Le CSE, un accélérateur du dialogue social et des transformations en entreprise ?

Le 15 avril 2022 |
Avec les ordonnances Macron du 22 septembre 2017, le dialogue social au sein des entreprises se voit profondément bouleversé. A l’époque, l’objectif affiché était de simplifier et de fluidifier le dialogue social par la concentration des instances. Pour beaucoup de spécialistes, cette réforme apparaissait comme inéluctable et complexe à mettre en œuvre. Trois ans après l’installation progressive des CSE, ne serait-il pas temps de dresser un premier bilan objectif de cette transformation ?

Pour rappel, l’installation du Comité Social et Économique induit 3 changements majeurs.

  • Contrairement au CE qui n’était obligatoire qu’à partir de 50 salariés, les entreprises de 11 salariés et plus depuis 12 mois consécutifs doivent désormais mettre en place le CSE.
  • Les instances historiques (CE / CHSCT / DP) disparaissent et les missions sont intégrées au sein des CSE.
  • Par ailleurs, les élus sont désormais limités à 3 mandats consécutifs.

La crise sanitaire a contribué à renforcer le dialogue

Les organisations ont pris le temps de négocier avec leurs représentants et de préparer la mise en œuvre de ces nouvelles instances. Cette nouvelle organisation du dialogue social en France a très vite été confrontée à la crise du Covid-19 et à ses conséquences : mise en place du télétravail, du chômage partiel, des protocoles sanitaires et maintien de l’activité.

Ce qui ressort de cette période, de l’avis du plus grand nombre, c’est qu’elle fut un grand moment de dialogue social. En effet, le caractère « exceptionnel » de la situation et la menace évidente ont aligné mécaniquement les objectifs des salariés et des employeurs dans la plupart des organisations. La gestion de crise a rendu possible la création d’instances paritaires spécifiquement dédiées à la gestion de l’épidémie et dans la plupart des cas la Commission Santé et Sécurité a pleinement joué son rôle.

4 principaux axes d’amélioration ont été soulignés

Néanmoins, si la crise sanitaire a été un test concluant pour les CSE dans la plupart des organisations, les critiques sur cette nouvelle organisation du dialogue social en France sont nombreuses. Sont notamment soulignés 4 points :

  • le nombre d'heures de délégation trop faible, les réunions « fleuves » des CSE, trop souvent chambres d'enregistrement des décisions de l'employeur,
  • les élus parfois insuffisamment formés et donc moins efficaces,
  • les suppléants pour certains trop peu au fait des dossiers, faute de pouvoir assister aux réunions,
  • les délégués de proximité qui, paradoxalement, manquent de proximité du fait du choix des organisations de positionner les CSE sur le plan territorial et non plus local dans la plupart des cas. Le management local se retrouvant avec une nouvelle prérogative à assumer : celle de faire vivre le dialogue social de proximité.

Dans un récent rapport, Marcel Grignard, ex-numéro deux de la CFDT, pose une analyse contrastée en soulignant « une adaptation très progressive et parfois difficile des partenaires sociaux au nouveau cadre légal », ainsi que « le besoin de formation des élus du fait de la diversité des missions confiées au CSE ».

Ces limites doivent être écoutées et prises en compte car les enjeux en termes de dialogue social sont nombreux dans la période qui s’ouvre. En effet, les restructurations industrielles ont doublé entre 2019 et 2021 (de 32 à 70), 650 PSE ont été lancés en 2021 contre 490 en 2019.

Les partenaires sociaux appelés à adresser de nouveaux besoins

Au-delà de l’accompagnement et du suivi des ces plans, la crise fait émerger de nouveaux besoins que les partenaires sociaux doivent adresser sans tarder.

Premièrement,comment s’assurer que les nouveaux modes de travail restent un « progrès » et non pas un déclencheur de restructuration et d’optimisation ? Si le télétravail et la digitalisation constituent des avancées notables, ils conduisent toutefois à de nouvelles interrogations : que faire des surfaces immobilières inoccupées ? Quel l’impact sur certaines fonctions support de l’entreprise ? Par ailleurs, le dialogue social, à travers notamment le CSE et la CSSCT, va devoir s’assurer que les déploiements de ces nouveaux modes de travail restent une dynamique de progrès pour le collaborateur et pour l’entreprise.

En outre, comment sécuriser, par un dispositif d’écoute social puissant, l’existence d’un lien permanent entre les collaborateurs ? La crise sanitaire, l’éloignement et les différentes aspirations des collaborateurs peuvent altérer leur cohésion ainsi que la qualité de leur lien. Partenaires sociaux et managers doivent être en mesure de prendre en compte ce risque et de porter le dialogue social sur le terrain et dans chaque territoire afin de n’oublier personne.

Enfin, comment faire du dialogue social, dès demain, un levier d’accélération de la transformation RSE des organisations ? Les CSE doivent être des vecteurs d’accélération de la transformation sociétale des entreprises. Aujourd’hui, cette instance joue pleinement son rôle en termes de gestion des œuvres sociales et culturelles, d’information et consultation, de santé et sécurité, ou encore de présentation des réclamations. Pourquoi ne pas ajouter une nouvelle mission essentielle ? Celle de placer notamment des sujets comme le développement durable, la diversité et la parité, au centre du dialogue social de chaque entreprise.

Pour répondre à ces problématiques et y apporter des solutions durables et vertueuses, les représentants des salariés et employeurs doivent faire de ces pistes de réflexion leurs priorités des prochains mois en termes de dialogue social.

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