Les directions financières face à la robotisation

Le 3 janvier 2019 |
Dans les années 80, avec le déploiement des ERP, la direction financière a centralisé ses fonctions en centre de services. Dans les années 2000, l’ajout de workflow au SI a figé le rôle des différents contributeurs et a facilité l’externalisation. Après le cloud, les robots s’invitent aujourd’hui dans les entreprises. A n’en pas douter, les sociétés qui choisissent ces solutions de robotisation doivent dès à présent adapter la structure de leur organisation.

En quoi consiste la robotisation des opérations au sein des directions financières ?

Tout d’abord la robotisation est l’action d’un programme informatique capable de manipuler des transactions ou d’exécuter des opérations à partir d’un arbre de décision à résultat simple ou complexe. Concrètement, les robots ou assistants digitaux remplacent les actions manuelles ou semi-automatisées (ex : rapprochement, saisie, relance) réalisées par les comptables, les contrôleurs de gestion ou tout autre opérateur administratif. A l’international, deux types de prestataires se partagent aujourd’hui le marché. Les premiers prennent la main sur l’interface utilisateur et codent pas à pas l’ensemble des étapes d’un mode opératoire (on parle de RPA pour Robotic Process Automation). Les seconds offrent une solution informatique directement connectée à l’ERP, sans sollicitation de l’interface utilisateur ; une phase de spécification adapte alors les robots standards aux besoins de l’entreprise. Le choix de l’une ou l’autre solution dépend des spécificités métier, des objectifs de gains et des exigences de la DSI.

En moins d’un an, la robotisation s’est faite une place de premier ordre dans le marché des nouvelles technologies offertes aux directions financières. Pour le métier, les assistants digitaux sont adaptables à leurs besoins et à leurs activités, ils sont opérationnels 24 heures sur 24, augmentent la qualité des traitements et limitent les erreurs. Concernant l’IT, les robots complètent un système d’information existant avec un investissement en infrastructure faible et deviendront un point d’entrée pour le machine learning ou la blockchain. Pour les financiers, les coûts et les gains sont mesurables, la durée du projet est raisonnable. Pour tous, le déploiement et le retour sur investissement semblent rapide. Depuis l’été 2016, le marché est en veille et étudie cette nouvelle opportunité d’automatiser tous ces processus répétitifs à faible valeur ajoutée. Ainsi, l’automne 2016 a vu apparaître la « guerre des POC (Proof of Concept) », expression consacrée pour traduire l’engouement des dirigeants à expérimenter cette nouvelle offre IT. Les plus innovants ont débuté une phase d’expérimentation avec des consultants externes ou directement avec les éditeurs informatiques. Compte tenu des enjeux, le projet s’initie alors à partir d’un business case en identifiant notamment le périmètre, les coûts et les bénéfices attendus. Le projet est réalisé en deux ou trois vagues. D’abord, le POC doit convaincre ; en moins de deux mois, le métier et l’éditeur informatique réalisent successivement la spécification, le développement et la recette de la solution sur le périmètre limité à un geste métier simple. Ensuite, le métier réalise un pilote sur un processus puis démarre le projet à l’échelle d’un service ou d’un cycle comptable.

Quels sont les contributeurs aux projets de robotisation ?

Le projet d’automatisation mobilise généralement l’ensemble des fonctions de l’entreprise : métiers, finance, SI et RH. Au-delà de la productivité pro-mise, les assistants digitaux libèrent les processus des contraintes temporelles, organisationnelles et techniques. Leur mise en place exige d’identifier les processus éligibles et de porter une attention particulière à l’accompagnement du changement.

La direction générale et la direction financière sont les sponsors naturels pour porter ce projet d’entreprise. La DSI n’est pas en reste, elle joue son rôle de fonction support pour garantir la sécurité et la protection des données en attendant d’absorber ces nouvelles compétences.

Comment identifier les processus éligibles à la robotisation ? Quelles sont les conséquences au quotidien dans le suivi de ces processus et au sein des équipes ?

Seuls les gestes métiers stables (mais non industrialisés dans l’ERP) basés sur des données numérisées sont robotisables. Par convention, la maturité d’un processus est vérifiable via un arbre de décision reprenant toutes ses règles de gestion. Ce travail de formalisation précède la spécification et est généralement l’occasion de rationaliser et d’optimiser les actions de collecte des données, de retraitement et de restitution. Enfin la priorité est donnée aux actions répétitives et fréquentes pour logiquement optimiser les gains. En production, le métier est autonome dans le pilotage des assistants digitaux. Un tableau de bord spécifique reprend les indicateurs sous forme de calendrier, identifie les points de blocage et les rejets. La maitrise et la maintenance du processus automatisé est une des clés de l’amélioration continue. La fonction finance doit donc être partie prenante dans la maintenance des robots, l’identification des causes des éventuelles anomalies et les solutions apportées.

Du processus initial au processus robotisé : les étapes-clés d’une transition réussie

L’interdépendance entre la solution informatique, les processus robotisés et les ressources humaines, nécessite un dispositif de conduite du change-ment, porté par les sponsors du pro-jet afin de fédérer l’équipe, identifier les évolutions d’organisation et encourager l’innovation permanente.

L’entreprise a deux options pour intégrer les robots dans son quotidien : ajuster progressivement ou réorganiser de manière disruptive l’organisation. Le choix dépend généralement des réponses apportées à quelques questions : l’équipe est-elle réceptive au changement ? Les profils sont-ils évolutifs ? Les gains de temps sont-ils répartis sur l’ensemble de l’organisation ? La transformation s’inscrit-elle dans un calendrier identique à l’attrition des effectifs ? Le succès de la transformation dépend aussi et surtout de l’implication des salariés face aux projets d’automatisation. L’acculturation aux nouvelles technologies et la formation sont des prérequis pour que le temps sauvé soit une véritable opportunité pour les collaborateurs de se recentrer sur le métier de leur entreprise, augmenter leur périmètre d’intervention et monter en responsabilité sur le pilotage administratif des nouveaux processus. Le nombre d’intervenants dans la direction financière tend à être rationalisé avec l’automatisation. Les profils strictement financiers ne seront plus la norme. Plus autonomes avec un niveau de responsabilité plus fort, les collaborateurs auront à résoudre de nouvelles problématiques. Si la révolution technologique a toujours précédé les changements majeurs dans les organisations, l’entreprise robotisée aura à repenser la relation entre ses salariés, ses fournisseurs et ses clients.

Auteur