La data, nouvel « Or noir » du secteur Aéronautique ?

Découvrez dans cette interview l'entretien avec Pierre Jouniaux, Président et fondateur de la start-up Safety Line.

Entretien avec Pierre Jouniaux, Président et fondateur de la start-up Safety Line.

Ingénieur en aéronautique (ENAC) et directeur d’enquête au BEA durant 12 ans, Pierre a participé ou conduit de nombreuses enquêtes majeures (catastrophe du Concorde, Accident de l’A300-600 d’American Airlines à New York, Accident de l’A340 d’Air France à Toronto, etc.). Successivement pilote de ligne et gestionnaire de la sécurité pour Vietnam Airlines, il totalise aujourd’hui 20 ans d’expérience dans les domaines des opérations aériennes et de la sécurité.

Pouvez-vous nous présenter l’activité de Safety Line ?

« Ce n’est pas la donnée à l’état brut, mais le traitement qu’on en fait, qui est source de valeur. »

Avec au départ une formation d’ingénieur aéronautique, j’ai travaillé au ministère des Transports et notamment au bureau enquête d'accident. On y étudiait déjà les données, mais uniquement pour expliquer et déterminer les causes des phénomènes accidentels. J’ai retenu de cette période qu’avec des données, on pourrait à peu près tout expliquer. En complément, mon expérience de pilote de ligne pour Vietnam Airlines m’a fait prendre conscience du fait que le pilote ne disposait que de peu d'outils pour optimiser sa consommation de carburant, sa vitesse de montée, etc.

Ce constat fut le point de départ de ma réflexion, et c’est sur ces bases que j’ai fondé Safety Line en 2011, avec un effectif hybride composé d’ingénieurs aéronautique, de data scientists, et de développeurs informatiques. Au départ nous avons travaillé avec Starburst Accelerator, un accélérateur spécialisé dans l’accompagnement des start-ups aéronautiques, qui nous a facilité l’accès aux grands groupes. Nous sommes par ailleurs labellisés Astech. Malgré notre empreinte métier forte, la société n’est pas intégrée au niveau de l’industrie, car nous sommes une entreprise de service.

Nous exploitons les données de vol et les données radar, qui sont des données historiques que nous croisons avec des données en temps réel comme les prévisions météo. Nos solutions permettant de réduire les consommations des avions en l’air et au sol. Les économies de carburant en phase de décollage sont de l’ordre de 5 à 6%. Nous avons pour principaux clientsles compagnies aériennes, et les utilisateurs de nos produits sont les pilotes, mais proposons également une solution aux aéroports.

Les avions ont toujours été équipés de capteurs qui produisent des données de vol. Qu’est-ce qui selon vous a changé ces dernières années ?  

Avant toute chose, il faut comprendre que la nécessité de collecter les données est née d’un besoin sécuritaire. Dans les années 1950, la réglementation a imposé d’installer des enregistreurs (les fameuses boîtes noires) à bord des avions. Ce qui a changé, c’est l’arrivée du digital, et avec elle la capacité de traitement de la data, qui a explosé. L’évolution est également très liée à l’apparition du cloud qui change les méthodes de travail et augmente les possibilités.

« La nécessité de collecter les données est avant tout née d’un besoin sécuritaire »

Qui est propriétaire de la donnée entre les différentes parties prenantes que sont les avionneurs, les équipementiers, et les compagnies aériennes ? Est-ce que ceci est régulé ou organisé ?

La compagnie aérienne est propriétaire des données de la boîte noire. Mais lorsqu’une entreprise propose un service à la compagnie pour exploiter ses données, les données lui sont le plus souvent mises à disposition gratuitement, elles ne lui sont pas vendues. La raison, c’est que la donnée à l’état ne vaut rien, c'est sa transformation au moyen d’algorithmes qui crée de la valeur, et qui nécessite du temps et de l'expertise.

« La donnée appartient à celui qui l’émet, soit principalement à la compagnie aérienne »

Je ne connais pas aujourd’hui de lois qui régissent ces types de données, essentiellement parce qu'il ne s'agit pas de données personnelles. La seule contrainte, c’est l’obligation faite aux compagnies de les récupérer, pour des raisons de sécurité, et de les analyser pour s’assurer qu’il n’y a pas eu d'incidents en vol. Quant à être réglementée davantage, je ne pense pas.

A votre avis, les airlines peuvent-elles continuer à se passer de l’opportunité que représente l’exploitation des données de vol ?

Aujourd’hui, beaucoup font le choix de ne pas utiliser la data et donc de ne pas optimiser. De fait, elles acceptent de payer le surcoût mais si demain de plus en plus de compagnies s’y mettent, le handicap concurrentiel pourrait coûter cher.

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