Flash BankNews n°21 - Encadrement du risque de taux d’intérêt dans le portefeuille bancaire, le pilier 2 l’emporte sur le pilier 1

Le Comité de Bâle a publié le 21 avril 2016 la norme relative au risque de taux d’intérêt dans le portefeuille bancaire (Interest Rate Risk in the Banking Book - IRRBB) qui peut se matérialiser sous la forme du risque de repricing, du risque d’optionalité, du risque de translation de la courbe des taux et/ou du risque de base.

Dans la consultation du 8 juin 2015, deux options avaient été envisagées :

  • L’introduction en pilier 1, signifiant ainsi une charge supplémentaire en capital
  • La mise en place d’un pilier 2 renforcé

Faisant suite aux commentaires des différentes banques, le Comité de Bâle a constaté que l’application d’une approche Pilier 1 pour l’IRRBB n’était pas adaptée, en particulier du fait de la difficulté à définir une mesure normalisée de l’IRRBB, suffisamment précise et sensible aux risques. Le manque d’homogénéité de traitement entre juridictions a aussi motivé ce choix.

Il remplacera les principes d’encadrement et de supervision du risque de taux d’intérêt édictés en 2004, principes qui précisaient les attentes des régulateurs en matière de recensement, de mesure, de suivi et de maîtrise du risque de taux d’intérêt par les banques, ainsi que les attentes en termes de surveillance prudentielle.

Les étapes clés de l'IRRBB

Entre les superviseurs et les banques, les débats sur l’IRRBB ne datent pas d’hier puisque la première consultation date de 1993. Cependant, depuis 2004 avec l’introduction en pilier 2, et particulièrement depuis ces dernières années, le traitement de l’IRRBB fait beaucoup parler de lui, dans un contexte de taux historiquement bas et d’intégration des risques dans la stratégie des banques (risk appetite) : 

  • de 2004 à 2014 : adoption de l’approche pilier 2 visant à laisser aux régulateurs nationaux le pouvoir de surveiller la façon dont les banques calculent l’IRRBB en fonction de leurs modèles internes ;
  • 2004 : réglementation du Comité de Bâle concernant les principes de suivi et de management du risque de taux (portefeuilles bancaire et de négociation) ;
  • 2006 : guidelines du CEBS (Committee of European Banking Supervisors) sur le risque de taux, révisées le 26 juin 2013 (article 84 de la Directive 2013/36/UE) ;
  • mai 2015 : orientations de l’EBA (European Banking Authority) sur l’IRRBB, entrant en application le 1er janvier 2016 tout en spécifiant que la charge en capital restait du ressort du BCBS (Basel Committee on Banking Supervision) ;
  • juin 2015 : consultation du Comité de Bâle suivie d’une enquête QIS (Quantitative Impact Study) ;
  • 2018 : application des nouvelles règles du Comité de Bâle relatives au calcul de l’IRRBB.

Principales améliorations du Comité de Bâle

La norme IRRBB repose sur 12 principes révisés dont 10 concernent les banques et 2 concernent les autorités de supervision.

La révision du processus de gestion du risque de taux d’intérêt du portefeuille bancaire (pilier 2)

Le Comité de Bâle propose l’intégration de chocs et de scenarii de crise comme l’impact éventuel de taux négatifs ainsi que des hypothèses clés en matière de comportement et de modélisation que les banques devraient prendre en considération dans leurs évaluations (historique de volatilité). Ce dispositif ferait partie intégrante de l’ICAAP (Internal Capital Adequacy Assessment Process) et l’éventualité d’un buffer en capital est évoquée.

Des exigences de communication financière renforcées (pilier 3)

À ce jour, les exigences en termes de communication financière sont reprises dans l’article 448 du règlement CRR 575/2013. Le Comité de Bâle propose de favoriser l'homogénéité, la transparence et la comparabilité de la mesure et de la gestion du risque de taux d’intérêt du portefeuille bancaire. Il s'agit notamment de publier des informations qualitatives et quantitatives fondées sur des scénarii communs de choc de taux d'intérêt, en particulier les variations au niveau du bilan (Economic Value of Equity – EVE) et du compte de résultat (Net Interest Income – NII).

La constitution d’un cadre standard actualisé

Les régulateurs nationaux pourraient faire adopter par les banques et rendre d'usage obligatoire un cadre standard actualisé. Les superviseurs pourraient ainsi effectuer des tests réguliers pour s’assurer que les banques gèrent de manière appropriée le risque de taux d’intérêt du portefeuille bancaire et imposer, en cas de nécessité, des mesures correctives. Les dépôts à vue et le risque de remboursement anticipé feraient l’objet d’un traitement particulier du fait de la difficulté de modélisation.

Le seuil plancher de la valeur économique révisé

Le seuil de repérage des banques « hors normes » (outlier banks) a été revu par le Comité de Bâle et ainsi ramené de 20 % du total des fonds propres à 15 % des fonds propre de catégorie 1 (Tier 1). Cela remet donc en cause le principe édicté dans l’article 98 (5) de la Directive 2013/36/UE.

En outre, le Comité de Bâle précise que l'exposition au risque de taux d'intérêt du portefeuille bancaire est mesurée par la variation maximale de la valeur économique des fonds propres dans les scénarii de choc de taux d'intérêt retenus.

  

Le nouveau traitement serait appliqué aux banques internationales au niveau consolidé et devrait entrer en vigueur d'ici 2018 (données au 31 décembre 2017). Les banques de moindre importance rentreraient dans le cadre des options et discrétions nationales.

  

Perspective sur les prêts immobiliers en France

Picto_Immeubles

La révision de l'approche Standard du risque de crédit proposée par le BCBS en décembre 2015 pénalise déjà fortement le traitement des prêts immobiliers avec le ratio LTV (Loan To Value) à l'octroi. L'abandon de l'approche pilier 1 pour l'IRRBB permet d'éviter une double pénalisation, car elle aurait incité les banques à prêter davantage à taux variable, déplaçant ainsi le risque vers le client final, et donc une augmentation du risque de défaut. Quand on sait que les bilans bancaires français sont constitués a minima de 50% de crédits immobiliers, l'impact est non négligeable !

Article co-écrit par Mathieu Domgin & David Dubo

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