Entre chance et contrainte, les ETI françaises face au défi RSE

Le 19 septembre 2023 |
Renforcement des obligations de reporting, renchérissement des coûts de l’énergie… Confrontées à une poussée réglementaire sur fond d’inflation, les ETI tardent à se transformer pour s’adapter à ces nouvelles réalités. Elles ont pourtant tous les atouts pour tirer parti de la RSE, et booster leur compétitivité.

Fortement ancrées dans les territoires, créatrices de nombreux emplois, les entreprises de taille intermédiaire (entre 250 et 4 999 salariés) sont des acteurs économiques clés en France. Mais le poids des normes pèse lourd sur la compétitivité de ces entreprises majoritairement industrielles, dont l’essentiel de l’outil de production est installé en France. Dans un contexte climatique alarmant, les entreprises sont appelées à accélérer la baisse de leurs émissions de dioxyde de carbone (CO2) pour respecter les ambitions européennes sur le climat. « Progressivement à partir de2024, l’entrée en vigueur de la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) obligera des milliers d’ETI à déclarer la performance environnementale et sociale de leur activité », explique Tristan Mourre, associé chez Mazars, spécialiste de la responsabilité sociale des entreprises.  

10 000 entreprises européennes étaient jusqu’alors soumises à cette obligation. Elles seront bientôt 40 000, dont de nombreuses ETI. Or, sur le terrain, certains dirigeants tardent à anticiper ces nouvelles contraintes réglementaires. « Je n’ai pas observé dans toutes les ETI une prise de conscience de l’urgence de la transition, relève Tristan Mourre. Pour l’heure, la priorité des ETI est de pérenniser leur activité, en réaction aux multiples crises auxquelles elles ont dû faire face : Covid, hausse des coûts de l’énergie, inflation. S’agissant de la CSRD, beaucoup d'entre elles considèrent souvent cela comme une contrainte de plus, sans aucune valeur ajoutée. »

Transformer la contrainte réglementaire en opportunité 

Selon Bruno Pouget, associé chez Mazars et spécialiste des ETI, l’entrée en vigueur de la CSRD est pourtant une opportunité pour les ETI de se transformer : « Elles vont devoir s’aligner avec les exigences bas carbone, repenser leur modèle d’affaires, prendre en compte des enjeux nouveaux, dont l’économie circulaire, la biodiversité ». Pour cela, elles devront recruter de nombreux profils spécialisés. « Un « mur d’investissements » se dresse devant les ETI, dans un contexte économique pour le moins incertain, résume Tristan Mourre. C’est le moment ou jamais pour elles de transformer leur modèle d’affaires, pour assurer leur durabilité»

Car au-delà de la contrainte réglementaire, la RSE est un élément différenciant pour le consommateur, pour les collaborateurs, comme pour les investisseurs. « De plus en plus d’appels d’offres intègrent ces éléments. Se positionner peut faire la différence. » Mieux, c’est une arme incontournable dans la « guerre des talents » à laquelle sont confrontées toutes les entreprises. « Le recrutement est le premier frein au développement des ETI. Leur implantation territoriale les confronte au manque de candidats, relève Bruno Pouget. Or, une entreprise solidement engagée en matière de RSE est un formidable levier d’attractivité des talents, notamment chez les jeunes ». Pour attirer les meilleurs profils dans ce marché ultra-tendu, les dirigeants ont donc intérêt à s’emparer du sujet sans tarder.  

Plus agiles que les grands groupes, mieux structurées que les start-ups

Les grandes entreprises incarnent le savoir-faire français, les politiques publiques mettent les start-ups à l’honneur… « Entre deux, les ETI, elles, font figure d’oubliées ». Un héritage différent de nos voisins allemands et italiens, connus pour le dynamisme de leurs entreprises familiales. « Les ETI françaises ont besoin de solutions dédiées, plaide Bruno Pouget. Une première étape serait de renforcer les études pour mieux connaître ces entreprises et de faciliter leurs liens avec l’administration, comme on a pu le faire pour les start-ups, en créant des systèmes de guichet unique ».

De nombreuses initiatives voient le jour, lancées par les ETI elles-mêmes : opérations de lobbying, partenariats avec de grandes écoles, création de clubs régionaux… « Les dirigeants d’ETI s’engagent de plus en plus dans des groupes de travail, et c’est une bonne chose. Ces entreprises ont une vision de long terme, portée par un actionnariat familial très attaché à des valeurs, et sont en excellente position pour faire face à la conjoncture actuelle. Les ETI mènent des projets dont l’impact est immédiatement perceptible sur un territoire. Elles incarnent, mieux que toute autre catégorie d’entreprise, la capacité à agir en faveur de la transition environnementale du tissu productif français ».

Article de la série Transformations durables, réalisée par Mazars en partenariat avec La Tribune.  

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