Comment les collectivités territoriales peuvent-elles tirer pleinement profit des projets renouvelables ?

Le 6 juillet 2022 |
Encore peu nombreux, longs et complexes à mettre en œuvre, les projets de production d’énergies renouvelables font face à un défi majeur d’acceptabilité : vis-à-vis de la population directement impactée, évidemment, mais également des collectivités territoriales qui les hébergent. Pour l’heure, l’implication de ces dernières dans le développement des projets renouvelables est encore relativement limitée, faute de bénéfices supposés à en tirer. Pourtant, plusieurs outils fiscaux, de partage financier, ou encore de gouvernance, pourraient permettre aux collectivités de tirer pleinement profit de l’essor de ces projets, amenés à se multiplier.

En matière d’énergies renouvelables, il faut dire que les besoins nationaux n’ont jamais été aussi élevés : les engagements et objectifs fixés par l’Etat pour 2030 sont loin d’être atteints et les nouvelles capacités d’éolien offshore en déploiement ne suffiront pas à les satisfaire. Pour tenir ce délai, une seule solution : que la France ait un rythme de développement annuel de ses énergies renouvelables 4 à 5 fois supérieur à l’actuel pendant les 8 prochaines années. Un défi de taille qui, pour être relevé, appelle à générer de l’intérêt et de l’enthousiasme pour les projets solaires et éoliens. « L’enjeu n’est pas technologique, car la France dispose de toutes les compétences requises pour produire des énergies renouvelables sur son territioire. Il n’est pas non plus financier, puisque les capitaux sont disponibles. Tout réside dans l’acceptabilité qui, pour être déclenchée, nécessite que soient convaincus les hébergeurs de ces projets : les collectivités territoriales », analyse Philippe Bozier, Associé Public infrastructure & Project finance chez Mazars.

Une méconnaissance des bénéfices propres aux projets renouvelables

Bien qu’hétérogène, le degré d’implication des collectivités territoriales dans les projets renouvelables se limite bien souvent à un rôle passif, essentiellement réactif. Certaines se contentent en effet de délivrer des accords, sans pour autant prendre véritablement part aux projets, qui une fois validés se déroulent sans elles. Pourtant, les communes ont la possibilité d’aller beaucoup plus loin dans leur accompagnement… et dans leur propre intérêt avant tout. « Les collectivités ont le droit d’investir dans les projets renouvelables en en devenant actionnaires afin d’en tirer des bénéfices, ce qu’elles ne peuvent pas faire pour d’autres types d’activités économiques. Les communes ont également la capacité de faciliter le financement de ces projets en en devenant les sponsors principaux, ce qui est cependant très rarement le cas », poursuit Philippe Bozier.

Alors pourquoi une telle réserve face à ces opportunités ? « Quand une commune œuvre activement en faveur de la mise en œuvre d’un tel projet, elle doit le justifier auprès de ses habitants. Or ces derniers sont souvent réticents, d’où l’importance de la concertation afin d’en favoriser l’acceptation et l’appropriation. Par ailleurs, les communes et leurs habitants ont parfois du mal à percevoir les bénéfices concrets qu’ils pourraient tirer de ces parcs », explique Elena Aubrée, Avocate Associée chez Mazars. Aujourd’hui, le principal atout des projets renouvelables tient, pour les communes, en leurs retombées fiscales puisque jusqu’à 70% des impôts auxquels ils sont soumis arrivent directement dans les caisses du bloc communal. Un atout qu’Elena Aubrée souligne, mais tient néanmoins à nuancer : « Les retombées fiscales ne représentent pas toujours une manne conséquente pour les communes et restent variables : elles dépendent de la taille du projet et de la quantité d’énergie produite, inégale d’un projet à l’autre. » Toutefois, pas question d’ajouter un frein supplémentaire au développement de ces projets en alourdissant leur taxation. La solution pour renforcer leur profitabilité économique serait donc à chercher ailleurs que dans la création d’un nouvel impôt.

Des outils à explorer… et de la pédagogie à apporter

Un certain nombre de leviers, encore peu exploités, n’attendent qu’à être activés. « Si les collectivités ont le droit de prendre des participations, seule leur intégration très en amont dans les projets renouvelables peut leur permettre d’en tirer une rentabilité maximale. Généralement les porteurs de projet ne font entrer les communes que tardivement dans les processus, ce qui leur donne accès à un rendement plus faible », souligne Philippe Bozier, qui précise que le corollaire de cette meilleure rentabilité lorgnée reste son risque plus important – la probabilité que le projet ne se concrétise pas étant plus élevée. « Outre les dispositifs fiscaux avantageux, un autre axe pourrait être de travailler sur les moyens de compléter les revenus générés par le projet en lui-même. Cela peut passer par un échange de bons procédés avec le porteur de projet au bénéfice direct du quotidien du territoire et de ses habitants », ajoute Elena Aubrée. S’il est vrai que les porteurs de projet financent parfois certains travaux de construction ou de modernisation dans la commune en guise de contrepartie, cela reste, selon Philippe Bozier, encore trop marginal et symbolique. « En 2022 il est à la fois possible et nécessaire d’aller plus loin avec ce levier. Il pourrait permettre d’accélérer le développement de projets bien plus aboutis et porteurs de sens que la rénovation, par exemple, d’un complexe sportif », soutient-il.

Au-delà de la dimension financière, les collectivités peuvent aussi se saisir d’un autre outil, et pas des moindres : la gouvernance.  Car en n’intégrant pas, ou trop tardivement, les projets renouvelables, les collectivités se privent non seulement d’un niveau de rendement optimal, mais aussi de leur pouvoir de décision. « Lorsqu’elles rejoignent les projets en cours de route, les collectivités doivent se résoudre à accepter les choix stratégiques, souvent majeurs, actés préalablement. Or elles ont toute autorité et légitimité pour imposer leurs conditions, prendre part au débat et user de leur qualité d’hébergeurs investis d’une responsabilité vis-à-vis des habitants, insistent les deux experts. Les collectivités pourraient tout à fait jouer un rôle privilégié, central, dans la gouvernance de ces projets sur la durée, comme cela s’observe plus couramment à l’étranger. » Enfin, il est un dernier élément que les communes auraient tort de négliger : la recherche grandissante d’impact positif de leurs administrés, à laquelle les projets de production d’énergies renouvelables pourraient en partie répondre.  « Pour embarquer toutes les parties prenantes et accélérer, l’accent doit plus que jamais être mis sur l’effort de pédagogie, indissociable de la transition énergétique », conclut le duo.

Article de la série "Transformations durables", réalisée par Mazars en partenariat avec La Tribune.

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