé payé est contraire au droit européen. 

Ainsi, les salariés ayant été privés du paiement de leurs congés payés sont fondés à obtenir un rappel de l’indemnité de congés payés en application de la prescription de 3 ans issue de l’article L. 3245-1 du Code du travail. La difficulté juridique réside dans le point de départ du délai de prescription. Le délai de prescription ne commence à courir que si l’employeur a pris les mesures nécessaires pour permettre au salarié d’exercer son droit à congé payé ce qui crée une insécurité juridique pour de nombreux employeurs et pourrait conduire à l’émergence de procédures prud’homales.

Une position du Conseil Constitutionnel est désormais attendue puisque la Cour de cassation a transmis, le 15 novembre 2023, deux questions prioritaires de constitutionnalité. La première question est de savoir si les articles L.3141-3 et L.3141-5, 5° du code du travail portent atteinte au droit à la santé et au repos garanti par le 11e alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 en ce qu'ils ont pour effet de priver, à défaut d'accomplissement d'un travail effectif, le salarié en congé pour une maladie d'origine non professionnelle de tout droit à l'acquisition de congés payés et le salarié en congé pour une maladie d'origine professionnelle de tout droit à l'acquisition de congés au-delà d'une période d'un an ?

La seconde interrogation à laquelle le Conseil constitutionnel va devoir répondre est celle de savoir si l'article L.3141-5, 5° du code du travail porte atteinte au principe d'égalité garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 en ce qu'il introduit, du point de vue de l'acquisition des droits à congés payés des salariés dont le contrat de travail est suspendu en raison de la maladie, une distinction selon l'origine professionnelle ou non professionnelle de la maladie, qui est sans rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ? Le Conseil constitutionnel dispose désormais d’un délai de trois mois pour trancher définitivement ce débat juridique.

Composée de juristes et d’avocats, Mazars Société d’Avocats est à vos côtés pour vous accompagner sur ce sujet d’actualité.