Urgence climatique : faut-il revoir le format des COP ?

Le 29 janvier 2024 |
Sommet très attendu au regard d’une urgence climatique qui s’accélère, la récente COP28 de Dubaï n’a pas tenu ses promesses, en dépit du doublement du nombre de participants par rapport à COP27. Pourquoi ? Faut-il revoir le format ? Quelles sont les leçons à en tirer ? Le point de vue de Maximilien Rouer, Associé Sustainability Services chez Mazars en France.

Les données scientifiques sont sans équivoque : pour préserver un climat viable pour l’homme, la consommation mondiale de charbon, de pétrole et de gaz devrait cesser. De plus, le climat ayant déjà changé, il faut accélérer sur le financement de l’adaptation et les investissements dans la résilience face aux changements climatiques. Au lendemain du 28e rendez-vous pour le climat, force est de constater que les principaux objectifs de l’accord de Paris sont loin d’être atteints.

Les discussions sur les énergies fossiles, point dur des négociations, ont notamment éclipsé un sujet clé de cette COP, celui de l'adaptation aux conséquences du réchauffement climatique. Même constat sur la question des crédits carbone, que la COP a échoué à réguler. Sur le volet des financements, la COP a également botté en touche, renvoyant la plupart des sujets à la COP29 - annoncée comme la « COP des finances » …

Aucun engagement concret non plus sur la clarification des plans d’action des parties. Alors que 2023 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée, nous en sommes donc réduits à nous enorgueillir d’inclure le terme « énergies fossiles » dans un accord – sans même nous engager sur une date de sortie… C’est peu !

Urgence climatique : sommes-nous tous paralysés par l’enjeu ?

Pourquoi, avec toutes les données scientifiques factuelles, semblons-nous encore ignorer les avertissements concernant l'urgence du changement climatique ? Nous voici en plein dans le paradoxe de la « double pensée », imaginée par Orwell dans le roman d’anticipation 1984. Il y a un consensus mondial autour du changement climatique, nous en connaissons les conséquences prévisibles d’ici 2050 en termes de canicules, sécheresses, submersions, inondations : ces risques sont scientifiquement connus, et pourtant, personne ne réagit. Il y a un effet de paralysie. Chacun sait qu’il va falloir s’adapter au changement climatique. Or, cette idée induirait de telles transformations, de tels investissements que l’on préfère l’occulter.

D’une année à l’autre, les COP se succèdent sans réelle influence sur les dynamiques d’émission de gaz à effet de serre mondiales. Heureusement, le pas de côté est toujours possible. Le président colombien Gustavo Petro l’a démontré en annonçant la sortie du pétrole de la Colombie, et en appelant d’autres pays à adhérer à un traité de non-prolifération des énergies fossiles. Un engagement ambitieux de la part d’un pays producteur majeur de pétrole. 

Gouvernance : faut-il revoir le format des COP ?

Cette année, quelque 65 000 participants se sont déplacés à Dubaï pour 15 jours. C’est plus du double de l’édition précédente. Est-ce bien souhaitable ? Comment peut-on amener autant de personnes à négocier, à décider efficacement sur des sujets aussi essentiels, sur une fenêtre de temps aussi réduite ? La question du climat est un sujet complexe, avec des intérêts divergents entre les pays : cela appelle une gouvernance ad hoc, une gouvernance de la complexité.

Dans leur format actuel, les COP cristallisent l’attention politique et médiatique deux semaines par an. Pour plus d’efficacité et de sérénité, il faudrait faire évoluer le principe de ces COP pour les faire entrer dans un processus continu, 365 jours par an, et sortir du « viol psychique » induit par le schéma actuel de 15 jours de négociations.

Enfin, il faut rendre plus lisibles et donner plus de poids à l’ensemble des groupes de travail et à la gouvernance de la COP pour aboutir à davantage d’efficience et de productivité, notamment en termes d’opérationnalisation au niveau des entreprises. L’entreprise, c’est le monde de l’action et de l’investissement : pour agir efficacement, elle a besoin de visibilité.

Les deux prochaines années seront cruciales : lors de la COP 30, les parties prenantes devront arriver avec de nouvelles contributions déterminées au niveau national (CDN), appliquées à l’ensemble de l’économie, couvrant tous les gaz à effet de serre et pleinement alignées sur la limite de température de +1,5 °C. La COP se doit d’être plus éclairante dans sa vision, sa mission, ses ambitions, pour permettre aux entreprises de se projeter à long terme. Plus l’horizon s’annonce lisible, plus les entreprises pourront agir efficacement.

Cet article est tiré de Let’s Talk Sustainability, la série de podcasts de Mazars qui explore les enjeux du développement durable pour les entreprises.

Auteur