Le médiateur social 4.0 : enjeux et perspectives

Relais des institutions et acteur essentiel de la proximité, le médiateur social d’aujourd’hui est le fruit de la reconnaissance progressive d’une fonction qui a pu prendre différentes formes.
Décembre 2019

Avant d’être un métier reconnu à l’issue d’un parcours certifiant, la médiation sociale a été le fruit de nombreuses initiatives, citoyennes ou institutionnelles. Au-delà des statuts et des profils, le dénominateur commun à ces femmes et ces hommes tient à la volonté de réinvestir et de réhumaniser l’espace public. S’adaptant sans cesse aux besoins de ses concitoyens, le médiateur de demain pourrait bien être le médiateur du numérique.

Une fonction protéiforme née de la nécessité de resserrer le tissu social

Le médiateur qu’on connaît aujourd’hui a eu différents prédécesseurs : « femmes-relais »« adultes-relais »« grands-frères »correspondants de nuitrégulateurs, médiateurs citoyens bénévoles, etc. Émergeant souvent de manière spontanée, ces figures locales ont en commun la volonté de faire le lien les citoyens et les institutions, entre les citoyens entre eux, de pacifier la vie de quartier pour améliorer la qualité de la vie et l’accès aux droits de chacun. Témoins des dysfonctionnements institutionnels, ils cherchent à redonner une place à chacun.  

Les pouvoirs publics ne s’y sont pas trompés en tentant de généraliser certains de ces dispositifs en vue de rendre l’action des politiques de la ville plus efficace. Parce que le médiateur intervient en complémentarité des autres acteurs, il a vocation à s’articuler avec ces derniers pour faciliter leur intervention. 

Pour ce faire, le médiateur doit avoir une bonne lecture de son territoire et une analyse fine des signaux faibles. Et Faouzi Lachlak, Directeur de l’association PAJE1,  de résumer : « si le médiateur a deux oreilles et une bouche c’est pour écouter deux fois plus qu’il ne parle ».

Une fonction toujours d’actualité légitimée par sa récente professionnalisation

Des relais aujourd’hui dépassés ? Malgré les tâtonnements et les erreurs de la politique des « grands frères », la fonction du médiateur s’avère plus que jamais nécessaire. A l’heure de la crise de certains quartiers, de phénomènes tels que l’appauvrissement des catégories sociales les plus défavorisées, la fermeture de services publics de proximité ou encore le repli communautaire, le médiateur social représente un ultime maillon pour « faire société ». Il intervient aujourd’hui dans l’espace public et l’habitat collectif, en matière d’accès aux droits et aux services, dans les transports en commun, dans le milieu scolaire et en faveur de la participation des habitants à la vie de leur quartier

Ces facilitateurs ou intermédiaires, tout comme leurs interlocuteurs institutionnels ont dès lors ressenti la nécessité de clarifier leurs missions, leurs statuts et leur cadre d’intervention, et d’homogénéiser leurs pratiques. Si les « femmes-relais » ou les « grands-frères » tiraient principalement leur légitimité de leur ancrage territorial et de leurs savoir expérientiels, il a été jugé nécessaire de fonder dorénavant la légitimité des médiateurs sociaux sur un cadre déontologique rénové. Indépendance, impartialité et « bonne proximité » sont les repères actuels du médiateur social. Celui-ci « doit faire preuve d’une grande capacité d’adaptation à son interlocuteur sans pour autant adopter la posture de son interlocuteur », souligne Faouzi Lachlak. 

En 2001, une Charte de référence de la médiation sociale a ainsi été rédigée par un groupe de travail interministériel et inter partenarial et visée par le Comité interministériel des villes. Un travail collectif réunissant les acteurs du secteur, l’Agence française de normalisation (AFNOR) et l’Etat (CGET, CIPDR) a permis de définir en 2016 une nouvelle norme métier (la norme XP X60-600). Celle-ci codifie l’activité du médiateur social en définissant huit registres d’intervention et un cadre déontologique.

La figure du médiateur social s’est ainsi progressivement professionnalisée: le médiateur social intervient en toute indépendance, il adopte une position de tiers à l’égard de ses interlocuteurs et les aide à trouver une solution par eux-mêmes à leurs différends. Pour ce faire, il veille à ne pas favoriser l’une ou l’autre des parties, ni à imposer de solutions mais les accompagne vers l’autonomie et la responsabilisation de chacun. A l’appui de ce cadre de référence, l’association France Médiation a construit une offre de formation dédiée au métier de médiateur social. 

La soixantaine de médiateurs sociaux de l’association PAJE rencontre ainsi près de 2 millions de personnes par an. Ils mènent des actions aussi variées que la lutte contre les incivilités dans les trains de la SNCF, l’accompagnement à l’accès aux droits des familles qui s’adressent aux Maisons de Services au Ppublic (MSAP) qu’elle gère, ou encore la médiation aux abords des collèges.

La médiation numérique : l'avenir du médiateur social

Si la société numérique rapproche ses usagers et pallie la désertification des services publics, elle contribue paradoxalement à isoler et précariser encore davantage ceux qui subissent déjà la fracture numérique. 

A l’ère du « tout numérique », le « non-internaute » est d’autant plus marginalisé. Or il ne s’agit pas là d’un phénomène anecdotique. Alors que les démarches administratives en ligne représentent aujourd’hui le principal usage du numérique (devant les achats en ligne et la recherche d’emploi), 11% des Français ne se connectaient jamais à Internet. Le « non internaute » à plus de 40 ans et il fait partie du tiers des Français qui s’inquiète de la dématérialisation des démarches administratives, invoquant avant tout son incompétence. De plus, si certains cherchent une aide extérieure devant leurs difficultés, un nombre conséquent abandonne leurs démarches, voire l’outil informatique. Ce phénomène s’accentue parmi les familles ayant des bas revenus et les classes moyennes inférieures.

Un métier d’avenir ? Face à ce constat, Faouzi Lachalak identifie ici un rôle crucial à jouer pour le médiateur social. Celui-ci reste en effet un interlocuteur fiable pour accompagner vers l’e-administration les citoyens qui subissent une fracture numérique. Fort de son important réseau partenarial, de son sens de la proximité, de sa capacité à lire son territoire et à s’adapter à ses interlocuteurs, « les compétences du médiateur social s’avèrent être un bon tronc commun pour nombre d’autres secteurs », conclut Faouzi Lachlak.

Cet article est proposé par : Julia PERNETElodie ALBRECHT, Expertes Santé chez Mazars