Newsletter Legal & Tax Alert #6

Newsletter Legal & Tax Alert #6 | Décembre 2022
Ce mois-ci, plusieurs brèves d'actualité, notamment sur l'accord d'une "taxe carbone" au sein de l'Union Européenne, sur le cumul des sanctions pénales et administratives relatives à la TVA; mais aussi un article portant sur les pertes définitives étrangères ainsi que le replay du webinar Pilier 2.

Brève | Fiscalité européenne : Imputation des pertes d’un établissement stable

Par Christophe Neyroud, senior manager prix de transfert | Mazars Société d’Avocats

Après un arrêt favorable permettant l’imputation des pertes définitives d’un établissement stable étranger (Bevola), la CJUE introduit un critère a priori défavorable aux contribuables.

Pour la détermination de son résultat, la société W AG a pris en compte les pertes subies par sa succursale étrangère lors de sa fermeture.  Après un refus de son administration, elle a contesté cette position.

La CJUE avait déjà jugé qu’une société établie dans un Etat de l’UE, pouvait déduire les pertes définitives subies par des succursales situées dans d’autres Etats uniquement si l’Etat du siège a renoncé à son pouvoir d’imposer le résultat de tels établissements sur le fondement de son droit national.

A l’inverse, dans cet arrêt, la Cour a estimé que lorsque l’impossibilité d’imposer le résultat d’un ES résulte d’une convention fiscale, la société de l’Etat du siège n’est pas en droit de déduire les pertes liées à la fermeture de son ES, dès lors que la renonciation au pouvoir d’imposer n’est pas unilatérale.

Dans la mesure où la France a renoncé unilatéralement à son pouvoir d’imposer, l’imputation par une société française des pertes définitives d’une entreprise étrangère liée semble possible. Toutefois, compte tenu de la complexité de la grille de lecture instaurée par la CJUE, un éclaircissement du Conseil d’Etat dans l’affaire Financière Spie Batignolles serait le bienvenu.

Source : CJUE, 22 septembre 2022, aff. 538/20, W AG

Brève | Taxe foncière sur les propriétés bâties et photovoltaïques : critères d’imposition des structures supportant les panneaux photovoltaïques

Par Elena Aubrée, Avocate  & Maëlle Picon, Avocate| Mazars Société d’Avocats

Après une longue période d’incertitude, le Conseil d’Etat (CE) s’est prononcé sur les conditions dans lesquelles les structures supportant des panneaux photovoltaïques peuvent être assujetties à la taxe foncière sur les propriétés bâties (ci-après « TFPB ») dans une décision rendue le 21 juillet 2022.

Au cas d’espèce, la société concernée exploitait une unité de production d'électricité photovoltaïque au moyen de neuf installations " en ombrières " composées de panneaux photovoltaïques fixés sur des structures porteuses en bois, de plusieurs mètres de hauteur, ancrées au sol par des vis de fondation.

Dans le cadre d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale a estimé que les structures supportant les panneaux photovoltaïques rentraient dans le champ de la TFPB, redressant de fait la société concernée.

En première instance, le tribunal administratif de Montpellier a confirmé la position de l’administration fiscale en jugeant que, compte tenu de leur importance et de leurs caractéristiques techniques, ces structures (i.e., structures porteuses en bois, de plusieurs mètres de hauteur, ancrées au sol par des vis de fondation), bien que conçues pour être démontables, ne pouvaient être regardées comme destinées à être déplacées.

Pour rappel, la loi prévoit que « sont […] soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties : 1° Les installations destinées à abriter des personnes ou des biens ou à stocker des produits ainsi que les ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions tels que, notamment, les cheminées d'usine, les réfrigérants atmosphériques, les formes de radoub, les ouvrages servant de support aux moyens matériels d'exploitation »[1].

Sur ce fondement, le CE a considéré que les juges du fond n’avaient pas vérifié si les structures étaient:

- des installations servant d’abris des personnes ou des biens ou à stocker des produits ; ou

- des ouvrages de maçonnerie.

En conséquence, il estime que les biens litigieux ne rentraient pas dans le champ d’application de la TFPB au titre des éléments assimilés par le législateur à des propriétés bâties.

La décision du CE précise ainsi que le critère précédemment dégagé par la jurisprudence selon lequel pour rentrer dans le champ de la TFPB un bien ne doit pas avoir vocation à être déplacé est insuffisant. En effet, les juges doivent également chercher à caractériser les éléments susvisés assimilés par le législateur à des propriétés bâties.

[1] CGI, art. 1381-1°

Brève | DAC 6 et secret professionnel – La CJUE consacre le droit au respect des communications entre les avocats et leurs clients (C-694/20 | Orde van Vlaamse Balies e.a.)

Par Samuel Sebban, Avocat | Mazars Société d’Avocats

Dans un arrêt du 8 décembre 2022, la Cour de justice de l’Union Européenne[1] (CJUE) a jugé que la directive 2011/16/UE[2] (dite « DAC 6 ») viole le droit au respect des communications de l’avocat avec son client. 

Pour mémoire, DAC 6 prévoit que les intermédiaires impliqués dans des planifications fiscales transfrontières potentiellement agressives sont tenus de les déclarer aux autorités fiscales compétentes.

Toutefois, chaque État membre peut accorder aux avocats une dispense de cette obligation lorsque celle-ci serait contraire au secret professionnel protégé en vertu de son droit national. En pareil cas, les avocats intermédiaires sont toutefois tenus de notifier sans retard à tout autre intermédiaire, ou au contribuable concerné, leurs obligations de déclaration vis-à-vis des autorités compétentes.

Deux organisations professionnelles d’avocats ont saisi la Cour constitutionnelle belge. Selon elles, il est impossible de respecter l’obligation d’informer les autres intermédiaires sans violer le secret professionnel auquel sont tenus les avocats.

La Cour constitutionnelle belge a interrogé la CJUE à cet égard.

Dans cet arrêt, la CJUE rappelle tout d’abord que l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’UE protège la confidentialité de toute correspondance entre individus et accorde une protection renforcée aux échanges entre les avocats et leurs clients.

Elle juge ensuite que l’obligation de notification entraîne une ingérence dans le droit au respect des communications entre les avocats et leurs clients et qu’elle n’est pas nécessaire pour réaliser l’objectif de prévention du risque de fraude et d’évasion fiscales.

En effet, l’obligation de déclaration incombant aux autres intermédiaires non soumis au secret professionnel et, à défaut de tels intermédiaires, celle incombant au contribuable concerné, garantissent, en principe, que l’administration fiscale soit informée.

La Cour en conclut que l’obligation de notification prévue par la directive n’est pas nécessaire et viole donc le droit au respect des communications entre l’avocat et son client.

Au vu de cette décision, dont la portée s’étend à la France, la profession d’avocat devrait être déchargée de toute obligation de notification comme de déclaration.

[1] CJUE 8 décembre 2022, affaire C-694/20

[2] Directive européenne (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 

Brève | Nouvelle convention franco-belge en matière d’impôt sur le revenu et la fortune : vers un renforcement de la taxation des plus-values immobilières ?

Par Laura Thivilier, Avocate| Mazars Société d’Avocats

Le 9 novembre 2021, la France et la Belgique ont signé une nouvelle convention en matière d’impôt sur le revenu et la fortune. L’ancienne convention, datant de 1964, continuera de s’appliquer jusqu’à la ratification de la nouvelle par les deux Etats. L’entrée en vigueur devrait vraisemblablement intervenir le 1er janvier 2024.

Cette nouvelle convention, qui tend à s’aligner sur le modèle OCDE, aura un impact significatif sur les résidents de France et de Belgique qui ont des investissements dans l’autre pays contractant.

C’est notamment le cas en matière de plus-values immobilières des personnes physiques : là où sous l’égide de l’ancienne convention ces plus-values étaient uniquement imposables dans l’Etat de situation de l’immeuble et pouvaient être, pour certaines, totalement exonérées, la nouvelle rédaction prévoit une imposition concurrente avec un mécanisme d’élimination des doubles impositions.

Ainsi, certaines plus-values immobilières, qui hier étaient totalement exonérées dans les deux Etats, pourraient demain devenir imposables.

Par exemple, une personnes physique résidente de Belgique qui réalise une plus-value immobilière française, totalement exonérée en France par l’effet de l’abattement pour durée de détention, pourrait voir sa plus-value imposée en Belgique dès lors que l’Etat belge n’exonère les plus-values immobilières de source française que sous réserve d’une imposition effective en France.

A contrario, une personne physique résidente de France qui réalise une plus-value immobilière belge dans le cadre de la gestion de son patrimoine privé, aujourd’hui totalement exonérée, verra sa plus-value imposée en France.

Brève | Une provision pour dépréciation d’immobilisations n’est déductible du résultat imposable que si elle est constituée conformément aux règles comptables

Conseil d'État, 9e et 10e chambres réunies, 22 Novembre 2022 – n° 454766

Par Laura Fernandez Y Calahorra, Fiscaliste | Mazars Société d’Avocats

En l’espèce, une société exerçant une activité d'électroradiologie et d'imagerie médicale, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a remis en cause la déduction de provisions pour dépréciation de son fonds de commerce.

Les associés de cette société ne trouvaient pas de successeurs en raison de la localisation difficile de leur cabinet médical et sa faible attractivité. Ils ont donc constitué une provision pour dépréciation du fonds de commerce par référence au prix de cession très faible des parts sociales de certains associés au cours de la période récente, sur des bases nettement inférieures à la valeur comptable nette du fonds de commerce.

L’administration a considéré que cette valeur vénale était inférieure à la valeur d’usage, elle-même supérieure à la valeur nette comptable, en l’absence de modification à la baisse des perspectives économiques de la société.

La CAA de Bordeaux a jugé que les provisions étaient justifiées et qu’il convenait de constituer et déduire fiscalement les provisions contestées pour tenir compte de la dépréciation correspondant à la différence entre la valeur comptable du fonds et sa « valeur probable de réalisation ».

Selon une jurisprudence constante du Conseil d'État, la déductibilité fiscale d'une provision est subordonnée à ce que cette provision ait été constatée dans les écritures de l'exercice conformément, en principe, aux prescriptions comptables.

Dans cette nouvelle décision, le Conseil d’État fait une application stricte des règles comptables pour la dépréciation d’un actif (PCG, art. 322-1 et repris à l’article 214-6). En effet, il considère que la dépréciation d’une immobilisation ne peut être constatée que si sa valeur nette comptable est significativement inférieure à sa valeur actuelle, la valeur actuelle étant définie comme la valeur la plus élevée entre la valeur vénale et la valeur d’usage.

Par suite, la seule circonstance que la valeur vénale d'un élément d'actif soit devenue inférieure à sa valeur nette comptable ne saurait, en principe, justifier la déductibilité fiscale d'une provision s'il apparaît que la valeur d'usage reste supérieure à cette valeur nette comptable, faisant ainsi obstacle à la comptabilisation d'une dépréciation.

Il annule donc l’arrêt de la CAA de Bordeaux qui a commis une erreur de droit en concluant à la déductibilité des provisions en cause, sur la seule valeur vénale des parts sociales de la société sans avoir examiner si, à la clôture de l’exercice, des éléments justifiaient bien la diminution de la valeur d’usage de ce fonds de commerce.

Désormais, il reviendra à la Cour d’Appel de se prononcer sur la valeur d’usage.

Brève | Climat : Accord sur une “taxe carbone” aux frontières de l’Union européenne

Par Laura Fernandez Y Calahorra, Fiscaliste| Mazars Société d’Avocats

Les députés européens et les Etats membres sont arrivés à un accord, mardi 13 décembre 2022, sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières de l'Union Européenne (UE) qui est l’un des outils phares de la lutte de l’UE contre le réchauffement climatique.

Déjà présenté par la Commission européenne en juillet 2021, ce dispositif a pour objectif de faire payer aux importateurs européens les émissions de carbone des entreprises situées dans les pays en dehors de l’UE.

Grâce à cette mesure, il sera possible de taxer les importations de marchandises depuis les pays hors-UE qui ont des normes moins strictes en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre. Elle prévoit le paiement de la différence entre le coût du carbone dans le pays de production (souvent moins élevé dans des pays comme la Chine, et même nul dans d’autres Etats) et celui que l’entreprise aurait payé si la marchandise avait été produite dans l’Union Européenne.

Le dispositif permettra donc d'appliquer aux importations de produits polluants de certains secteurs (fer et acier, ciment, engrais, aluminium, électricité et hydrogène) les règles du marché européen du carbone et donc inciter les sociétés étrangères moins régulées, lorsqu’elles exportent vers l’UE, à réduire leurs émissions carbone.

L’application de ce nouveau mécanisme d’ajustement carbone aux frontières est prévue à partir d’octobre 2023, avec une période de transition jusqu’en 2026 durant laquelle les importateurs seront seulement soumis à la déclaration des émissions de carbone des produits importés avant une mise en œuvre effective du paiement en application du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières de l'Union Européenne.

Néanmoins, cet accord pourrait évoluer dans la mesure où la négociation de nombreux autres textes du paquet climat “Fit for 55” n’a pas encore eu lieu et pourrait entrainer des évolutions dans le cadre de l’adoption d’autres textes.

Brève | Les billets d’accès aux attractions touristiques sont assimilés à des bons à usage multiple au sens de la directive TVA 

Par Pauline Girard, Avocate | Mazars Société d’Avocats

Après les dernières précisions apportées par le législateur français sur la base d’imposition TVA des bons à usage multiple à l’occasion de la loi de finances 20221, la cour de justice de l’Union Européenne est à son tour venue clarifier dans un arrêt du 28 avril 20222 les contours de cette notion parfois considérée comme obscure par les assujettis à la TVA.

Au cas particulier, des « city cards » étaient vendues à des touristes en Suède afin de leur conférer un accès, pendant une période limitée et jusqu’à concurrence d’un certain montant, à une soixantaine d’attractions, telles que des divertissements ou des musées. Suivant l’approche proposée par son avocate générale, la Cour invalide l’approche de l’administration et retient que les billets litigieux entraient dans les critères fixés pour les assimiler à des bons à usage multiple au sens de la Directive TVA, peu important qu’un consommateur moyen ne puisse pas bénéficier de l’intégralité des services proposés en raison de leur durée de validité limitée. 

Bien que limpide dans son approche, cet arrêt est susceptible d’ouvrir la voie à une requalification de certains instruments juridiques hybrides tels qu’existants dans le paysage des sociétés commerciales.

1 article 30, I-7° et III-A de la loi de finances 2022 modifiant l’article 266, 1-a bis du CGI à compter du 1er juillet 2022

2 CJUE, 28 avril 2022, DSAB Destination Stockholm AB (aff. C-637/20)

Brève | Cumul des sanctions pénales et administratives relatives à la TVA : à propos de l’arrêt du 5 mai 2022, BV, de la CJUE

Par Pauline Girard, Avocate | Mazars Société d’Avocats

Dans une affaire C-570/20, la CJUE avait été saisie par la Cour de cassation française d'une question découlant du cumul des sanctions pénales et fiscales infligées à une même personne et pour les mêmes faits afin de réprimer simultanément ou successivement des infractions fiscales relatives à la TVA.

Selon la CJUE, le principe non bis in idem ne s'oppose pas au cumul dans les cas les plus graves, à condition qu'il soit raisonnablement prévisible, au moment où l'infraction est commise, que celle-ci puisse donner lieu à un cumul.

Cependant, le principe non bis in idem s'oppose au cumul s'il n'existe pas de règles claires et précises qui garantissent que l'ensemble des sanctions imposées ne dépasse pas la gravité de l'infraction pénale constatée.

Brève | Le régime TVA français des transmissions d’universalité peut-il encore tenir debout ?

Par Pauline Girard, Avocate | Mazars Société d’Avocats

La transposition hasardeuse par la France de l’article 19 de la directive TVA au sein de l’article 257 bis du CGI a récemment donné beaucoup de fil à retordre aux praticiens. Tour à tour, ministres et juges se sont essayés à des exercices d’équilibristes pour tenter de pallier aux effets néfastes de la différence de vocable qu’il existe entre le texte français et la version de la directive qu’il est sensé reprendre.

Dernière décision en date, SA Anciens établissements Georges Schiever et fils1 dans laquelle le Conseil d’Etat est venu faire une application littérale du dispositif français en refusant le régime de faveur à une opération de vente d’immeuble ancien exonérée de TVA, alors même que la doctrine fiscale2 le permet.

Pour mettre fin à ces tergiversations incessantes, une modification du texte est attendue dans le cadre de la loi de finances pour 20233, ce qui devrait permettre de mettre un terme à l’insécurité juridique à laquelle font face aussi bien les acheteurs que les vendeurs dans le cadre de leurs opérations immobilières.    

 

1 Conseil d’Etat, 31 mai 2022, n° 451379

2 BOI-TVA-DED-60-20-10 § 285 et RES N° 2006/58 (TCA) du 26 décembre 2006 

3 Amendement n°I-3483 déposé par le groupe Modem et indépendants le 7 octobre 2022

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