Le cadre réglementaire des ICO se précise

Le 9 mai 2018 |
Pour attirer les investisseurs du monde entier et sécuriser les placements, l’AMF a lancé une consultation publique, pour tenter de définir des pistes d’encadrement de ces nouvelles formes de levées de fonds. Plus de 80 réponses ont été reçues provenant des infrastructures de marché, du monde financier, juridique ou même de particuliers. S’il ne définit pas encore le futur cadre légal, le bilan de cette consultation permet à l’AMF de dresser un premier portait de ce phénomène, d’avertir sur les risques potentiels et de proposer des pistes de réflexion sur les possibilités d’encadrement.

L’ICO en plein boom : un besoin grandissant d’informer les investisseurs

Une ICO (Initial Coin Offering) est une levée de fonds, fonctionnant via l’émission d’actifs numériques échangeables contre des cryptomonnaies durant la phase de démarrage d’un projet. Ces actifs numériques, appelées tokens (jetons en français), sont émis par l’organisation à l’origine de l’ICO et peuvent être acquis aussi bien par des personnes physiques que morales.
L’AMF a lancé au dernier trimestre 2017, un programme d’étude sur la levée de fonds en actifs numériques baptisé UNICORN (Universal Node to ICO’s Research & Network). Une initiative qui a notamment permis de préciser les caractéristiques des tokens émis dans le cadre d’une ICO. Ces derniers peuvent se regrouper en deux catégories :

  • Les tokens dits d’usage ou utility token : ils octroient un droit d’usage à leur détenteur en leur permettant d’utiliser la technologie de l’initiateur de l’ICO ;
  • Les tokens offrant des droits politiques ou des droits financiers : ils octroient des droits financiers ou des droits de vote à leur détenteur.

L’AMF précise que les émetteurs d’ICO distinguent deux types de documents :

  • Les manifesto, qui visent à annoncer un protocole sur lequel pourrait se développer certains types de projets technologiques ;
  • Les whitepapers, un document commercial qui présente le projet d’entreprise, les caractéristiques des tokens émis, l’utilisation future de la levée de fonds, les projections économiques, …

Ces documents d’information sont, à ce jour, très disparates et ne font l’objet d’aucun cadre législatif et réglementaire. Face à ce vide juridique, de nombreux porteurs de projets sont conseillés par des cabinets d’avocats qui les sensibilisent aux informations notamment exigées par la Directive Prospectus, qui encadre les opérations de levée de fonds traditionnelles.

Définir la nature juridique des tokens, première étape de la détermination d’un mode de comptabilisation et d’évaluation

Plusieurs possibilités ont été évoquées, telles que les titres financiers, à la fois titres de capital ou titres de créance, les contrats financiers, intermédiaires en biens et services, placements collectifs, ou encore le crowdfunding. Pour la plupart des options envisagées, la conclusion de l’AMF et des entités consultées est sans appel : ces statuts juridiques ne peuvent constituer une solution satisfaisante. Au contraire, la majorité des répondants insiste sur la nécessité de proposer une classification des tokens en fonction des droits, contreparties ou avantages auxquels ils donnent accès, ce qui permettrait de préciser le régime juridique associé à chaque token. L’analyse des tokens intégrerait, entre autres, leur caractère spéculatif ou non ainsi que les modalités de leur transfert et de cession, l’influence de l’émetteur vis-à-vis de la blockchain sur laquelle sont émis les tokens ou l’intention du souscripteur : S’agit-il d’une perspective morale via un don ? D’une perspective de profit ou d’économie via un investissement ?

Une volonté d’information et de clarification, qui ressort de la consultation mais également l’apparition de certains risques à anticiper. L’AMF met ainsi en évidence la nécessité de prévoir un dispositif de prévention du blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme, notamment via la réalisation d’un KYC (Know Your Customer - processus permettant de vérifier l'identité des clients d'une entreprise). Avec plus de 4 milliards de dollars levés en 2017 par des ICO, le gouvernement a récemment insisté sur sa volonté de légiférer rapidement sur les levées de fonds en cryptomonnaies pour faire de Paris la capitale des ICO.

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