Reporting extra-financier : où en est-on en 2020 ?

Le 19 novembre 2020 |
Il faut le reconnaître, les rapports extra-financiers n’ont pas toujours été très digestes à lire : données non contextualisées ni mises en perspective, litanie d’actions sans lien apparent, format peu engageant… Ce temps est aujourd’hui révolu : en témoignent les déclarations de performance extra-financière (DPEF) des entreprises du CAC 40 et du SBF 120 qui, ces dix dernières années, ont nettement évolué au point de devenir des documents particulièrement structurés et pertinents, d’ailleurs utilisés comme outils de communication à part entière. Pourtant, faute de normalisation, la comparaison de la performance est encore limitée par la trop grande hétérogénéité des indicateurs et définitions. Déjà évoqué il y a dix ans, cet enjeu est plus que jamais d’actualité.

Dix ans de progrès à saluer

L’amélioration continue de la qualité des DPEF au cours de la dernière décennie s’explique par la pression exercée par les réglementations et parties prenantes, mais aussi par l’éveil des consciences. Cette volonté sincère de faire bouger les lignes a même été considérablement renforcée par l’arrivée sur le marché du travail de la Génération Z – les investisseurs de demain – et sous l’effet de signaux d’alerte successifs, avec en point d’orgue la crise du Covid-19, qui aura tristement démontré que la stabilité financière ne pouvait être dissociée d’une stratégie RSE solide. L’importance accordée au volet non financier par les entreprises et investisseurs a sensiblement évolué : autrefois reléguée à la fin du Document d’Enregistrement Universel (URD), l’information extra-financière est progressivement remontée dans le sommaire. Pour preuve, il n’est pas rare de retrouver la présentation du modèle d’affaires – composant de la DPEF – dans l’introduction de l’URD.

En outre, les entreprises qui se cantonnaient, il y a encore quelques années, à présenter leurs réalisations passées, accordent désormais une plus grande place aux informations prospectives, bien souvent inscrites dans une vision clairement définie. De plus en plus animées par leur « mission » sous l’impulsion de la loi PACTE, les entreprises du CAC 40 et du SBF 120 tendent en effet à penser leurs objectifs non financiers sur le long terme, à horizon 10, 20 voire 30 ans : une nouvelle approche, matérialisée par des engagements parfois très forts, sur le climat par exemple. Ces prises de position publiques adressées aux parties prenantes attestent une fois de plus de la place centrale qu’occupe la performance extra-financière dans la démarche de création de valeur des entreprises, toutes attachées à rendre pérenne leur business model.

En dix ans, le reporting extra-financier s’est par ailleurs fortement professionnalisé. Sur la forme, les entreprises cherchent à faire de leur DPEF un document agréable à lire et accessible au plus grand nombre. La présentation du modèle d’affaires, illustrée à l’aide d’infographies, en est le parfait exemple. Sur le fond, les données présentées ont gagné en qualité, en fiabilité et en pertinence. Effectivement, suite à la Directive européenne sur le reporting non financier, les entreprises se sont recentrées sur leurs enjeux les plus matériels, afin de mieux les piloter. C’est la raison pour laquelle les organisations ont défini des indicateurs de performance adaptés aux problématiques inhérentes à leur activité.

La question de la normalisation toujours en suspens

Seulement, le recours à des indicateurs de plus en plus spécifiques a conduit à une grande hétérogénéité des informations au détriment de la comparabilité. Or, en l’absence de définitions précises et partagées, il est illusoire de prétendre pouvoir comparer finement les performances et engagements. Tout positionnement nécessite une analyse approfondie des référentiels et périmètres de reporting et revêt encore d’une part non négligeable de subjectivité. Une comparaison plus objective sur des enjeux clés et transverses serait donc bénéfique : elle permettrait d’observer comment les choses avancent et à quelle vitesse, faciliterait l’identification des points de blocage communs et aiderait au repérage des bonnes pratiques à mettre au service d’une économie plus vertueuse.

S’il faut saluer les avancées réalisées depuis 2010 et prendre garde à ne pas entraver cette dynamique, il est aujourd’hui impératif de définir des standards. Une question se pose alors : quels sont les thématiques, définitions et indicateurs qui permettraient de trouver le juste équilibre entre comparabilité et pertinence de l’information ? L’Union européenne doit se pencher sur cette question complexe et procéder à l’arbitrage qui permettrait de faire face à trois grands enjeux économiques liés à la DPEF : celui de l’objectivité, celui de la cohérence entre finance durable et économie durable, enfin, celui de la compétitivité des entreprises européennes à l’échelle mondiale, sujet crucial en ces temps de crise.

Conclusions du « Baromètre 2020 des tendances du reporting extra-financier en France »

Article paru dans L’Agefi

Auteur