Reconsidérons sans tabou le rôle de l’audit légal

Le 29 juillet 2020 |
La confiance est un pilier essentiel d'une économie prospère. Elle seule permet que se nouent au quotidien de véritables relations contractuelles par millions sur le marché des biens et services, et sur celui des capitaux. Sans la confiance, le consommateur n'achète pas, le banquier ne prête pas, l'épargnant n'apporte pas ses fonds, l'entrepreneur reste l'arme au pied.

Sincérité de l'information

La médiatisation de faillites retentissantes, le plus souvent observées hors de France, remet régulièrement en cause cette confiance . Nous vivons une période de doute. Nous constatons une exigence redoublée des consommateurs, des investisseurs, des salariés et des citoyens à propos de la sincérité de l'information communiquée par les entreprises, qu'elle soit financière, mais aussi extra-financière.

En tant que dirigeants ou représentants des principaux réseaux pluridisciplinaires, dont l'une des activités principales est l'audit, nous sommes convaincus que le rôle et la responsabilité de chacun des acteurs de la chaîne de confiance doivent être reconsidérés sans tabou. Cela concerne évidemment les dirigeants, les actionnaires, les administrateurs, les commissaires aux comptes ou encore les comités d'audit et les régulateurs.

Réduire le décalage substantiel entre la réalité de la mission d'audit légal et la perception que le public peut en avoir lorsqu'une entreprise fait face à des difficultés importantes, est devenu tout aussi essentiel. Il faut l'affirmer : certifier des états financiers ne revient pas à un contrôle exhaustif des comptes, ne consiste pas à réaliser une revue exhaustive de l'ensemble des risques et des actes de gestion de l'entreprise et ne permet pas de prédire sa santé économique et financière. De même, notre mission ne consiste nullement en la recherche systématique de faits délictueux à l'instar de la police judiciaire.

Compréhension de l'activité de l'entreprise

Le rôle de l'auditeur est de donner une assurance raisonnable que les comptes préparés ne comportent pas d'anomalie significative. Cette mission que nous exerçons, sans moyen de coercition, n'emporte ni une vérité absolue ni une obligation de résultat. Elle nécessite la compréhension de l'activité de l'entreprise, de son environnement et d'opérations de plus en plus complexes pour nous permettre d'apprécier les risques. Seules nos équipes pluridisciplinaires regroupant des expertises pointues, avec une dimension internationale forte et largement reconnue par les milieux économiques, nous permettent aujourd'hui de remplir ce rôle.

Nous-mêmes sommes d'ores et déjà engagés pour garantir au public toute la qualité qu'il attend de nos missions : repenser la manière d'en rendre compte, investir dans la formation de nos collaborateurs et la technologie de façon à pratiquer des contrôles systématiques des données plutôt que par sondages et renforcer nos dispositifs de gouvernance et de pilotage de la qualité.

Évolutions indispensables

Il nous apparaît tout aussi incontournable de revoir comment l'efficacité du contrôle interne au sein des entreprises, la prévention et la détection des fraudes et l'anticipation des risques de défaillance d'entreprise sont appréhendés, évalués et renforcés. C'est pourquoi nous recommandons des évolutions indispensables en termes de gouvernance et de régulation du rôle et des responsabilités de chaque acteur de la chaîne de préparation, de validation et de vérification des informations financières et extra-financières.

Au moment ou certains régulateurs, notamment en Europe, envisagent de nouvelles réformes, les changements forts que nous avons résumés ci-dessus forment un ensemble cohérent et adapté au contexte français. Sans une approche globale de ces évolutions, aucune nouvelle mesure aussi emblématique soit-elle, notamment en matière d'indépendance du commissaire aux comptes ou par un accroissement supplémentaire du formalisme de ses missions, ne suffira à répondre aux attentes du public.

Tribune collective, à l'initiative de Bernard GAINNIER, Président de la Fédération française des firmes Pluridisciplinaires (F3P), Président de PwC France. Ont signé cette tribune :

  • Robert DAMVO, président de Grant Thornton France
  • Eric FOUREL, président d'EY France
  • Hervé HELIAS, président du groupe Mazars
  • Michel LEGER, président du Conseil de surveillance de BDO France
  • Jay NIRSIMLOO, président de KPMG France
  • Sami RAHAL, président de Deloitte France

Tribune initialement publiée sur lesechos.fr

Auteur