Newsletter Legal & Tax Alert #5

Newsletter Legal & Tax Alert #5 | Novembre 2022
Ce mois-ci, retrouvez deux articles : l'un sur l'état des lieux du contrôle fiscal international et un second à propos de la délégation dite "d’exécution matérielle". Plusieurs brèves décryptent également l'actualité fiscale ce mois-ci.

Brève | Crédit d’impôt jeu vidéo - Un dispositif plus adapté

Par Anne-Sophie Palacin, Avocate | Mazars Société d’Avocats

La réforme tant attendue vient d’être publiée par décret en date du 19 octobre 2022. Publié le 1er novembre, cette réforme fait parler d’elle par son annonce à la vieille de l’ouverture de la Paris Game Week.

Comme espéré par le secteur, le dispositif est prolongé jusqu’au 31 décembre 2028 et le barème a été modernisé afin de mieux répondre aux productions actuelles intégrant notamment les jeux mobiles et comportant un objectif culturel plus étayé. Des points peuvent être attribués aux projets qui justifient la création d’un nouvel univers ou concept, la création originale peut être visuelle, narrative et/ou musicale. L’innovation technologique est également prise en compte incluant ainsi les projets de réalité virtuelle ou augmentée. Enfin, le critère patrimonial est maintenu ainsi que les critères relatifs au caractère européen du jeu vidéo.

Ce nouveau barème modernisé a une visée incitative forte et s’imbrique dans une gamme de dispositifs fiscaux incitatifs nombreux pour l’innovation : CIR, JEI, financements French Tech et Bpifrance.

Source : Décret n°2022-1392 du 19 octobre 2022 – JORF n°°254 du 1 novembre 2022

Brève | Mécénat d’entreprise – Mise à jour du BOFIP

Par Anne-Sophie Palacin, Avocate | Mazars Société d’Avocats

La loi confortant le respect des principes de la République (loi 2021-1109 du 24 août 2021) a instauré une nouvelle obligation déclarative à la charge des organismes bénéficiaires de dons. Cette nouvelle obligation est prévue à l’article 222 bis du CGI.

Également, la loi précitée est venue modifier l’article 238 bis du CGI en conditionnant le bénéfice de la réduction d’impôt à la production de pièces justificatives attestant la réalité des versements à compter du 1er janvier 2022.

Dans une mise à jour du 8 juin 2022, l’administration fiscale apporte des précisions sur les versements que les entreprises peuvent effectuer, sur les sanctions applicables aux organismes qui ne respecteraient pas leurs obligations et enfin sur les obligations déclaratives des entreprises versantes.

Ainsi, la réduction d’impôt mécénat est conditionnée à la présentation d’un reçu fiscal. Pour les dons en nature, la valorisation relève de la responsabilité propre de celui qui effectue le don et communiquera à l’organisme bénéficiaire le montant de la valorisation. Le reçu fiscal devra en outre présenter de façon exhaustive (nature et quantité) les biens et services reçus ainsi que le détail des salariés mis à disposition. L’administration communique à ce titre un modèle de reçu fiscal, le formulaire n° 2041-MEC-SD (CERFA n° 16216).

Enfin les obligations déclaratives des organismes sont précisées – ces éléments doivent être repris dans les formulaires 2065 ou 2070 pour les seuls dons ayant fait l’objet d’un reçu fiscal.

Ces nouvelles obligations applicables aux dons des entreprises effectués à compter du 1er janvier 2022 devront faire l’objet d’un suivi particulier dans un contexte où les reçus fiscaux n’étaient pas obligatoires par le passé.

Sources : BOI-BIC-RICI-20-30-10-10 ; BOI-BIC-RICI-20-30-10-20 ; BOI-BIC-RICI-20-30-10-30 ; BOI-BIC-RICI-20-30-40

Brève | Prix de transfert : Le Conseil d’Etat valide le recours à la méthode d’actualisation des flux futurs pour valoriser un actif incorporel mais casse l’arrêt d’appel pour erreur d’application.*

Par Frédéric Lubczinski, Avocat Associé | Mazars Société d’Avocats

La société Sacla, qui exerce une activité de négoce de vêtements et de chaussures de protection, a cédé en 2008 un ensemble de marques à une société luxembourgeoise soumise à un régime fiscal privilégié pour un montant de 90 000 euros.

Après une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2007 à 2009, l’administration a considéré que la société avait cédé les marques à un prix minoré, et a rectifié son résultat sur le fondement de l’article 57 du Code général des impôts (transfert indirect de bénéfices à l'étranger). La société a porté l’affaire devant le juge de l’impôt.

La Cour administrative d’appel de Lyon avait ordonné une expertise par une décision avant dire droit[1] du 13 février 2020 (n°17LY04170). S’appuyant sur le rapport d’expertise, elle a ensuite jugé[2] que la méthode la plus appropriée afin de valoriser les marques cédées par la société Sacla était la méthode d’actualisation des flux futurs (« Discounted Cash Flows method » ou « DCF »).

Dans sa décision, le Conseil d’Etat valide le recours à cette méthode. Toutefois celle-ci s’avère défavorable en l’espèce, avec une valorisation huit fois supérieure à celle issue de la méthode des coûts historiques.

Par ailleurs, le Conseil d’Etat rejette le calcul opéré par la Cour. En effet, la Cour se fondait sur le rapport d’expertise pour appliquer une décote de 37% de la valeur des actifs incorporels cédés, pour tenir compte de l’absence de versement de redevances par la société Sacla au cessionnaire pendant cinq ans. Or, la Cour aurait dû appliquer la décote de 37% non pas sur la valeur estimée par l’expert (de 6.500.000 euros) mais sur la valeur qu’elle a retenue (8.733.348 euros). Le Conseil d’Etat a ainsi annulé partiellement l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon sur l’application de cette décote.

En conclusion, cette décision est intéressante car la Haute Assemblée a validé le recours à la seule méthode d’actualisation des flux futurs pour valoriser un actif incorporel alors que cette méthode n’était pas privilégiée par la doctrine administrative. Il conviendra de surveiller les prochaines décisions dans ce domaine et leur caractère favorable ou non au contribuable.

*CE, 27 octobre 2022 n° 457695

[1] CAA Lyon, 13 février 2020 n°17LY04170

[2] CAA Lyon, 19 août 2021 n°17LY04170

Brève | Fiscalité européenne :  La Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) juge que les obligations documentaires allemandes en matière de prix de transfert et les sanctions qui y sont attachées ne s’opposent pas à la liberté d’établissement.

Par Frédéric Lubczinski, Avocat Associé | Mazars Société d’Avocats

Dans cette affaire, la société X, allemande, bénéficiait de prestations de service de la part de la société Y, située aux Pays-Bas, la détenant par l’intermédiaire d’une société néerlandaise.

Dans le cadre d’un contrôle fiscal de la société X, l’administration fiscale allemande a considéré que la documentation mise à sa disposition afin de justifier de la rémunération des prestations fournies par Y n’était pas suffisante. Conformément à la législation allemande, l’administration a alors infligé à la société X une majoration fiscale d’un montant égal à 5% des revenus complémentaires de la société, c’est-à-dire les montants injustement facturés à la société Y.

Saisie d’une question préjudicielle par le Tribunal des finances de Brême, la Cour se prononce en quatre temps pour apprécier la conformité de cette législation nationale à la liberté d’établissement[1] :

- Tout d’abord, elle affirme que les obligations documentaires prévues pour les sociétés implantées en Allemagne réalisant des transactions avec des sociétés liées implantées à l’étranger constituent bien une restriction à la liberté d’établissement en ce qu’elles ne sont pas imposées aux sociétés réalisant ces mêmes transactions avec des sociétés liées implantées en Allemagne ;

-Dans un second temps, elle affirme que les obligations documentaires en matière de prix de transfert et les sanctions qui y sont attachées répondent à un objectif impérieux d’intérêt général : garantir une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les Etats membres ;

- Puis, elle juge que les obligations documentaires sont propres à garantir la réalisation de l’objectif de répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les Etats membres ;

-Enfin, la Cour estime que les obligations documentaires mises en place et les sanctions qui y sont attachées sont proportionnées à l’objectif poursuivi et ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

Cette décision est conforme à la jurisprudence de la CJUE. Elle réaffirme ainsi la nécessité des obligations relatives au prix de transfert et l’application de sanctions. Cette solution est tout à fait transposable à l’obligation documentaire française en la matière, très similaire.

Source : CJUE, 13 octobre 2022, C-431/21, X GmbH & Co. KG

[1] Article 49 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

Brève | Les dispositions régissant les clauses d’exclusion de SAS soumises au contrôle du Conseil Constitutionnel (Cass. com. 12-10-2022 n° 22-40.013 FS-B)

Par Nicolas Barthoulot, Avocat | Mazars Société d’Avocats

Conformément aux dispositions de l’article L. 227-19 du Code de commerce, modifié par la loi 2019-744 du 19 juillet 2019 (dite loi SOIHILI), la clause relative à l’exclusion d’un associé de SAS ne peut être adoptée ou modifiée que par décision collective des associés, dans les conditions et formes prévues par les statuts.

A l’occasion de son exclusion, l’associé d’une SAS a soulevé plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) portant sur la conformité des articles L 227-16 et L 227-19 du Code de commerce aux articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, garantissant le droit de propriété.

La Cour de cassation a jugé ces questions sérieuses et accepté de les renvoyer au Conseil constitutionnel.

Pour rappel, avant d’être modifié par la loi SOIHILI, l’article L 227-19 du Code de commerce prévoyait qu’une clause statutaire d’exclusion ne pouvait être introduite dans les statuts d’une SAS, ou modifiée, qu’avec l’accord unanime des associés. La suppression de cette exigence de l’unanimité avait été à l’origine d’importants débats doctrinaux.

La réponse du Conseil Constitutionnel, qui dispose de trois mois pour se prononcer, devrait permettre de clore ces débats.

Par ailleurs, la Cour de cassation a jugé que l’article L 227-19 du Code de commerce tel que modifié par la loi SOIHILI s’applique aux SAS créées avant son entrée en vigueur.

Brève | Un acte extrastatutaire ne peut pas déroger aux statuts s’agissant de la révocation d’un dirigeant de SAS (Cass. com. 12-10-2022 n° 21-15.382 F-B)

Par Nicolas Barthoulot, Avocat | Mazars Société d’Avocats

En l’espèce, la décision de nomination d’un directeur général d’une SAS, prise par l’associé unique, renvoyait à une lettre datée du même jour, s’agissant des modalités de l’exercice des fonctions dudit directeur général. La lettre prévoyait notamment que le directeur général bénéficierait d’une indemnité forfaitaire égale à six mois de rémunération brute fixe, en cas de révocation sans juste motif.

A l’inverse, les statuts de la société prévoyaient que le directeur général pouvait être révoqué à tout moment et sans qu’aucun motif soit nécessaire par décision de l’associé unique et que la cessation de ses fonctions, pour quelque cause que ce soit et quelle qu’en soit la forme, ne lui donnerait droit à aucune indemnité.

Par suite de sa révocation et considérant que cette révocation est intervenue sans juste motif, le directeur général agit contre la société afin d’obtenir le paiement de l’indemnité prévue par la lettre.

La Cour de cassation rejette sa demande et rappelle que ce sont les statuts de la SAS qui fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée et notamment les modalités de révocation de son directeur général.

Ainsi, un acte extrastatutaire, quelle que soit sa forme (pacte d’associé notamment), ne peut que compléter les stipulations des statuts de la SAS mais ne peut pas contenir de mentions contraires.

Dès lors, il conviendra de rester particulièrement vigilant quant à la compatibilité des stipulations d’un pacte d’associé et des statuts de la SAS, afin d’éviter toute situation désagréable.

Brève | Taxe sur les salaires – Détermination du rapport d’assujettissement CE 9ème chambre, 21 septembre 2021, n°447998, Sté Promogim Groupe

Par Elise Pottier, Avocat | Mazars Société d’Avocats

Le Conseil d’Etat a refusé d’admettre un pourvoi contre l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Versailles ayant jugé que la quote-part des bénéfices des sociétés de personnes soumises à l’impôt sur le revenu devait être considéré comme du chiffre d’affaires n’ouvrant pas droit à déduction de la TVA et à ce titre, être inclus dans le calcul du coefficient d’assujettissement à la taxe sur les salaires.

En effet, de tels bénéfices doivent être reportés en tant que produits financiers de participations et être ainsi assimilés à des dividendes. La perception de ce revenu est susceptible de générer la taxation de la société bénéficiaire à la taxe sur les salaires dans la mesure où le chiffre d’affaires soumis à TVA de cette dernière devient inférieur à 90%.

Les sociétés concernées par cette problématique de taxe sur les salaires peuvent néanmoins recourir à la sectorisation de leur activité, ce qui pourrait leur permettre d’exclure de la base d’imposition à la taxe sur les salaires les rémunérations des salariés exclusivement affectés à l’activité taxable de la société.

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