Les enjeux fiscaux majeurs du secteur de l’énergie éolienne

Le 7 octobre 2022 |
S’inscrivant dans la mouvance globale de lutte contre le réchauffement climatique, la France entend intensifier le développement du secteur de l’énergie renouvelable. D’ores et déjà acteur dominant dans le domaine avec une place de 4ème en Europe, la France s’est fixé l’objectif ambitieux de faire passer la part des énergies renouvelables à 40% de la consommation finale brute d’énergies en 2030, contre 14,6% en 2017.

Bien qu’étant un secteur en pleine expansion économique, la production d’énergie éolienne constitue une activité qui engendre des coûts fiscaux non négligeables pour les exploitants.

La fiscalité de l’éolien a fait l’objet de nombreux bouleversements au fur et à mesure de l’implantation des structures, tant par le biais de modifications du code général des impôts (CGI), que par l’apport de précisions par la jurisprudence judiciaire et administrative.

En outre, un projet énergétique dure en moyenne entre cinq et dix ans et comprend principalement quatre phases. Les règles fiscales applicables à la chaîne de valeur du projet éolien s’articulent donc autour de la phase de développement, la phase de construction, la phase d’exploitation et la phase de démantèlement des éoliennes.

Les enjeux fiscaux lors de la phase de développement du projet éolien

Le développement d’un projet éolien nécessite de réaliser un certain nombre d’actions préalables afin de vérifier la faisabilité du projet. Cette phase comprend donc des études de la zone d’implantation potentielle, la rédaction de documentations techniques ainsi que l’obtention de tous les permis et autorisations nécessaires au développement du projet.

Au sein de groupes internationaux, il est d’usage de voir la société mère se faire assister par sa filiale étrangère au moyen de prestations de services. La société mère peut, quant à elle, supporter sa filiale dans la recherche d’investisseurs tiers ou bien par l’octroi d’un prêt afin de financer le projet. Quelle que soit la typologie de transaction intragroupe (i.e. prestations de service ou transaction financière), une rémunération de pleine concurrence doit être déterminée pour chaque transaction, souvent par le biais d’une étude de comparabilité.

En pratique, la société mère et sa filiale étrangère développent de manière conjointe le projet éolien de sorte qu’elles sont qualifiées de co-entrepreneurs d’un point de vue prix de transfert. Ainsi, lorsque le projet développé fait l’objet d’une vente à un investisseur tiers, quelle que soit l’avancée du projet (i.e. phase de développement ou phase d’exploitation), la rémunération finale dudit projet sera allouée entre les entités dites co-entrepreneurs selon la méthode du partage des bénéfices. Une analyse contributive préalable est donc nécessaire afin de déterminer la bonne répartition du profit entre les entités. L’allocation finale du profit suppose bien évidemment que les prestations les plus simples telles que les services techniques aient été préalablement rémunérées.

Les enjeux fiscaux lors de la phase de construction des éoliennes

Outre les spécificités liées à l’activité de l’exploitant, le lieu d’implantation des éoliennes est également pris en compte. Ainsi, les éoliennes maritimes font l’objet d’une taxation spécifique et ne sont pas soumises à l’IFER contrairement aux installations terrestres. Ces taxations annuelles sont toutes deux basées sur la puissance électrique installée des éoliennes.

Les particularités structurelles des éoliennes entrainent également des problématiques quant à leur qualification de bien meuble ou immeuble au sens du droit fiscal.

Afin d’assurer la taxation des installations techniques dans leur ensemble, une décomposition de chaque élément est réalisée en matière de taxes locales.

Ainsi, les pylônes supportant les lignes de transport de l’énergie à très haute tension sont soumis à une taxation spécifique dont le montant est fixé selon que la tension électrique supportée est de 200 à 350kV ou supérieure à 350kV.

Le socle en béton, considéré comme un ouvrage de maçonnerie, est quant à lui imposable à la taxe foncière sur les propriétés bâties.

La nature du mât est appréciée selon sa fixité. S’il demeure démontable et uniquement boulonné au socle, il n’est pas considéré comme un immeuble imposable à la taxe foncière sur les propriétés bâties. Dans le cas contraire, il est considéré comme constituant un élément de l’ouvrage et est, en principe, imposable à la taxe foncière sur les propriétés bâties. Toutefois, le mât bénéficie d’une exonération si l’éolienne constitue un moyen d’exploitation d’un établissement industriel.

Dernièrement, la Haute Cour a réaffirmé la nécessaire dissociation des éléments constituant l’éolienne pour énoncer que les installations techniques (turbines, câble et armoire électrique) ne doivent pas être inclus dans les actifs immobiliers du numérateur du ratio de calcul de la prépondérance immobilière en matière de droits d’enregistrement.

Une qualification unitaire des éoliennes semble donc peu idoine.

Il est toutefois à noter une exception en matière taxe d’aménagement, où la structure de l’éolienne est appréciée dans son ensemble afin de déterminer si sa hauteur est supérieure à 12 mètres et ainsi fixer sa valeur forfaitaire imposable à 3 000€ par éolienne.

En marge de l’objectif d’accroissement des implantations d’éoliennes, l’évolution du droit fiscal y afférent parait aujourd’hui stagnante et le législateur ne semble pas vouloir y remédier, comme le révèle la LFR pour 2021. De telle sorte que le seul axe de développement parait être interprétatif et non modificateur.

Les enjeux fiscaux lors de la phase d’exploitation des éoliennes

Dans la phase d’exploitation, la production de l’énergie éolienne donne lieu à des échanges de flux économiques entre l’exploitant et l’acheteur-revendeur de l’électricité dont les bénéfices sont imposables (régime BIC ou IS).

Ces flux sont soumis à TVA et peuvent faire l’objet d’un dispositif d’autoliquidation dans le cadre de la livraison d’électricité par un fournisseur établi en France à un acquéreur identifié à la TVA en France à des fins autres que la consommation (e.g. vente de sa production par l’exploitant à EDF qui sert d’intermédiaire à la revente).

Les enjeux fiscaux lors de la phase de démantèlement des éoliennes

Depuis 2005, le législateur a entendu encadrer la phase de démantèlement des structures afin d’en garantir l’exécution. Les frais immédiats et prévisibles que constituent les coûts de démantèlement des éoliennes doivent faire l’objet d’une provision dès la mise en service ou la construction de l’installation. Ce mécanisme n’a cependant qu’un impact sur la trésorerie de l’exploitant. En effet, il aboutit à enregistrer en amont des frais devant être déboursés effectivement à l’issue de l’exploitation, afin de s’assurer que l’entreprise sera en mesure d’exposer ces coûts lors du démantèlement.

L’inscription de cette provision au passif de la société a pour contrepartie la comptabilisation d’un actif au bilan de l’exploitant, amorti linéairement selon sa propre durée d’utilisation. Dans la mesure où les projets éoliens s’inscrivent sur de longues périodes, il est possible de constater l’actualisation du prix du démantèlement par le biais de provisions pour risques et charges déductibles fiscalement selon les dispositions de droit commun.

Face aux importants enjeux fiscaux rencontrés par les acteurs du marché des énergies renouvelables, il est fortement recommandé de sécuriser sa politique fiscale aussi bien d’un point de vue fiscalité des entreprises que TVA et prix de transfert, en amont de tout contrôle fiscal.

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