Captives d'assurance : un outil de plus en plus attractif pour les groupes français

Le 18 juillet 2023 |
Les captives d’assurance, ou de réassurance, filiales de groupes non assurantiels, offrent à ces groupes la possibilité d’introduire des mécanismes d’auto-assurance tout en bénéficiant de leviers d’optimisation des niveaux de primes, de franchises et de couverture. Alors que des assouplissements réglementaires sont récemment venus simplifier la mise en place de ces dispositifs sur le territoire français, et à l'heure où les coûts assurantiels sont en hausse avec certains risques difficilement couverts - dont le risque cyber, il n'a jamais été aussi intéressant pour les groupes de se questionner sur l'opportunité de la création de captives, en tenant compte des avantages et limites de ces dernières.

Une captive est une filiale de groupe industriel, commercial ou de services, destinée à couvrir exclusivement les risques du groupe auquel elle appartient, selon le principe de mutualisation des risques. Selon la définition de l’article L350-2 du code des assurances, elles assurent - ou réassurent, tout ou partie des risques auxquels sont exposés le groupe et ses filiales.

Les captives peuvent être de deux types :

  • les captives d’assurance, qui fonctionnent comme des sociétés d’assurance « classiques » : elles émettent des garanties, perçoivent des primes et indemnisent directement leur groupe et leurs filiales des sinistres couverts.
  • les captives de réassurance concluent une convention avec un assureur tiers, dénommé « assureur fronteur ». Celui-ci émet des polices, encaisse des primes et indemnise les sinistres couverts de l’entreprise selon les principes d’un assureur classique. Le fronteur cède ensuite les risques couverts à la captive de réassurance.

Les captives apparaissent comme une option intéressante, en particulier pour assurer ou réassurer, dans la limite des catégories de risques autorisées par la loi :

  • les risques émergents, qui sont difficilement modélisables ;
  • les risques dont la sinistralité est particulièrement importante
  • ou encore les risques pour lesquels les primes et franchises d’assurance ont fortement augmenté.

Un nouveau régime fiscal de faveur pour les captives 

En 2023, parmi les 7 000 captives d'assurances et de réassurance existant dans le monde, environ 200 sont issues de maisons-mère françaises. On dénombre à date, 120 groupes français de captives de réassurance dans le monde, dont 11 agréées par l’ACPR et domiciliées en France. De manière générale, en raison d'un cadre fiscal peu avantageux, la plupart des captives sont principalement basées au Luxembourg, à Malte ou en Irlande.

Or, le législateur a révisé fin 2022 le cadre fiscal des captives de réassurance dans le but de favoriser le rapatriement des captives de groupes français établies à l’étranger, ainsi que l’établissement de nouvelles captives en France. Ainsi, l’article 6 de la loi de finances pour 2023 (loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022) instaure un avantage fiscal sous la forme d’une provision déductible du résultat fiscal (« franchise d’impôt »).

Cette provision est destinée à faire face aux charges afférentes aux opérations de réassurance, relatives aux risques de dommages aux biens professionnels et agricoles, de catastrophes naturelles, de responsabilité civile générale, de pertes pécuniaires ainsi que de dommages et pertes pécuniaires consécutifs aux atteintes aux systèmes d'information, de communication et des transports. Elle a pour objectif de permettre aux captives de capitaliser sur les bénéfices réalisés lors d’exercices précédents, afin d’augmenter la capacité à régler les sinistres lors d’exercices suivants.

Ces nouvelles dispositions sont précisées par le décret n° 2023-449 du 7 juin 2023 (à effet rétroactif au 1er janvier 2023), relatif aux règles de comptabilisation de la provision pour résilience constituée par les entreprises captives de réassurance. Ce décret précise notamment la limite de dotation de la provision en fonction des bénéfices techniques de la captive. La dotation annuelle de la provision prévue est limitée à 90 % de la somme des bénéfices techniques associés à chaque catégorie de risques concernée, dans la limite d’un montant global de la provision n’excédant pas dix fois le montant moyen, sur les trois dernières années, du minimum de capital requis (MCR).

La provision sera ensuite affectée à la compensation globale du solde négatif du compte de résultat technique de l'exercice pour l'ensemble des risques correspondants, selon l'ordre d'ancienneté des dotations annuelles. Les dotations non-utilisées sous un délai de quinze ans à compter de leur comptabilisation, devront être rapportées au bénéfice imposable de l'année suivante (la 16ème année).

Des avantages fiscaux et financiers multiples

De nombreux avantages encouragent les entreprises à s’auto-assurer par le biais d’une captive :

  • un cadre fiscal avantageux ;
  • la possibilité de couvrir des risques difficilement ou non-assurables sur le marché ;
  • et la réduction du coût des assurances.

Selon les catégories de risques couverts par les captives, les groupes peuvent bénéficier d’une possibilité de moduler les niveaux de risques à transférer aux assureurs. En effet, la création de captives peut notamment conduire à une diminution des montants de primes et/ou des niveaux de franchise, tout en offrant la possibilité d’augmenter le niveau de couverture par rapport aux assureurs et réassureurs classiques. Aussi, au fur et à mesure de l’augmentation des fonds propres des captives, celles-ci pourront permettre d’augmenter la part de risque conservée en interne.

En outre, les captives de réassurance qui perçoivent une prime de la part de l’assureur fronteur, peuvent représenter un moyen de récupération de la prime payée par l’entreprise à l’assureur fronteur au sein du groupe, en cas d’absence de sinistre à indemniser par la captive de réassurance. Ainsi, les captives peuvent permettre aux entreprises d’être moins dépendantes des assureurs traditionnels.

Constitution de captives : limites et prérequis

La constitution d’une captive requiert toutefois certains prérequis et peut donc avoir des limites. Les coûts de constitution, ainsi que les frais de gestion et les frais administratifs sont importants. À ce jour, les captives sont plutôt utilisées par les grands groupes, ces contraintes financières représentant un frein pour les ETI et PME.

Pour statuer sur l’opportunité de créer une captive d’assurance ou de réassurance, les entreprises doivent prendre en compte plusieurs critères :

•    les exigences en fonds propres de base éligibles, ou minimum de capital requis (MCR) :
- 2 700 000 € pour les captives d’assurance,
- 1 300 000 € pour les captives de réassurance,

•    les catégories de risques couverts :
- pour les captives d’assurance, il s’agit des risques dus à des éléments naturels, risques atomiques, risques de responsabilité civile dus à la pollution, risques spatiaux, risques liés aux attentats et au terrorisme, risques liés au transport aérien,
- pour les captives de réassurance il s’agit des dommages aux biens professionnels et agricoles, de catastrophes naturelles, de responsabilité civile générale, de pertes pécuniaires ainsi que de dommages et pertes pécuniaires consécutifs aux atteintes aux systèmes d'information, de communication et des transports.

•    les limites de dotations entre les deux captives :
- dotation maximale annuelle de 75% du bénéfice technique et limite globale fixée à une part du montant des primes pour chaque catégorie de risque pour les captives d’assurance
- dotation maximale de 90% du bénéfice technique et limite globale fixée à 10 fois la moyenne du MCR des 3 dernières années pour les captives de réassurance.

•    la durée de la franchise d’impôt :
- 10 ans au maximum pour les captives d’assurance (12 ans concernant le risque d’attentat et de terrorisme),
- 15 ans pour les captives de réassurance.

De manière générale, les captives d’assurance et de réassurance sont soumises aux mêmes exigences et obligations que des compagnies d’assurance et de réassurance. De ce fait, elles doivent s’assurer de leur conformité aux règlementations applicables à ces dernières, et en particulier Solvabilité 2, que ce soit en termes de calcul d’exigence de capital, de gouvernance et de reporting. Ces exigences sont relativement lourdes et se doivent d’être intégrées dès la réflexion de création d’une captive.

Les captives d’assurance et de réassurance peuvent représenter un avantage non-négligeable dans le cadre de la couverture des risques des groupes et de leurs filiales, que ce soit pour :

  • constituer une réserve permettant de couvrir les risques difficilement transférables,
  • mutualiser la gestion des risques au sein des groupes,
  • optimiser les coûts et avoir une meilleure maitrise de la couverture du risque.

Elles représentent ainsi une alternative complémentaire au schéma traditionnel d’assurance.

Depuis le début de l’année, suite à l'adoption de la loi de finances pour 2023, les captives connaissent un nouvel essor auprès des groupes français. La domiciliation en France de captives permet en outre, d’éviter le risque d’image qui pouvait résulter de leur création à l’étranger. Compte-tenu du récent changement de la législation française, il devient intéressant pour les groupes français de mener une analyse approfondie de l’opportunité de créer des captives domiciliées en France, en tenant compte de leur profil de risque, du nouveau régime fiscal et des prérequis règlementaires relatifs à ces structures.

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