Plan de reprise de la dette des hôpitaux : une opportunité à saisir pour restructurer sa dette et lever des fonds

Les équipes santé de Mazars proposent ici un panorama de la situation d’endettement des hôpitaux (d’après les données de la Direction de la Recherche, des Études, de l'Évaluation et des Statistiques).
Le mécanisme de reprise de la dette intervient dans un contexte où, à fin 2018, 42% des hôpitaux publics sont surendettés et soumis à autorisation préalable avant emprunt, avec un encours de dette à 23,4 milliards d’euro (77% de l’encours total). Parmi ces établissements, 9 concentrent encore 83% des prêts toxiques et restent très exposés. Une partie de cette dette, certes beaucoup plus faible, est également portée par les groupements de coopération sanitaire. Replacer cette dette dans les Bilans des établissements membres viendrait, dans certains cas, considérablement dégrader leur situation.
Conséquence immédiate de ce constat : 83% des hôpitaux sont en situation de sous-investissement et les taux de vétusté calculés sont en hausse constante.

Un mécanisme dont on connait les grandes orientations mais dont les déclinaisons par établissement sont encore à définir 

Suivant les recommandations de l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) et de l’IGF (Inspection générale des finances) publiées en septembre 2020, l’article 27 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFFS) 2021 décrit les modalités de « reprise »de la dette hospitalière et des établissements participant au SPH à hauteur de 13 Md€ (dont 10 Md€ en capital et 3 Md€ en intérêts). Nous pouvons d’ores et déjà dire que le terme de reprise n’est pas, techniquement, juste puisque les dettes resteront bien inscrites au Bilan des établissements, les aides se matérialisant par des versements annuels en trésorerie. 

La durée d’accompagnement a été ramenée, par amendement (2530 du PLFSS 2021), à 10 années (contre 15 pressenties initialement) pour améliorer l’efficacité du dispositif. Cet amendement stipule également que le calcul de l’encours de la dette ne sera plus un préalable à la définition de l’aide. Ceci afin « d’alléger le travail technique préalable à la contractualisation qui aurait nécessité un audit complet de l'encours de dette de chaque établissement ». 

En revanche, il est clairement énoncé que les ratios d'analyse financière et de marges financières nécessaires à l'investissement seront pris en compte. Enfin, cette réécriture inclut dans l'analyse de la situation financière des établissements leurs dettes et participations au titre d'éventuels groupements de coopération sanitaire (GCS), en supprimant la référence à des emprunts inscrits au bilan des établissements. 

L’octroi de ces aides fera l’objet d’une contractualisation avec l’ARS et sera également conditionné par le niveau de relance de l’investissement courant, l’assainissement financier et la transformation de l’établissement. Même si toutes les modalités ne sont pas encore arrêtées, il semble acquit que ces contrats seront suivis sur la période de versement et que les évolutions devront être objectivées par l’intermédiaire d’indicateurs pertinents et fiables. Le non-respect des objectifs pourra faire l’objet de sanctions financières en rapport avec les aides annuelles. 

Il est à noter que cette mesure est accompagnée d’autres aides (article 26 d PLFSS 2021) visant à soutenir les projets hospitaliers prioritaires, à rattraper le retard sur le numérique et à accompagner les établissements dans leur transformation et implantation sur le territoire. Le montant total de ces mesures issues du Ségur de la Santé est de 19 Md€.  

Au-delà de ces opérations individuelles, il ne faut pas occulter que 13mds d’euros seront injectés dans le système global de la dette hospitalière, aussi la question suivante se pose légitimement : 

Quelles opportunités financières découlent de cette reprise de dette pour les hôpitaux ? 

Pour lever de la dette auprès de partenaires financiers, un emprunteur doit rassurer sur deux choses : sa capacité à rembourser la dette dans un futur court, moyen ou long terme ; et les garanties qu’il peut apporter en face du crédit qui lui est accordé. 

Ces deux fondamentaux qui attestent de la solidité du profil de crédit, c’est-à-dire de la solvabilité, de l’emprunteur et donc de sa capacité à emprunter seront largement renforcés par le plan proposé par l’Etat pour refinancer la dette des hôpitaux : 

  • D’une part, l’Etat en assurant le remboursement des échéances de paiements futurs promet une future entrée d’argent récurrente et certaine. Il n’y a rien de plus rassurant pour un organisme prêteur que la récurrence et la certitude de la génération de trésorerie future. 
  • D’autre part, même si l’Etat n’est pas garant des hôpitaux, le plan de reprise de la dette est un message fort de soutien à la filière. Les banques et autres créanciers ne peuvent plus douter de l’aspect prioritaire et stratégique des hôpitaux pour l’Etat. 

La nette amélioration induite du profil de risque des hôpitaux permettra à ceux-ci d’appréhender leurs besoins de financement de manière globale en ligne avec une stratégie de long terme, et non simplement au cas par cas des investissements. Les établissements pourront présenter un plan d’investissement et de financement solide et offrir de la visibilité aux partenaires financiers. 

Forts de ces éléments de confort, les hôpitaux se retrouvent en bien meilleure posture pour appréhender leurs problématiques de financement avec leurs créanciers historiques ou potentiels. 

Ainsi, l’annonce de ce plan de soutien et sa mise en œuvre est l’occasion pour les hôpitaux de solliciter leurs créanciers historiques pour optimiser leur structure d’endettement actuelle en diminuant la charge financière de celle-ci et en assouplissant les engagements qui y sont liés. 

C’est aussi l’occasion d’aller chercher de nouveaux fonds, auprès des partenaires financiers historiques ou auprès de nouveaux partenaires, pour financer les investissements (de renouvellement ou de développement), à des conditions avantageuses. 

Cet article vous est proposé par :

Alexandra AUDOUARD
Senior Manager, experte finance 

Grégoire DE BLIGNIERES
Senior Manager, expert en restructuration de dettes 

Pierre Olivier LASSERRE
Senior Manager, expert finance