Etat des lieux du contrôle fiscal international

Le 22 novembre 2022 |
L’examen des chiffres publiés par Bercy en octobre 2022 montre que le contrôle fiscal international reste un axe majeur de la lutte contre la planification fiscale agressive, tout particulièrement en matière de prix de transfert.

Comme chaque année, le Ministère de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté Industrielle et Numérique a publié, dans le cadre du projet de loi de finances 2023, un document de politique transversale portant sur « la lutte contre l’évasion fiscale et la fraude en matière d’impositions de toutes natures et de cotisations sociales ». Ce rapport présente un état des lieux du contrôle fiscal en 2021.

Comme en 2020, le rapport met en exergue toute l’importance que revêt le contrôle fiscal international dans le cadre de la lutte contre la planification fiscale agressive. L’administration dispose à cet égard d’un arsenal législatif fort reposant principalement sur les prix de transfert (article 57 du Code Général des impôts ou « CGI »), les règles de territorialité en matière d’impôt sur les sociétés (article 209-I du CGI) et les dispositifs anti-abus (prévus par les articles 209 B, 123 bis, 155 A, et 212 du CGI).

Le contrôle des prix de transfert

Ce contrôle est porté par la DVNI pour les grands groupes internationaux et par les DIRCOFI pour les entreprises moyennes.

En 2021, les dispositions de l’article 57 ont été utilisées à 385 reprises pour un total de 2,86 Md€ contre 1,2 Md€ en 2020 (+136%). Le montant des rehaussements issus de la mise en œuvre de ces dispositions représente à lui seul 64% des rectifications en base de l’année 2021. Le montant moyen (par dossier) des rehaussements en matière de prix de transfert est de 7,4 millions d’euros soit une augmentation de près de 25% par rapport à 2020, mais en baisse de 33% par rapport à 2019.

Concernant les rectifications relatives à des transferts de bénéfices vers des Etats ou juridictions offrant un régime fiscal privilégié, 43 affaires représentent un montant de rehaussements de 774 M€. Les juridictions impliquées sont l’Irlande, la Suisse, le Luxembourg, les Emirats Arabes Unis mais également le Portugal (zone Franche de Madère prévoyant un taux d’imposition de 5%).

Pour les entreprises soumises à l’obligation documentaire prévue par les articles L13 AA et L13 AB du Livre de procédures fiscales (LPF), le rapport précise que la qualité de la documentation est satisfaisante dans 82% des cas mais souligne toutefois, dans certains cas, l’absence de mise à jour des comparables ainsi qu’un manque d’informations suffisamment détaillées pour les prestations financières.

Autres points faibles évoqués, l’absence de remise de la documentation sous forme dématérialisée permettant le traitement informatique et l’absence de traduction en langue française.

Contrôles reposant sur les règles de territorialité et les dispositifs anti-abus

L’article 209-I du CGI permet l’imposition des entreprises étrangères qui disposent sur le territoire français d’un établissement stable ou d’un siège de Direction effective. Ce dispositif a été mis en œuvre 164 fois en 2021 pour un montant total de rectifications de 250 M€ en base, bien supérieur à son niveau de 2019 (191 M€).

Il convient de souligner que dans chacun de ces cas, les rectifications ont fait suite à la mise en œuvre du droit de visite et de saisie prévue par l’article L 16 B du LPF.  On notera que 80% des perquisitions réalisées par la Direction Nationale des Enquêtes Fiscales (DNEF) concernent la sphère internationale. En 2021, 135 cas sur un total de 168 ont concerné une activité occulte, un établissement stable ou un siège de direction effective.

Lutte contre les montages visant à délocaliser la matière imposable

Les résultats de la mise en œuvre des dispositifs anti-abus ont progressé de 57% en 2021 passant d’un montant de rehaussements de 564 M€ en 2020 à 886 M€ en 2021.

Parmi ces dispositifs, l’article 238 A du CGI, qui vise à lutter contre les versements effectués à destination de pays à régime fiscal privilégié, a été mis en œuvre à 16 reprises pour un montant de rectifications de 27,2 M€ en base. Les territoires concernés sont la Suisse, la Tunisie, l’Irlande, le Luxembourg, la Belgique, Malte, Hong-Kong, Singapour, les Emirats Arabes Unis et les Iles Vierges Britanniques.

L’analyse des résultats du contrôle fiscal international en France constitue une source d’information de premier ordre pour les entreprises afin de leur permettre de mieux évaluer leurs risques fiscaux et d’y remédier. Dans ce contexte, compte tenu de l’importance croissante prise par le contrôle des prix de transfert, il est fortement recommandé aux entreprises engagées dans des opérations internationales de s’assurer de la cohérence de leur politique en la matière au principe de pleine concurrence en procédant à un diagnostic de risque.

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