ISR : renouer avec le temps long

Le 16 février 2021 |
Permettre aux investisseurs de concilier rendement et contribution à la construction d’un monde plus prospère et durable : c’est la finalité de l’investissement socialement responsable (ISR), par le biais duquel sont financées des organisations dont le modèle de développement se veut inscrit dans la durée. Aujourd’hui, l’intérêt grandissant des acteurs de la sphère économique pour l’ISR marque la volonté de renouer avec le temps long, un signal fort. Pourtant, dans la pratique, l’absence de standard de place dans le reporting extra-financier accroît l’hétérogénéité et la lisibilité de l’ISR dans l’allocation des investisseurs. Explications.

Une progression ininterrompue de l’ISR, accélérée depuis la COP21

En France, l’application des principes du développement durable aux placements financiers est apparue il y a une dizaine d’années, en influençant dans un premier temps discrètement la composition des portefeuilles d’asset management au sein des places financières. Cette tendance n’a cessé de se renforcer année après année, avec une accélération en 2018 : année où 50% de la gestion d’actifs en France intégrait des critères liés au développement durable. Aujourd’hui au cœur de l’actualité, l’ISR a connu une nouvelle ascension avec la crise sanitaire.

La naissance et la progression de l’ISR au cours de la dernière décennie résultent de l’effet conjugué d’une pluralité de facteurs dont le point de départ aura été l’adoption de l’Accord de Paris en 2015, durant la COP21. Cet événement a donné lieu à une série de réglementations et notamment à l’article 173-IV de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Ce texte précurseur à l’échelle mondiale encourage les investisseurs institutionnels à participer à la lutte contre le réchauffement climatique par leurs choix d’investissement.

De plus, la stabilisation des taux d’intérêts très bas a conduit les investisseurs à diversifier leurs actifs et à chercher des horizons de placement plus longs. Dans ce contexte, les gestionnaires d’actifs intègrent de plus en plus dans leurs critères des informations extra-financières comme indicateurs utiles à la prise de décision pour leurs investissements.

En 2020, la crise a promu l’ISR mais aussi souligné ses limites

Cela ne fait aucun doute, la crise sanitaire a renforcé la volonté des individus et entreprises d’avoir un impact positif sur le monde qui les entoure, et ce, tant sur les aspects environnementaux que sociaux. Alors que les investissements ont parfois été synonymes de court terme et de rendement immédiat, le déplacement de l’horizon temps s’est vu transformé par la prise de conscience des enjeux environnementaux et sociétaux ; car les acteurs de la sphère économique intègrent de plus en plus la nécessité de renouer avec les temps longs nécessaires pour réussir les transitions. La forte croissance de l’ISR en 2020 témoigne d’une prise de conscience de plus en plus forte et d'une volonté d’accompagner dans la durée les mutations indispensables en faveur de l’environnement et des transformations de la société, mises en exergue à l’occasion de la crise sanitaire.

Cependant, la profusion et l’hétérogénéité des informations extra-financières, encore non standardisées, donnent du fil à retordre aux investisseurs. Ces derniers peinent à comparer les offres des sociétés de gestion compte tenu du foisonnement d’indicateurs, de réglementations locales, des évolutions de labels... Ce foisonnement souligne à quel point la stabilisation d’un référentiel serait bénéfique. A ce jour, un certain nombre de travaux sont en cours à l’échelle européenne : l’AMF et la BCE œuvrent à l’encadrement des fonds ISR, tandis que plusieurs instances travaillent sur la normalisation des données extra-financières.

A terme, performance financière et extra-financière ne feront plus qu’un

Pour l’heure, la performance financière et extra-financière sont dissociées, ce qui empêche une lecture claire et lisible de la performance globale des organisations. Il est donc probable que les notions distinctes d’informations financières et extra-financières finissent par converger pour former un reporting global et cohérent à l’attention des investisseurs. L’acronyme ESG sera ainsi totalement intégré à la prise de décision d’investissement. D’où la nécessité, une fois de plus, que la communication extra-financière soit encadrée de la même manière que la communication financière.

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