Comment mettre en place une organisation robotisée au sein de la DAF ?

Le 4 avril 2019 |
Les nouvelles technologies s’invitent au sein des entreprises créant des opportunités d’optimisation opérationnelles pour les directions financières. Si les nouveaux logiciels d’automate sont expérimentés, comment réussir à mettre en place une organisation robotisée ?

En moins de cinq ans, les taxis se sont fait ubériser. Les taxi robots tout comme les TESLA sans conducteur ubériseront à leur tour les sociétés de chauffeurs privés. Les nouvelles technologies contribuent à l’émergence de jeunes challengers : c’est vrai dans notre vie de tous les jours, et cela se vérifie dans le monde de l’entreprise qui subit une (r)évolution majeure, lente et soutenue. Quatre éléments initient et accentuent ce mouvement :

  • Les nouvelles technologies se sont démocratisées, elles n’ont jamais été aussi accessibles à tous. Techniquement, les capacités de calcul et de stockage des outils informatiques sont exponentielles, grâce notamment à des processeurs toujours plus petits.
  • Au sein de toutes les entreprises, de nouveaux business models émergent, les stratégies et les organisations se recentrent sur leurs clients.
  • Les méthodes de travail se réinventent, les nouvelles générations travaillent autrement et ont de nouvelles aspirations face au monde du travail. Les métiers et les profils changent.
  • Souvent, les applications métiers convergent d’un ERP Finance, y compris les échanges entre les acteurs structurés dans des workflows. La complexité et le coût des évolutions freinent l’amélioration et l’adaptation des processus.

Les robots appliqués à la Fonction Finance sont arrivés en France au cours de l’année 2016. Le nom de la technologie associée à ces robots tient en trois lettres : RPA pour Robotic Process Automation. Ces applications informatiques sont implémentées sur les serveurs informatiques des entreprises ou sur les ordinateurs des collaborateurs pour réaliser des tâches répétitives ou à faible valeur ajoutée. Ces robots sont des automates autonomes activés à partir de faits générateurs captés dans le système d’information. Ces faits générateurs peuvent être une transaction dans l’ERP, un dépassement de seuil, ou encore un jalon de clôture.

L’implémentation de ces robots répond à une ambition d’efficacité opérationnelle tant dans leur spécification que dans leur utilisation

Les automates sont généralement paramétrés par mimétisme des gestes métiers des comptables, des contrôleurs de gestion ou tout autre administratif RH ou SI. Les spécifications sont réalisées à partir d’arbre de décision ou d’enregistrement vidéo des déplacements du curseur de la souris sur l’écran de l’opérationnel. En environnement de production, l’application informatique réalise les transactions opérationnelles autant que nécessaire pendant 24 heures, 7 jours sur 7. Par analogie, l’automate se transforme ainsi en travailleur « virtuel » facilement et rapidement formé aux besoins des métiers.

Les processus éligibles à la robotisation doivent répondre à deux critères : les données source doivent être numériques et la structure du processus doit être stable à partir de règles de gestion clairement connues et formalisées. Respecter ces prérequis ne semble pas insurmontable pour toute organisation mature. Les cas d’usage sont sans limite car ils peuvent concerner tous les domaines de la finance. Concrètement, les travaux automatisables sont de nature transactionnelle ou décisionnelle.

  • Cas d’usage lié à du transactionnel administratif – Alimentation / alignement des référentiels

Après paramétrage, le robot est en mesure de récupérer les données source sur un site internet (site sécurisé d’une banque par exemple) ou sur une application du système d’information de l’entreprise (amont au processus), coller ces données dans un fichier tableur, puis les intégrer dans une application aval. L’automate peut finaliser ses travaux en envoyant un mail de synthèse au comptable responsable du processus.

  • Cas d’usage intégrant des décisions modélisées dans un algorithme – Gestion des écarts suite aux rapprochements dits intragroupe ou intercompagnie

Habituellement, ce type de rapprochement est réalisé à partir de deux extractions issues de systèmes d’information spécifiques à chaque structure juridique (la compagnie acheteuse et la compagnie vendeuse). En cas d’écart, les comptables de ces deux sociétés se coordonnent, ajustent les flux et justifient leurs comptes.

Avec la RPA, les extractions sont éditées et stockées sur le réseau. Les écarts sont calculés tels que définis dans les spécifications (ex : détermination des écarts à la granularité des factures). Les écritures sont ensuite comptabilisées directement par l’automate à partir des règles déclarées dans les instructions de clôture du groupe (exemple : ajustement des flux intercompagnies sur la position du vendeur pour tous les flux avec un montant supérieur au seuil de signification). Tous les flux non rapprochés sont assimilés à des exceptions et peuvent être inventoriés dans un fichier tableur et envoyés pour traitement manuel.

L’automatisation via RPA répond à trois principaux enjeux :

  • harmonisation et sécurisation des processus,
  • réduction des coûts,
  • gain de temps pour les professionnels qui pourront se concentrer sur des travaux à plus forte valeur ajoutée.

Si les enjeux sont simples à appréhender, il convient néanmoins de s’organiser pour intégrer cette nouvelle technologie au sein de la direction financière. Depuis l’été 2016, les entreprises se sont généralement organisés en 4 étapes : la formation de leurs équipes, l’expression de besoin, l’expérimentation et la mise en œuvre au sein de la direction financière.

4 étapes pour mettre en œuvre une organisation robotisée au sein de la DAF

Les deux premières étapes pour la mise en place d’une organisation robotisée sont standard mais essentielles, surtout lorsqu’une entreprise s’adjoint un nouvel outil. La formation contribue à la sensibilisation des collaborateurs aux évolutions technologiques et à la levée des éventuels freins au changement. L’expression de besoin est également l’occasion de se poser les bonnes questions, réaliser les premiers calculs de retour sur investissement et de mesurer les impacts dans l’organisation et le système d’information.

L’expérimentation consiste tout d’abord à tester la robotisation à partir d’un cas d’usage simple (on parlera de POC – Proof Of Concept), puis d’élargir progressivement le périmètre de processus à automatiser en environnement informatique de test (on parle de pilote) avant de migrer le pilote en environnement de production pour valider les gains estimés (phase projet). Au-delà de l’aspect technique et de l’organisation en mode projet, la direction financière aura à se positionner à chacune des phases sur un go / no go.

En cas de go, la direction financière définira les modalités d’utilisation de ce nouvel outil RPA. Doit-on l’utiliser de manière massive sur tous les processus ou est-ce un outil ponctuel utilisable au gré des besoins des comptables et des contrôleurs de gestion ?

Si le déploiement massif est retenu, la mise en place d’une solution RPA est réalisée de manière progressive, processus par processus afin de maintenir la production du chiffre (sauf à créer ou à ré-internaliser un service). Pendant cette phase, l’intégration des automates est suivie en mode projet pour éviter une dérive budgétaire et maintenir un rythme de déploiement.

Les quelques sociétés françaises et européennes, qui ont décidé d’intégrer des robots dans leurs organisations, ont toutes centralisé les compétences de spécification, de développement et de maintenance au sein d’une équipe dédiée. Dans ce cas, la plateforme RPA doit être gérée comme un centre d’excellence pour éviter d’être perçue comme une « boîte noire » – usine à processus dont les traitements sont opaques.

De la boîte noire au Centre d’excellence / Centre de compétences

La RPA est synonyme d’innovation dans la fonction Finance. La direction financière doit apprendre à utiliser ces nouveaux outils. L’automatisation des processus a un effet vertueux puisqu’elle remet à plat, homogénéise et améliore les processus manuels. Cependant les exceptions et les dérogations restent monnaie courante pour les professionnels du chiffre malgré une forte capacité à anticiper et à maîtriser l’incertitude. La valeur ajoutée des comptables ou des contrôleurs de gestion résidera, davantage encore demain, dans leur capacité à trouver des solutions à des difficultés souvent imprévisibles.

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