Flash BankNews n°64 | Focus sur le guide de la BCE relatif aux risques climatiques et environnementaux

A la suite du « Green Deal » européen et son objectif de faire de l’Europe le premier continent neutre sur le plan climatique en 2050, la Banque centrale européenne a récemment organisé une consultation sur son projet de Guide relatifs aux risques liés au climat et à l’environnement.

Cette Consultation suit le travail de l’Autorité bancaire européenne (ABE), dans le cadre de son plan d’action, pour l’incorporation des risques Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance (ESG) dans les trois piliers de supervisions prudentielle, particulièrement dans les domaines de la stratégie, la gestion des risques, la publication d’informations, l’analyse des scénarios et le stress testing. 

Le guide proposé par la BCE contient des attentes de grande envergure pour les banques. Répondre à celles-ci entrainera la prise en compte des risques climatiques et environnementaux – en tant que facteurs des catégories de risques existantes- dans la stratégie, le cadre de gouvernance et de gestion de l’entreprise. Les institutions devront publier des informations significatives sur la manière dont ils mesurent et gèrent ces risques.

Le guide ne sera pas contraignant pour les institutions. Toutefois, la BCE s’engagera dans l’implémentation avec des établissements significatifs dans le cadre de son dialogue prudentiel. Aussi, elle capitalisera sur le guide en développant une approche prudentielle pour la gestion et la publication des risques climatiques et environnementaux.

Quelles sont les recommandations ?

No.

Il est attendu des établissements 

1

…qu’ils comprennent l’incidence à court, moyen et long terme, des risques liés au climat et à l’environnement sur leur cadre opérationnel, afin d’être en mesure de prendre leurs décisions stratégiques et opérationnelles en toute connaissance de cause.

2

… lorsqu’ils définissent et mettent en œuvre leur stratégie opérationnelle, les établissements devraient y intégrer les risques liés au climat et à l’environnement qui ont une incidence significative sur leur cadre opérationnel à court, moyen et long terme.

3

… qu’ils tiennent compte des risques liés au climat et à l’environnement lorsqu’il définit la stratégie opérationnelle globale de l’établissement, ses objectifs opérationnels et son dispositif de gestion des risques, et qu’il assure une surveillance efficace de ces risques.

4

… qu’ils incluent explicitement les risques liés au climat et à l’environnement dans leur cadre d’appétence pour le risque.

5

…qu’ils répartissent les responsabilités en matière de gestion des risques liés au climat et à l’environnement au sein de leur structure organisationnelle conformément au modèle des trois lignes de défense.

6

… qu’ils déclarent des données agrégées sur le risque reflétant leur exposition aux risques liés au climat et à l’environnement, afin de permettre à l’organe de direction et aux sous-comités concernés de prendre leurs décisions en toute connaissance de cause.

7

… qu’ils intègrent dans leur cadre de gestion des risques existant les risques liés au climat et à l’environnement comme des facteurs des catégories de risques établies, afin de les gérer et de les suivre sur une période suffisamment longue. Il est également attendu des établissements que leurs dispositifs soient réexaminés régulièrement. En outre, les établissements devraient inscrire la détection et la quantification de ces risques dans leur processus global visant à assurer l’adéquation des fonds propres.

8

… ils prennent en compte les risques liés au climat et à l’environnement à tous les stades du processus d’octroi de prêts et qu’ils suivent les risques pesant sur leurs portefeuilles.

9

… qu’ils examinent comment les événements climatiques pourraient avoir une incidence défavorable sur la continuité de leurs activités et dans quelle mesure la nature de ces activités pourrait accroître les risques de réputation et/ou de responsabilité.

10

… qu’ils suivent en permanence les effets des facteurs liés au climat et à l’environnement sur leur exposition actuelle au risque de marché sur leurs placements futurs, et qu’ils mettent au point des scénarios de tests de résistance incorporant les risques climatiques et environnementaux.

11

… qu’ils évaluent l’adéquation de leurs tests de résistance en vue de leur intégration dans les scénarios de référence et les scénarios adverses.

12

… qu’ils évaluent si des risques significatifs liés au climat et à l’environnement pourraient entraîner des sorties nettes de trésorerie ou une diminution de leurs coussins de liquidité et, le cas échéant, qu’ils incluent ces facteurs dans leur cadre de gestion du risque de liquidité et leur calibrage des coussins de liquidité.

13

… qu’ils publient des informations utiles et des indicateurs-clés sur les risques liés au climat et à l’environnement qu’ils estiment significatifs, en respectant pour le moins la communication de la Commission européenne intitulée « Lignes directrices sur l’information non financière : supplément relatif aux informations en rapport avec le climat ».

Commentaire de Mazars

Mazars soutient la volonté de la BCE d’améliorer la gestion des risques liés au climat et à l’environnement sein du secteur bancaire. Notre réponse à la consultation aborde les points suivants :

  • Délai d’implémentation du guide

Il est attendu que les établissements alignent leurs pratiques avec les attentes de la BCE d’ici la publication finale du guide en Q4-2020, avec le début du dialogue prudentiel de la BCE avec les établissements significatifs à partir de la fin de l’année 2020. Bien que la BCE ne demande pas un alignement complet avec le guide pendant cette période, le délai envisagé pour l’implémentation laissera les banques avec peu de temps pour définir une stratégie adéquate d’implémentation, collecter les données nécessaires et construire des outils de modélisation pertinents.

  •  Evaluation de l’importance du risque

Il est attendu que les banques prennent en compte la matérialité des risques liés au climat et à l’environnement dans le cadre de la définition de leur stratégie de business. Néanmoins, la « matérialité » est une notion arbitraire sujette à des interprétations variées par les établissements de crédit. Il serait utile que la BCE donne des orientations supplémentaires sur ce qui constitue une exposition au risque climatique considérée comme matérielle, par exemple sous forme de seuil de matérialité. La BCE pourrait aussi clarifier que ce guide se concentre principalement dans les risques au niveau de l’établissement.

  • Encouragement des meilleures pratiques au sein des petits établissements

La BCE pourrait soutenir les petits établissements dans l’implémentation du guide en diffusant un document guide sur les risques ESG, et en encourageant le dialogue prudentiel entre ces établissements et les autorités compétentes nationales.

  •  Attentes en termes d’adéquation du capital

La BCE recommande que les banques identifient et quantifient les risques liés au climat et à l’environnement dans le cadre de leur processus global d’adéquation du capital. Nous estimons qu’il serait bénéfique que la BCE clarifie également si des exigences de capital supplémentaires pourraient être intégrées dans le cadre du mécanisme de supervision.

  • Calcul du risque de défaut par les contreparties

La BCE préconise que les banques tiennent compte des risques liés au climat et à l’environnement lors du calcul de la probabilité de défaut. Cette expectative pourrait être limitée dans la pratique du fait du manque des données historiques pour le back-testing et des difficultés dans la priorisation des risques. La BCE pourrait spécifier dans ce guide que l’évaluation de risque doit refléter des risques réellement modélisables et pourrait recommander l’utilisation des scénarios d’analyse où il y a une insuffisance de données historiques.

  • Cadre de tarification des prêts

Pour la BCE, le cadre de tarification des prêts doit refléter entièrement la stratégie d’appétit pour le risque et la stratégie business en lien avec les facteurs climatiques et environnementaux. Cette stratégie pourrait être développée d’avantage au sein des établissements en définissant, par exemple, des taux de cession internes plus bas pour des produits financiers ou des prêts moins risqués (ou à des contreparties moins polluantes). Ceci permettrait aux banques de mieux gérer l’impact des la distribution de produits financiers sur le climat, sur l’environnement et par extension sur la durabilité du modèle économique de la banque.

  • Avis sur la première ligne de défense

Nous saluons la recommandation de la BCE sur la définition des rôles et responsabilités pour la première ligne de défense pour la gestion du risque climatique. Nous suggérons que la BCE précise le besoin d’une définition claire des tâches et responsabilités pour toutes les lignes de défense, notamment en termes de prise et de gestion des risques liés au climat et à l’environnement dans leurs politiques, procédures et contrôles.

La vue d’ensemble

Dans certains pays, les régulateurs ont déjà commencé l’implémentation d’exigences réglementaires qui reflètent les attentes de la BCE. Par exemple le Royaume Uni ne fait pas partie du mécanisme de supervision unique mais possède un cadre réglementaire qui est relativement avancé au sujet de la finance durable. En 2019 l’Autorité de Contrôle Prudentielle du UK (PRA) a publié une déclaration précisant ses attentes sur l’intégration des risques climatiques dans le cadre de gestion des risques financiers par les banques. La déclaration inclut les attentes concernant l’analyse des scénarios climatiques, la gouvernance et la publication d’informations.

Au niveau européen, l’ABE prend des mesures pour améliorer la gestion des risques liés au climat et à l’environnement et la publication d’informations pertinentes à ce sujet. Dans son programme de travail pour 2021, publié récemment, l’ABE identifie l’ESG comme un de ses six domaines stratégiques.

L’Autorité Bancaire Européenne planifie l’évaluation de l’inclusion potentielle des risques ESG dans le contrôle prudentiel effectué par les Autorités nationales compétentes et l’envoi d’un rapport à la commission européenne, le parlement européen et le Conseil le 28 Juin 2021.

Par ailleurs, l’ABE travaille sur l’identification des indicateurs clés (qualitatives et quantitatives) et des exigences de publication associées pour les banques, qui seront applicables à Juin 2022. Finalement, l’Autorité évalue si un traitement prudentiel dédié aux expositions ou actifs associés directement avec des objectifs sociaux et/ ou environnementaux se justifie, et fera un rapport à ce sujet en Juin 2025.

Ce que les entreprises doivent savoir

Compte tenu des courts délais d’implémentation envisagés par la BCE, les établissements supervisés doivent commencer à identifier les axes d’amélioration de leurs politiques et processus de gestion de risque.

Mazars a accompagné des clients dans l’intégration des pratiques de durabilité dans leur cadre de gestion des risques et peut accompagner votre banque dans la définition d’une stratégie de gestion et de mesure des risques liés au climat en réponse aux exigences présentées dans ce guide.