Flash BankNews n°24 : Panorama sur les résultats 2016 des stress tests et du CCAR aux États-Unis

La Réserve Fédérale américaine a publié les résultats de ses stress tests annuels et du CCAR (Comprehensive Capital Analysis and Review), respectivement les 23 et 29 juin.
Cette année, 33 grandes banques sont concernées (banques américaines et filiales américaines de grandes banques internationales dont le total bilan dépasse 50 milliards de dollars, soit plus de 80% du total bilan des banques implantées aux États-Unis) par cet exercice couplé, qui a été mis en place suite à la crise financière, et 31 ont réussi le test.

Bien que le ratio CET 1 moyen de ces banques ait doublé entre le premier trimestre 2009 et le premier trimestre 2016 (avec un passage de Bâle I à Bâle III en janvier 2015), il reste encore des zones de faiblesse, notamment sur les aspects qualitatifs du capital planning. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les filiales américaines de Deutsche Bank et Santander ont une nouvelle fois échoué cette année, et ce, malgré des progrès notables, tandis que Morgan Stanley doit soumettre de nouvelles projections d’ici fin 2016.

Objectifs et méthodologie des stress tests et du CCAR

Le principal objectif de ces deux évaluations consiste à mesurer si les banques pourraient résister à un ralentissement économique et/ou à un stress financier, et ce, au travers d’une approche prospective, conservatrice et cohérente. Les deux évaluations doivent être validées pour qu’on considère qu’une banque a réussi le test et pour lui permettre de rémunérer ses actionnaires.
Un second objectif vise à prouver la bonne santé et la résistance du système bancaire américain.

Concernant la méthodologie, les stress tests évaluent, d’une part, la capacité des banques à maintenir leurs ratios de capital (calculés selon l’approche Standard selon la réglementation prudentielle en vigueur) à un niveau supérieur aux exigences réglementaires sous 2 scenarios de stress définis chaque année par la Fed, et ce, sur une projection de 9 trimestres. On considère que le versement des dividendes est stable dans le temps et qu’aucune action n’est rachetée.

D’autre part, l’évaluation quantitative du CCAR se base sur les mêmes hypothèses en termes de revenus, marges, total bilan et emplois pondérés mais intègre également les prévisions des banques sur leurs opérations sur titres (versement de dividendes, rachat d’actions, augmentation de capital - sur la base du capital plan soumis à la Fed en avril). L'analyse qualitative du CCAR porte quant à elle sur la solidité des bases du processus de capital planning au sein de chaque banque évaluée, et ce, au travers de six dimensions : la gouvernance, la gestion du risque, le contrôle interne, les politiques en termes de capital, la définition du scenario et les méthodologies de projection. Cette analyse s'appuie notamment sur les travaux de supervision menés tout au long de l'année.

Zoom sur les principaux scenarios de stress

Voici les caractéristiques sous-jacentes des scenarios de stress défavorable et très défavorable :

  • scenario de stress défavorable : affaiblissement de l’activité économique, accompagnée d’une période de déflation/récession aux États-Unis et dans d’autres pays ;
  • scenario de stress très défavorable : récession mondiale profonde aggravée par une période de tensions financières plus importantes et un rendement négatif des bons du Trésor américains.

Ces scenarios prennent également en compte les fusions/acquisitions, consolidations ou cessions prévues.

Cette année, les critères sont plus stricts que les années précédentes avec une précision accrue dans les estimations de capital. Par exemple, le ralentissement de l’économie américaine est accentué avec un niveau de chômage plus élevé et la volatilité des marchés est aussi plus importante.

Cependant, le marché actions était plus touché l’année dernière du fait des hypothèses sur la qualité de crédit des entreprises tandis qu’en 2016, les hypothèses de taux d’intérêt bas entraînent une baisse moins significative du prix des actions.

La méthodologie repose sur un stress des données à fin 2015 et une projection des pertes selon 28 variables (dont le prix des actifs, les taux d’intérêt, la croissance du PIB, l’inflation…) sur les 9 trimestres courant du T4 2016 au T4 2018. Par ailleurs, six banques avec un portefeuille de négociation significatif se sont vues appliquer un choc global de marché, cumulé à la prise en compte d’un défaut de la contrepartie qui générerait la plus grande perte (incluant, quant à lui, deux banques supplémentaires). Des changements méthodologiques importants sont intervenus cette année sur l’estimation des pertes liées au risque opérationnel et au risque de marché.

Dans certains cas, des données internes spécifiques à chaque banque ont été utilisées lorsque le niveau de granularité des variables définies par la Fed était jugé insuffisant.

Exemple des prêts évalués au coût amorti

Environ douze modèles ont été utilisés pour stresser les prêts et ce, selon deux approches.

D’une part, une approche selon laquelle les pertes attendues sont évaluées en projetant la PD (Probability of Default), la LGD (Loss Given Default) et l’EAD (Exposure At Default) à chaque trimestre.

D’autre part, le modèle tient compte des défauts historiques liés à l’environnement économique et aux caractéristiques du portefeuille. Dans cette optique, des informations portant notamment sur les attributs de l’emprunteur, l’historique des paiements et le collatéral sont prises en compte.

Quels sont les principaux résultats de l’exercice 2016 ?

Résultats des stress tests

Les 33 banques du panel ont toutes réussi la première partie et les banques les plus significatives ont même passé facilement le test du scenario le plus sévère, exception faite de Morgan Stanley dont le ratio de levier s’élève seulement à 4,9%, soit à peine 90 pb au-dessus de la limite réglementaire.

Au global, le ratio CET 1 passerait en moyenne de 12,3% (à fin 2015) à 10,5% et 8,4% selon les deux scenarios, dépassant ainsi la limite réglementaire fixée à 4,5%. Le ratio CET 1 est plus élevé que lors des exercices précédents (+70 pb en 2015) et la perte maximale est moins importante dans le scenario très défavorable, malgré des conditions plus strictes (3,9% vs. 5,2%). Cette amélioration est due notamment à la meilleure qualité de certains portefeuilles de crédit, à la baisse des positions sur des titrisations illiquides au sein du portefeuille de négociation et à la résolution de litiges sur des prêts hypothécaires.

Sur les 526 milliards de dollars de pertes cumulées dans le scenario très défavorable, 73% proviennent des prêts au couru (touchant principalement la clientèle de détail, en cohérence avec les hypothèses macroéconomiques) et 21% des pertes sont générées par le portefeuille de négociation et le risque de contrepartie.

Les performances individuelles sont très dépendantes des domaines d’activité, de la structure du bilan, des revenus et des coûts. Par exemple, le taux de perte moyen sur les prêts hypothécaires domestiques de premier rang est de 3,2% tandis que celui des créances sur cartes de crédit est de 13,4%, pour une moyenne de 6,1% sur l'ensemble des prêts. La qualité du portefeuille est également un critère essentiel avec, par exemple, des taux de perte allant de 3,1% à 22,9% sur le financement de l'immobilier commercial.

Les banques régionales sont plus fortement touchées par les taux d’intérêt négatifs et le stress plus important sur l’économie réelle du fait de leurs activités traditionnelles de transformation mais, malgré cela, les banques les plus significatives affichent toujours les pertes prévisionnelles les plus importantes, du fait de l’inclusion de leur activité de trading et des pertes engendrées par le risque de contrepartie.

Résultats du CCAR

Selon le CCAR, nombreuses sont les banques à avoir amélioré leurs pratiques en termes de gestion, un point essentiel pour garantir la fiabilité dans l’évaluation du capital, mais des faiblesses dans les programmes d’audit interne ont néanmoins été identifiées pour plusieurs grandes banques. A ce titre, une revue spécifique est d’ores et déjà prévue par la Fed en 2016.

Le capital planning de la filiale américaine de Deutsche Bank a été rejeté par la Fed à cause des déficiences dans la gestion des risques et le contrôle des infrastructures. De même, celui de Santander a également été rejeté du fait du manque de garanties sur les hypothèses et les analyses utilisées qui soutiennent l’exercice en lien avec des insuffisances dans sa gestion des risques.

Enfin, Morgan Stanley doit corriger les faiblesses soulevées par la Fed en termes de modélisation avant de soumettre pour « validation », d’ici la fin de l’année, un nouveau capital plan, condition sine qua non pour ne pas subir de restriction dans sa distribution de dividendes.

Changements significatifs à prévoir pour les plus grandes banques

Les huit banques américaines les plus significatives (JP Morgan Chase, Bank of America, Wells Fargo, Citigroup, Goldman Sachs, Morgan Stanley, Bank of New York Mellon et State Street) se verront attribuer une surcharge en capital allant de 1% à 3,5% des RWA du fait de leur caractère systémique, avec une période transitoire courant jusqu’à fin 2018.

À partir de 2018, « l’augmentation significative » des exigences en capital sera prise en compte dans le processus de stress testing comme le laissait entendre fin mai dernier Daniel Tarullo, chef de file de la supervision bancaire à la Fed. Quant aux banques intermédiaires, leur revue qualitative serait allégée dès 2017, notamment sur le suivi du risque de marché, partant du principe que la supervision courante de ces banques serait suffisante sur ces aspects.

Audrey Cauchet & Erwin Laffeach

  

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