Vers une standardisation de la donnée extra-financière, ce nouvel "or vert"

Le 25 juin 2020 |
Non, investir de manière responsable n’est plus un effet de mode, un moyen de se donner bonne conscience ni même de redorer l’image de son entreprise.

En 2020, l’investissement responsable est le résultat d’un engagement sociétal sincère, encouragé par les jeunes générations, auquel s’ajoute la prise de conscience de la valeur des actifs dits « verts », durables. Également appelés actifs « ESG », pour désigner les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance formant les trois piliers de l’analyse extra-financière, ces produits financiers ont connu une croissance exponentielle et accélérée au cours des dernières années, tendance plus que jamais renforcée pendant la crise sanitaire.

Puisqu’ils occuperont naturellement une place de premier ordre dans la transition écologique, les acteurs du secteur financier doivent réapprendre à investir sur le long terme s’ils entendent contribuer à la construction d’un monde meilleur, bâti sur modèle économique pérenne. Début 2020, les grands gestionnaires d’actifs, à commencer par BlackRock, ont réaffirmé leur volonté de faire du soutien aux investissements durables une de leurs priorités. Un verdissement d’ailleurs encouragé par les Banques centrales, dont le rôle reste moteur dans la prise de conscience de l’instabilité financière inhérente au risque climatique et écologique. La récente étude1 menée par Mazars et l’OMFIF auprès de 33 banques centrales et régulateurs a justement révélé que 70% d’entre eux considéraient le changement climatique comme une menace majeure à la stabilité financière mondiale. Un sujet pris au sérieux par la France qui, courant 2020, imposera à ses grandes banques et compagnies d’assurance de subir des « stress tests » afin d’évaluer leur résistance à l’impact que pourraient avoir le changement climatique et la transition écologique sur leurs activités (par exemple, sur leurs investissements dans les énergies fossiles).

Pionnière dans le pilotage de la communication extra-financière, la France a été le premier pays à imposer aux investisseurs institutionnels l’intégration du risque climat et des dimensions environnementales et sociales dans leur communication publique. C’est pourquoi les dirigeants français se sont familiarisés très tôt à la performance extra-financière qui, désormais, suscite autant d’intérêt de la part des investisseurs et émetteurs que les traditionnelles informations financières. Alors qu’une standardisation de ces indicateurs à l’échelle mondiale semble impérative, la réalité actuelle est à la trop grande diversité et confusion de l’accessibilité et de l’exploitabilité des données ESG. Effectivement, le bât blesse lorsqu’il s’agit de définir, de reconnaître et de normaliser leurs critères : d’une part, parce que les réglementations sont particulièrement disparates d’un pays à l’autre. De l’autre, parce que les (trop) nombreux acteurs de l’évaluation et de la notation ont brouillé les pistes quant à la nature et la portée des données, d’ailleurs coûteuses à produire et bien souvent jugées de mauvaise qualité, inconsistantes et non comparables. Dans ce brouillard, les cabinets d’audit et de conseil se doivent donc, pour l’heure, de préparer les entreprises à cette normalisation en les accompagnant notamment dans la construction et l’application d’un référentiel ESG.

Comment démontrer avec pertinence et mesurer à la fois qualitativement et quantitativement les performances vertes et/ou socialement responsables d’une quelconque organisation ? Quels seront les indicateurs clés de demain ? Quelles certifications mettre en place pour garantir un apport suffisant à la transition écologique ? Plus qu’une priorité, il est aujourd’hui urgent de résoudre ces questions : en effet, faute de données fiables et comparables, difficile pour les investisseurs d’évaluer l’adéquation de la stratégie de l’émetteur avec celle de leurs objectifs d’investissement, tant en termes financiers que de performance ESG. Si d’un point de vue européen comme américain, les politiques et autorités de régulation internationales s’accordent quant à la nécessaire fiabilisation de l’information disponible en la rendant utile, comparable et de même qualité que l’information financière, le champ est encore libre pour l’Union européenne, qui devrait pouvoir prendre le leadership sur l’échiquier réglementaire. Très attendue, la concrétisation de ces travaux de normalisation constituera une avancée notable dans la valorisation de la donnée extra-financière, un « or vert » encore trop intangible, bien qu’entre nos mains.

1 Etude « Lutte contre le changement climatique : le rôle de la réglementation et de la supervision bancaire » réalisée par Mazars et l’OMFIF

Rencontres économiques Aix-en-Seine : accéder au replay de la conférence « Mettre la finance au service de la transition écologique » (4 juillet 2020 à 11h30)

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