Plus-value immobilière et résidence secondaire : des précisions apportées sur la condition de délai normal de vente

Le 15 février 2022 |
Par un arrêt du 25 janvier 2022, la Cour Administrative d’Appel de Versailles a rendu une décision concernant l’exonération de plus-value immobilière au titre de la première cession d’un logement autre que la résidence principale, dans le cas où l’acquisition intervient avant la vente de la résidence secondaire.

Bases légales de la décision 

L’article 150 U-II-1°bis du CGI prévoit une exonération pour les plus-values résultant de la première cession d’un logement, autre que la résidence principale, à condition que :

  • Le cédant remploie tout, ou partie du prix de cession, dans un délai de 24 mois à compter de la cession, à l’acquisition ou la construction d’un logement affecté à son habitation principale.
  • Le cédant ne doit pas avoir été, directement ou par personne interposée, propriétaire de sa résidence principale au cours des 4 années précédant la cession.

La jurisprudence antérieure tempère cette dernière condition : en effet elle n’a pas à être respectée dans l’hypothèse où le contribuable achète le bien destiné à être affecté à sa résidence principale avant de céder sa résidence secondaire.

Dans la pratique, l’exonération ne sera pas refusée sous certaines réserves

  • La mise en vente du logement est antérieure à l’acquisition de l’habitation principale ;
  • La cession du logement intervient dans un délai normal après l’acquisition du logement affecté à la résidence principale (l’administration renvoie, pour apprécier le délai normal de cession, à ses commentaires relatifs à l’exonération de la résidence principale – ce délai est généralement d’1 an) ;
  • Le prix de cession du logement doit être remployé à l’acquisition ou la construction de la résidence principale.

Un bref rappel des faits

Les époux A ont procédé à une cession, le 14 août 2014, pour un montant de 1 189 500 €, du bien immobilier dont ils étaient propriétaires depuis le 3 mars 2000, situé à La Garenne-Colombes. En conséquence, ils ont déclaré un montant de 337 328 € au titre d’une plus-value exonérée d’impôt sur le revenu dans leur déclaration d’ensemble au titre de l’année concernée. Les époux se sont prévalus de l’exonération au titre de la cession d’un bien autre que la résidence principale.

Suite à un contrôle sur pièces, l’administration fiscale a estimé qu’ils ne remplissaient pas les conditions pour bénéficier de cette exonération. Les époux A ont demandé au TA de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des impositions auxquelles ils ont été assujettis, qui par un jugement du 7 juillet 2020, a rejeté leur demande. Les époux A ont ensuite interjeté appel du jugement.

Une analyse au cas par cas du délai de vente

Dans le cas étudié, les époux A se prévalaient de la tolérance évoquée ci-avant.

La condition clef étant celle du délai entre l’acquisition du logement destiné à être affecté à la résidence principale et la cession de la résidence secondaire. En l’espèce l’administration a considéré que le délai de 21 mois qui s’est écoulé entre les deux ventes n’était pas justifié par les circonstances de l’opération.

La doctrine quant à elle avance qu’aucun délai maximum pour la réalisation de la cession ne peut être fixé a priori et qu’il convient de faire une appréciation circonstanciée et conjoncturelle de chaque situation.

En ce sens, le BOFIP énonce que « Dans un contexte économique normal, un délai d’une année constitue en principe le délai maximal. Cependant, l’appréciation du délai normal de vente est une question de fait qui s’apprécie au regard de l’ensemble des circonstances de l’opération, notamment des conditions locales du marché immobilier, du prix demandé, des caractéristiques particulières du bien cédé et des diligences effectuées par le contribuable pour la mise en vente de ce bien (annonces dans la presse, démarches auprès d’agences immobilières, etc.). »(BOI-RFPI-PVI-10-40-10, n°190)

La justification en l’espèce du délai de 21 mois

  • Les époux soutenaient que le renouvellement du bail de leur locataire pour 3 ans a constitué une contrainte juridique indépendante de leur volonté du fait d’un renouvellement le 8 août 2011 pour une durée de trois ans. Ils étaient revenus en France d’un détachement aux Etats-Unis plus tôt qu’ils ne l’avaient prévu en juillet 2012.
  •  En outre, ils soutenaient également que les caractéristiques propres du logement et les conditions du marché immobilier les ont incités à ne pas vendre le bien loué sur le moment.

Au cas particulier, la Cour estime que les époux n’étaient pas tenus de soumettre le bail aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989 s’agissant d’un bail conclu avec une personne morale, et que le fait de ne pas vendre le bien loué était un choix.

Les époux A ne pouvaient donc se prévaloir de l’exonération de l’article 150-U-II-1°bis du CGI. En conséquence, l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Versailles, en plus de créer un précèdent, permet également de mieux comprendre et de mieux appréhender les moyens de justification du délai entre l’acquisition du logement destiné à être affecté à la résidence principale et la cession de la résidence secondaire.

Un délai de plus de 20 mois ne peut être justifié à lui seul par les conditions du marché immobilier sans la présence d’une spécificité du bien, reconnue par la cour, qui fasse drastiquement baisser sa valeur durant la période du délai concerné.

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