Un équilibre encore fragile, qui ne demande qu’à être fortifié
Loi Roudy sur l’égalité professionnelle (1983), loi Copé-Zimmermann relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance (2011) ou encore loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel (2018) : progressistes, ces textes ont indubitablement permis de nets progrès en matière de mixité au travail. Or, cette dernière reste à ce jour un équilibre fragile dont la nécessaire consolidation doit être l’affaire de tous : des femmes et des hommes, des entreprises et de l’Etat.
S’emparer du sujet de la mixité, c’est vouloir faire évoluer des modes de fonctionnement historiques, très ancrés, peu remis en question et perpétués au sein d’organisations initialement pensées par et pour des hommes. Autocensure, syndrome de l’imposteur… A ces biais regrettables dont souffrent de nombreuses femmes s’est récemment ajouté un nouveau risque, directement né de la transformation accélérée des modes de travail. En effet, la généralisation du télétravail n’a pas été sans conséquences pour les femmes et notamment les mères de famille, plus nombreuses que les hommes à travailler de chez elles. Un facteur de risque d’altération de l’équilibre de la mixité, déjà délicat, qui appelle les entreprises à s’interroger et redoubler de vigilance.
La mixité, un formidable levier de performance et d’attractivité pour l’entreprise
La richesse qu’apporte largement la diversité, et plus spécifiquement la mixité, n’est plus à prouver. Être égaux ne signifie pas être identiques : la variété des besoins, modes de pensée, parcours, tempéraments, forces et aptitudes constitue précisément la ressource clé qui permet aux équipes de nourrir leurs réflexions et leur créativité, donc aux entreprises d’innover et de performer. Pour optimiser voire décupler leur efficience et leur compétitivité, les entreprises sont ainsi invitées à favoriser la mixité en créant l’environnement de confiance qui permette aux femmes de montrer toute l’étendue de leur potentiel.
Ce développement de l’inclusion à tous les niveaux hiérarchiques de l’entreprise correspond précisément aux attentes des jeunes de la génération Z, qui intègrent progressivement le marché du travail et pour qui les valeurs et engagements des entreprises sont des critères de choix. Ouverts d’esprit, en quête de sens, très attachés à l’équilibre vie personnelle-vie professionnelle ainsi qu’aux méthodes managériales qu’ils souhaitent plus horizontales et inclusives, ces nouveaux et futurs collaborateurs font savoir leurs exigences et demandent à être convaincus. Seule une vraie diversité, mixte par définition, pourra repenser l’entreprise idéale de demain : il s’agit là d’une transformation de fond, à la fois urgente et nécessaire à la pérennité et à l’attractivité des organisations de toutes tailles et de tous secteurs d’activité.
Role models et mesure indicative de la mixité, deux leviers pour accélérer
Les role models jouent un rôle déterminant dans la capacité des femmes à se projeter, à être ambitieuses et à gagner confiance en elles. Aujourd’hui, il relève de la responsabilité des entreprises de contribuer non seulement à multiplier les success stories mais aussi à diversifier l’éventail de modèles d’inspirations : nombre de jeunes femmes ne parviennent pas à s’identifier à ces professionnelles dont les profils, parcours et styles sont malheureusement trop souvent similaires. En outre, au-delà d’encourager les femmes à briguer des postes stratégiques au plus haut niveau de l’entreprise, il est aussi question d’organiser des rencontres et de développer des programmes de mentorat, prioritairement là où la fracture s’opère, dès l’orientation scolaire et aux postes de middle management.
Enfin, autre levier de taille : la mesure. Sans forcément passer par une politique de quotas, les chiffres permettent de questionner les pratiques, que ce soit en matière de recrutement, de rémunération ou encore d’évolution interne. Ces indicateurs constituent de précieuses ressources pour renforcer ou rectifier certaines tendances à l’heure où il est intéressant de constater que la mixité tend à être perçue comme un non-sujet par les plus jeunes générations, pour qui elle semble naturelle : or c’est précisément lorsque l’on cesse d’être vigilant que le risque de régression s’accroît. Et la mixité doit encore – et sans doute plus que jamais – être accompagnée et soutenue par l’effort collectif. Pour que chaque femme se sente libre de faire preuve d’audace, d’être elle-même, et parvienne à s’épanouir dans sa vie professionnelle comme personnelle en exploitant pleinement son potentiel.
Article paru dans L'Opinion