L'intervention des pouvoirs publics pour relancer l'industrie automobile : un consensus mondial

Juin 2020
La crise Covid-19 a eu pour conséquence la fermeture des usines automobiles et l'effondrement des ventes partout dans le monde. Pour leur venir en aide, les gouvernements sont intervenus de différentes manières : dans certains pays, les décideurs politiques ont agi rapidement pour alléger le fardeau économique qui pesait sur le tissu industriel automobile, tandis que dans d'autres, les mesures se font encore attendre.

Pour mieux comprendre ces nouveaux enjeux mondiaux, nous avons recueilli des informations auprès des experts automobile de Mazars au Brésil, en Chine, en France, en Allemagne, en Inde, au Royaume-Uni et aux États-Unis, afin de connaître et décrypter les mesures prises par les gouvernements locaux, allant de l'assouplissement des taxes, aux subventions à l’achat de véhicules « écologiques ».

Encourager l’« achat d’automobiles propres »  

Après des semaines d'attente, le gouvernement français a annoncé fin mai un plan de sauvetage de 8 milliards d'euros à destination de l'industrie automobile française, dont 1 milliard d'euros pour couvrir des subventions allant jusqu'à 7 000 euros afin d'encourager l'achat de véhicules propres. Des mesures censées réveiller la demande. "Nous avons besoin d'un objectif motivant - faire de la France le premier producteur européen de véhicules propres en portant la production à plus d'un million de voitures électriques et hybrides par an au cours des cinq prochaines années", a déclaré le président Macron. Le gouvernement accordera également une prime de 3 000 euros aux personnes qui passeront à une voiture moins polluante, dans le cadre d'un programme ouvert à 75 % des ménages français.

Cette "orientation verte" reflète l'évolution chinoise, où la politique d'incitation à l'achat de véhicules à énergie verte a été prolongée jusqu'à la fin de 2022.

Des exemptions de coûts pour alléger la pression

La Chine, comme le souligne un récent article de Mazars, nous donne un aperçu de la direction que pourrait prendre le reste de l'industrie automobile mondiale. Après des mois de baisse à deux chiffres, la production et les ventes d'automobiles en avril ont été enregistrées à respectivement 2,1 et 2 millions d'unités, soit, une hausse de 46,6 % et 43,5 % sur un mois et de 2,3 % et 4,4 % sur un an, selon l'Association chinoise des constructeurs automobiles.

Les exemptions de coûts soutenues par le gouvernement sont allées de pair avec une augmentation de la demande des clients. Ces exemptions, bien qu'elles ne visent pas spécifiquement le secteur automobile en Chine, contribuent à réduire les coûts des acteurs du secteur via notamment des exonérations de droits d'importation ou de TVA.

Au Brésil, le gouvernement a également réagi efficacement, introduisant des suspensions de paiement pour aider les entreprises touchées. Celles-ci comprennent un transfert de fonds d'environ 3,4 milliards d'euros du Fonds PIS-PASEP vers le Fonds des travailleurs (FGTS) et la suspension temporaire des versements des financements directs aux entreprises, ainsi que l'expansion du crédit aux micros, petites et moyennes entreprises à hauteur de 853 millions d'euros - mis à disposition par le biais de banques partenaires.

Partenariats entre le gouvernement et les banques

Les partenariats entre le gouvernement et les banques gagnent également du terrain, notamment au Royaume-Uni, avec le déploiement du prêt d'interruption de l'activité causée par le coronavirus et du programme de financement des entreprises. Le gouvernement britannique a également reporté le paiement de la TVA à la fin du mois de juin 2020 ; les entreprises auront alors jusqu'à la fin de l'année fiscale 2020-21 pour régler les dettes accumulées pendant la période de report. Le report s'applique automatiquement, et les entreprises n'ont pas besoin d'en faire la demande.

En Allemagne, la KfW - une banque de développement soutenue par l'État - a amélioré les programmes de prêts existants et propose désormais des prêts à taux d'intérêt réduits qui peuvent ne pas être remboursés avant deux ans. Le gouvernement allemand travaille également à la création d’un "fonds de stabilisation économique" destiné aux grandes entreprises. Ce fonds complète l'aide sous forme de prêt, et comprend 400 milliards d'euros de garanties, 100 milliards d'euros pour les mesures de participation et jusqu'à 100 milliards d'euros pour le refinancement des programmes existants de la KfW.

En ce qui concerne les mesures prises aux États-Unis, il est important de noter que, contrairement à la récession de 2008/2009, il est peu probable qu'un renflouement des constructeurs automobiles ait lieu. Selon IHS Markit, 4 300 véhicules ont été produits en Amérique du Nord en avril - le chiffre le plus bas enregistré depuis 1945.  Au lieu de cela, le gouvernement a introduit la loi de protection des salaires pour aider les petites entreprises, et a reporté le paiement des charges sociales pour les plus grandes. Bien que ce soit un premier pas allant dans la bonne direction, il est peu probable que cela suffise à combattre les difficultés et pertes subies. Le secteur espère que des incitations supplémentaires permettront de relancer la demande des clients.

Pas de soutien direct en Allemagne

Le gouvernement allemand n'a mis en œuvre aucune mesure de soutien fiscal dédiée à l'industrie automobile, mais il a réduit la TVA de 19 % à 16 % pour le reste de l'année. Les subventions à l'achat - une réduction directe du prix d'une voiture neuve payée par l'État – avaient été initialement proposées comme une mesure d'incitation possible, mais l'idée a été abandonnée.

Le gouvernement allemand se concentre davantage sur la promotion et l’incitation à l'achat de véhicules propres : pour les véhicules dont le prix ne dépasse pas 40 000 euros, les consommateurs recevront désormais un bonus de 6 000 euros, contre 3 000 euros auparavant. L'avenir se dessine clairement en vert et de premières discussions sont en cours pour orienter les taxes vers un objectif de protection du climat à horizon 2021 et  pour cela, augmenter la taxe sur les véhicules à moteur thermique. L'exonération de la taxe sur les véhicules pendant dix ans pour les voitures entièrement électriques a également été prolongée jusqu'en 2030.

L'industrie appelle à l’aide

En Inde, l'industrie automobile est actuellement engagée dans un dialogue avec le gouvernement sur une politique de réduction temporaire de 10 % du taux normal de la taxe sur les biens et services pour toutes les catégories de véhicules et les composants automobiles, ainsi que sur l'introduction d'un programme de mise à la casse des véhicules, fondé sur des mesures d'incitation pour générer la demande et sur une réduction de 5 % des droits de douane de base pendant trois mois pour les composants automobiles. 

Alors que l'industrie automobile continue à trouver des moyens de redémarrer dans le monde entier, l'intervention des pouvoirs publics jouera un rôle moteur dans la manière dont les constructeurs et les équipementiers se redresseront. Des mesures opportunes pour protéger les travailleurs ou stimuler les activités commerciales seront de plus en plus nécessaires, si elles ne sont pas déjà en place. Dans le même temps, quelle meilleure occasion pour l'industrie et les décideurs politiques d’engager des consensus, mieux travailler ensemble et mettre l'accent sur l'écologie dans la manière dont le secteur se remet à fonctionner.

Cet article fait partie d'une série consacrée au redémarrage de l'industrie automobile dans le monde entier. Pour découvrir les autres articles et décryptages sur ce sujet, cliquez ici.