Blockchain : vers une neutralisation du rapport de force

Le 2 mars 2019 |
Alors que le monde se transforme au rythme des avancées numériques, les écosystèmes industriels et l'ensemble de la chaîne de valeur sont sur le point d'évoluer au regard des technologies de rupture, dont fait partie la blockchain. Entre bouleversement des rapports de pouvoir et de confiance, la blockchain, à l'origine d'enjeux inédits, soulève de nombreuses questions.

Une technologie de rupture à haut potentiel

Accompagner la disruption d’une activité,  améliorer les processus existants, mieux comprendre les données , voilà les trois principales vocations des technologies de rupture, pour ne pas dire leur raison d’être. D’ailleurs, à chaque finalité sa technologie : si l’amélioration des processus traditionnels est rendue possible grâce à la digitalisation et l’automatisation , c’est en revanche par le biais du machine learning et de l’intelligence artificielle qu’il est dorénavant possible d’améliorer notre compréhension des données en vue de les exploiter. Quant à la disruption des activités, elle peut être accompagnée par les solutions innovantes proposées par les start-up… ou la révolutionnaire blockchain, dont l’intérêt réside dans l’inviolabilité et la traçabilité des données. La blockchain ? Une sorte de registre numérique immuable, consultable de tous, dans lequel chaque action, réalisée par un membre du système, est enregistrée de façon immédiate et inaltérable.

La mise en place d’une solution blockchain entre les multiples acteurs industriels – fabricants, sous-traitants, fournisseurs, clients, Etat, salariés – requiert de l’acteur qui l’impulse de persuader l’ensemble des tiers de la nécessité de numériser et tracer leurs échanges. A titre d’exemple et au vu de ce qu’elles auraient à y gagner, la grande distribution pourrait ainsi convaincre ses fournisseurs de mettre en place une blockchain pour faciliter la traçabilité des produits ; tout comme les coopératives agricoles désireuses de négocier directement avec les revendeurs locaux plutôt que de passer par les centrales d’achat de la grande distribution.

De la difficulté de convaincre toutes les parties prenantes de l’écosystème

Alors que pour l’heure les informations sont encore communiquées au bon vouloir des acteurs, la blockchain implique un partage permanent de l’intégralité des données au sein de son écosystème. Il s’agit en effet d’une technologie intrinsèquement collaborative dont la transparence des opérations et du business model –possiblement jusqu’aux coûts et partage de marges entre les acteurs – est totale, du fabricant au client.

Pourtant, le passage aux échanges numérisés dans une solution blockchain peine encore à convaincre. Alors que les principales entreprises utilisatrices, visionnaires, ont réussi à passer outre les complexités du concept, les plus pragmatiques attendent encore de la blockchain qu’elle réponde à un besoin facilement énonçable. Bref le marché n’est pas encore mature et les solutions restent encore au stade de l’expérimentation.

Une modélisation de la confiance

Un comportement distinct des entreprises dans l’adoption et le déploiement par le marché de cette nouvelle technologie est anticipable. En effet, c’est actuellement l’acteur ayant l’emprise sur le système ou à l’inverse celui souhaitant s’affranchir d’un rapport de force qui a le plus d’intérêt à recourir à cette solution innovante, que ce soit pour conserver son leadership ou consolider sa position défensive. Le rôle des start-up se limite quant à lui à la conception de solutions blockchain, bien que certaines - les plus talentueuses- aient disrupté le marché.

Demain, la blockchain sera un concept avec sa culture, ses fondements et ses normes comme le sont aujourd’hui les sociétés à capitaux, les coopératives ou encore les associations, avec un alignement presque parfait entre programme informatique et cadre réglementaire. D’ailleurs nul doute de son succès en France, pays où, traditionnellement, l’ensemble des échanges économiques sont systématiquement formalisés par des contrats et encadrés par la loi.

3 marqueurs de ce nouveau modèle économique se distinguent

  • Le choix de la granularité du suivi des flux sera décisif pour assurer un bon rapport entre complexité des flux à modéliser et performance informatique. Par exemple, une solution blockchainisée est pour l’heure capable de suivre la traçabilité de la production d’une tomate revendue en hypermarché ou de garantir l’affectation des fonds à une association dans un contexte du remboursement de sa consommation carbone. A moyen terme, l’ambition sera sans doute de suivre une activité plus complexe comme celle d’un taxi sans chauffeur, avec la voiture autonome comme seul objet connecté à l’ensemble de l’écosystème (clients, concessionnaire, exploitant de parking et de recharge en énergie etc.).
  • Le paramétrage deviendra stratégique pour l’écosystème. Ainsi des cahiers des charges co-écrits par l’ensemble des acteurs d’un écosystème devraient voir le jour au cours des prochaines années. En complément, si le « code fait office de loi » et que « chaque codeur laisse un peu de sa personnalité dans son programme » alors nul doute que les développeurs-experts seront sélectionnés pour leurs compétences… et leur éthique.
  • L’exploitation et la maintenance nécessiteront d’être réalisées par un tiers afin d’éviter toute manipulation par un des acteurs de l’écosystème blockchainisé, ou par un encadrement juridique plus strict : joint-venture ou Groupement d’Intérêt Economique par exemple.

La blockchain requiert bien entendu les compétences d’experts pour être mise en œuvre. Bonne nouvelle, de nombreuses ESN1 françaises et européennes sont en mesure de proposer des solutions directement exploitables. En somme, le succès du développement de la blockchain ne réside sans doute pas dans la capacité des organisations à en maîtriser la technologie mais à instaurer un nouveau rapport de confiance entre les acteurs économique.

1 ESN – Entreprise de Services du Numérique. Le Syntec a renommé les SSII (Sociétés de services en ingénierie informatique) en ESN le 11 avril 2013.

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