Flash BankNews n°75 | Sanctions russes : quels impacts pour les établissements financiers ?

Suite à l’annexion de la Crimée par la Russie, en mars 2014, les Etats-Unis et l’Union européenne, conjointement avec d'autres pays, ont pris des sanctions à l'encontre de la Russie (principalement d'ordre économique). Depuis la reconnaissance par la Russie des républiques autonomes autoproclamées de Donetsk et de Lougansk suivie par l’attaque russe de l'Ukraine le 24 février 2022, ces sanctions ont pris une nouvelle ampleur.

Ce Flash BankNews reprend l’ensemble des sanctions prises par les Etats-Unis et l’Union européenne entre le 24 février et le 21 mars 2022 à l’encontre de la Russie. Ainsi, les mesures prises par d’autres pays ou à l’encontre de la Biélorussie ne seront pas présentées (e.g. UK, Japon, Australie, etc.).

Dates clés des sanctions à l’encontre de la Russie

Le schéma ci-dessous présente les dates clés des sanctions prises par les Etats-Unis et l’Union européenne entre le 24 février et le 21 mars 2022 :

 

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10 thèmes clés des sanctions prises

Les sanctions prises par les Etats-Unis et l'Union européenne à l’encontre de la Russie peuvent se synthétiser selon les 10 thèmes suivants :

  1. Sanctions économiques globales sur des territoires
  2. Sanctions contre individus, officiels et entités
  3. Sanctions à l'encontre d’institutions financières russes
  4. Sanctions visant des services spécialisés de messages de paiement (SWIFT)
  5. Sanctions sur les marchés de capitaux et les services de notation de crédit
  6. Sanctions sur la dette souveraine
  7. Sanctions relatives aux opérations en devises
  8. Sanctions relatives aux dépôts d’espèces
  9. Sanctions contre certains secteurs de l’économie 
  10. Autres mesures prises 

Découvrez le détail des sanctions en annexes 

Impacts pour les établissements financiers

Face à ce contexte réglementaire mouvant, les impacts opérationnels sont nombreux pour les institutions financières qui doivent faire face à différents enjeux :

  • Humain : en assurant la gestion et la sécurité des équipes et collaborateurs directement ou indirectement concernés dans leurs filiales en Ukraine, en Russie ou dans les pays frontaliers. 
  • Réglementaire : l’évolution quotidienne des sanctions à l’encontre de la Russie et la Biélorussie créée un enjeu de décryptage et d’interprétation des décisions. Ainsi, les banques sont contraintes de se faire accompagner par des experts réglementaires (e.g. des juristes et avocats) pour s’assurer sans délai de la bonne prise en compte des sanctions. 
  • Risque cyber : ce contexte, comme tout contexte de crise, expose à un risque accru de cyber attaque en particulier pour les institutions financières. Une vigilance renforcée est donc fortement conseillée, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) préconise à ce titre la mise en œuvre de mesures préventives prioritaires pour les entreprises françaises.
  • Communicationnel : comme dans toute crise qu’elle soit sanitaire, économique, humanitaire, la communication est un enjeu clé, en particulier dans un contexte où certaines filiales peuvent être situées dans les territoires concernés. Les entreprises doivent être transparentes aussi bien envers leurs collaborateurs que leurs clients. Dans un contexte évolutif, il est indispensable pour nos clients d’adopter une stratégie de communication de crise adaptée.
  • Réputationnel : en raison de la surmédiatisation du conflit, les institutions financières doivent se poser la question stratégique de leur présence directe ou indirecte dans les zones de conflit. 
  • Financier : les impacts sur les activités et les conséquences commerciales associées peuvent être majeurs. En effet assurer la continuité des activités sur des territoires en conflit tels que la Russie ou l’Ukraine peut s’avérer être un véritable défi. Dans un contexte d’incertitudes comme celui-ci, il s’agit également pour nos clients d’évaluer les différents impacts en capital d’un scénario critique qui affecterait par exemple les droits de propriété d’actifs détenus en Russie.
  • Organisationnel : pour les institutions financières françaises, on constate un volume d’alertes liées aux sanctions en nette augmentation (notamment à cause des nombreuses homonymies liées) ce qui a un impact business important compte tenu du nombre important de transactions bloquées en attente d’analyse. Par conséquent, les institutions financières sont dans la nécessité de renforcer leur équipe pour absorber cette charge complémentaire dans les meilleurs délais pour limiter l’accumulation des alertes non traitées et augmenter leur délai de traitement.

 

Annexes

1. Sanctions économiques globales sur des territoires

1

Etats-Unis :

Le président des Etats-Unis a promulgué des sanctions étendues à l’encontre des Républiques Populaires de Lougansk et de Donestk via l’Executive Order on “Blocking Property of Certain Transactions Withe Respect to Continued Russian Effort to Undermine the Sovereignty and Territorial Integrity of Ukraine”.

Par conséquent, et en l’absence d’une licence de l’OFAC, les éléments suivants sont interdits :

tout nouvel investissement par une U.S. person, où qu'elle se trouve ;

  • l'importation aux Etats-Unis, directement ou indirectement, de tout bien, service, ou de technologie provenant des régions ciblées ;
  • l'exportation, la réexportation, la vente ou la fourniture, directement ou indirectement, à partir des Etats-Unis, ou par une U.S. person, où qu'elle se trouve, de tout bien, service ou technologie à destination des régions ciblées ; et
  • toute approbation, financement, facilitation ou garantie par une U.S. person où qu'elle se trouve, d'une transaction effectuée par une non-U.S. person.
2

Union européenne :

 

Le Conseil de l’Union européenne a publié le Règlement 2022/263 qui prévoit des mesures restrictives à l’encontre des zones des oblasts de Donetsk et de Lougansk non contrôlées par le gouvernement ukrainien, telles que :

  • l'interdiction d'importer dans l’Union européenne des marchandises originaires des territoires désignés,
  • des restrictions sur le commerce et les investissements dans certains secteurs de l’économie,
  • l'interdiction de fournir des services d’activités touristiques,
  • l'interdiction d’exporter certaines marchandises et technologies.

 

2. Sanctions contre individus, officiels et entités

1

Etats-Unis :

Désignation en tant que SDN de :

  • 4 membres du Gouvernement de la Fédération de Russie (e.g. Vladimir Poutine, Sergueï Lavrov) ;
  • plusieurs personnalités influentes russes proches du Président Poutine, et de personnes occupant des positions de pouvoir au sein de l’Etat Russe ;
  • plusieurs entités ;
  • plusieurs navires ;
  • plusieurs aéronefs.
2

Union européenne :

Désignations en tant que personnes listées de :

  • 99 individus y compris des membres du Conseil de Sécurité nationale russe accusés d’avoir soutenu la reconnaissance par la Russie des régions du Donetsk et de Lougansk (e.g. Vladimir Poutine et Sergueï Lavrov) ;
  • plusieurs personnalités russes de premier plan ;
  • plusieurs entités (e.g. Internet Research Agency et SOGAZ) ;
  • 336 membres de la Douma qui ont votés en faveur de la reconnaissance de l’indépendance des républiques de Donetsk et Lougansk ;
  • 146 membres du Conseil de la Fédération de Russie.

De plus, l'Union européenne a interdit dans le cadre du Règlement 2022/428 toutes transactions avec 12 entreprises publiques russes déjà soumises à des restrictions de refinancement et leurs filiales.

3. Sanctions à l'encontre d’institutions financières russes

1

Etats-Unis :

Désignation en tant que SDN des 6 institutions financières suivantes et de leurs filiales (la règle des 50% de détention directe ou indirecte s’applique) :

  • Promsvyazbank (PSB)
  • Banque de développement de la fédération de Russie Vnesheconombank (VEB)
  • Vnechtorgbank (VTB)
  • PJSC Otkritie
  • Novikombank
  • Sovcombank

L’OFAC a mis à jour des FAQ et publié de nouvelles licences générales pour apporter des clarifications et des explications concernant les mesures prises et autoriser sous certaines conditions des transactions avec les institutions désignées. 

Par ailleurs, les Etats-Unis ont imposé les sanctions de la liste CAPTA (sanctions relatives aux comptes de correspondance et aux comptes de passage) à Sberbank (plus grande banque de Russie) et à ses filiales. Cette mesure a été prise en vertu de la Directive 2 de l’OFAC conformément à l’Executive Order 14024. Ainsi, il est interdit aux institutions financières américaines (à compter du 26 mars 2022) de s’engager dans les activités suivantes :

  • l’ouverture ou le maintien de comptes de correspondance ou de comptes de passage pour, ou au nom de, Sberbank et de ses actifs ou intérêts connexes. 
  • le traitement des transactions de Sberbank et de ses actifs ou intérêts connexes.
2

Union européenne :

L’ Union européenne a imposé des mesures de gel des avoirs à l’encontre des 3 institutions financières russes suivantes :

  • Promsvyazbank (PSB)
  • Banque de développement de la fédération de Russie Vnesheconombank (VEB)
  • Rossiya Bank

Cependant, le règlement prévoit une dérogation permettant d’autoriser sous certaines conditions (définies par les autorités compétentes des états membres), le déblocage des fonds des institutions financières désignées.

 

4. Sanctions visant des services spécialisés de messages de paiement (SWIFT)

2

Union européenne :

Le 2 mars 2022, le Conseil de l’Union européenne a instauré de nouvelles mesures restrictives via deux nouveaux règlements : 2022/345 et 2022/350.

Par ces règlements l’Union européenne prononce l’exclusion de certaines banques russes du système SWIFT, ce qui empêche ces banques de procéder à des transactions à l’échelle mondiale. Les échanges de données financières via SWIFT sont donc interdits depuis le 12 mars 2022 pour les sept banques suivantes :

  • Promsvyazbank (PSB)
  • Banque de développement de la fédération de Russie Vnesheconombank (VEB)
  • Vnechtorgbank (VTB)
  • PJSC Otkritie
  • Novikombank
  • Sovcombank
  • Rossiya Bank

 

5. Sanctions sur les marchés de capitaux et les services de notation de crédit

1

Etats-Unis :

L’OFAC a publié la Directive 3 en vertu de l’Executive Order 14024 qui interdit toutes opérations par des U.S. persons ou sur le territoire américain portant sur de nouvelles dettes d’une échéance supérieure à 14 jours ou sur de nouvelles créances au profit de 13 entités listées dans l’annexe 1 de la présente Directive et de leurs filiales.

A noter que ces interdictions s’appliquent à toute nouvelles dettes ou créances émises à partir du 26 mars 2022 (0h01 Eastern time) quel que soit la devise.

2

Union européenne :

En complément des mesures prises en 2014 à l’encontre de 24 institutions financières, sont interdites les opérations, directes ou indirectes, d’achat, de vente, de prestation de services d’investissement ou d’aide à l’émission de valeurs mobilières et d’instruments du marché monétaire dont l’échéance est supérieure à 30 jours, émis après le 12 avril 2022.

De plus, il est interdit de conclure un accord afin d’octroyer de nouveaux prêts ou crédits à ces entités.

Il est interdit aux dépositaires centraux de titres de l’Union européenne de fournir des services pour des valeurs mobilières émises après le 12 avril 2022 à des ressortissants russes ou de personnes physiques résidant en Russie, ou de personnes morales, entités ou organismes établis en Russie.

Il est interdit de vendre des valeurs mobilières libellées en euros émises après le 12 avril 2022 ou des parts d’organisme de placement collectif offrant une exposition à ces valeurs à des ressortissants russes ou de personnes physiques résidant en Russie, ou de personnes morales, entités ou organismes établis en Russie.

A noter que la définition de valeurs mobilières a été revue pour inclure les valeurs mobilières sous la forme de crypto-actifs.

Par ailleurs, l’Union européenne interdit, à partir du 15 avril 2022, la fourniture de services de notation de crédit, ainsi que l’accès à des services d’abonnement liés à des activités de notation de crédit à tout ressortissant russe, individu résidant en Russie ou à toute personne morale, entité ou organisme établi en Russie.

6. Sanctions sur la dette souveraine

1

Etats-Unis :

L’OFAC a publié dans un premier temps la Directive 1A en vertu de l’Executive Order 14024 qui précise la Directive 1 de l’Executive Order 14021. La Directive 1A étend au marché secondaire l’interdiction pour les institutions financières américaines de participer à des opérations impliquant des obligations libellées en rouble ou toute autre devise émises après le 1er mars 2022 par la Banque Centrale de la Russie, le fonds souverain d’investissement ou le Ministère des Finances de Russie.

C’est ensuite la Directive 4 émise par l’OFAC qui précise l’interdiction pour les US Person d’effectuer toute transaction qui impliquerait ces entités.

 

2

Union européenne :

L’Union européenne, a approuvé les mesures suivantes à l’encontre de la Russie concernant la dette souveraine à savoir :

  • tout financement tel qu’un crédit ou un prêt à compter du 23 février 2022 est interdit.
  • restrictions additionnelles visant la Banque Centrale de Russie : les transactions liées à la gestion des réserves et des avoirs de la Banque centrale de Russie y compris les transactions avec toute personne morale toute entité ou tout organisme agissant pour le compte ou sur les instructions de la Banque Centrale de Russie sont interdites.
  • restrictions visant le RDIF : il est interdit d’investir dans des projets cofinancés par le RDIF, d’y participer ou d’y contribuer d’une toute autre manière.

 

7. Sanctions relatives aux opérations en devises

2

Union européenne :

L’Union européenne a adopté une mesure d’interdiction de vente, de fourniture, de transfert ou d’export de billets de banque libellés en euros à la Russie ou aux fins d’utilisation en Russie.

Cette mesure ne s’applique pas à l’usage personnel de personnes physiques se rendant en Russie ou de leurs parents proches voyageant avec elles ou à des fins officielles de missions diplomatiques ou consulaires ou d’organisation internationales en Russie disposant d’immunités conformément au droit international.

 

8. Sanctions relatives aux dépôts d’espèces

2

Union européenne :

Il est interdit aux établissements de crédit d’accepter des dépôts si la valeur totale des dépôts dépasse 100 000 euros de :

  • ressortissants russes ;
  • personnes physiques résidant en Russie ;
  • personnes morales ;
  • entités ou organismes établis en Russie.

A noter que cette interdiction ne s’applique pas aux :

  • ressortissants ou aux personnes physiques titulaires d’un titre de séjour temporaire ou permanent d’un Etat membre, d’un pays membre de l’Espace économique européen ou de Suisse
  • dépôts nécessaires aux échanges transfrontaliers non soumis à l’interdiction de biens et de services entre l’Union européenne et la Russie.

 

9. Sanctions contre certains secteurs de l’économie

1

Etats-Unis :

Restrictions visant le secteur de l’énergie : interdiction d’importations aux Etats-Unis de pétrole, de gaz et d’énergies russes. Par ailleurs, sont prohibés tous nouveaux investissements dans le secteur de l’énergie russe par une U.S. Person où qu’elle se situe.

Restrictions visant des secteurs sensibles (défense, aérospatiale et maritime) : une Finale Rule a été publiée par le Bureau of Industry and Security du département de commerce américain avec pour objectif le durcissement des contrôles sur les exportations vers la Russie dans les secteurs de la défense, de l’aérospatiale et du maritime.

Restrictions visant d’autres secteurs clés de l’économie : interdiction d’importation aux Etats-Unis de fruits de mer, de boissons alcoolisées et de diamants non-industriels. Par ailleurs, sont prohibés les exportations, la vente et la fourniture de produits de luxe russes depuis les États-Unis ou par une U.S. Person où qu’elle se situe.

2

Union européenne :

Restrictions visant le secteur de l’énergie : interdiction de vendre, fournir ou exporter des biens et technologies pouvant être utilisées pour le raffinage de pétrole.

Restrictions visant le secteur de la défense : interdiction de vendre, fournir ou exporter vers la Russie des biens et technologies relatifs au secteur de la défense.

Restrictions visant le secteur maritime : interdiction de vendre, fournir ou exporter vers la Russie des biens et technologies relatifs à la navigation maritime et les technologies de radiocommunication.

Restrictions visant le secteur de l’aéronautique : interdiction de vendre, fournir ou exporter vers la Russie des aéronefs, des pièces et équipements d’aéronefs et des services financiers associés aux aéronefs. Par ailleurs, des restrictions ont été prises pour empêcher les compagnies aériennes russes et les aéronefs immatriculés en Russie d’atterrir, de décoller ou de survoler le territoire de l’Union européenne.

Restrictions visant le secteur de la sidérurgie : interdiction d’acheter ou importer du fer et de l’acier originaire de Russie ou en provenance de Russie.

Restrictions visant le secteur du luxe : interdiction de vendre, fournir ou exporter vers la Russie ou à destination de la Russie des biens et produits de luxe comme précisé dans l’annexe VIII du Règlement 2022/428 si leur valeur dépasse 300 € par article, sauf indication contraire dans l’annexe.

10. Autres mesures prises :

2

Union européenne :

Des mesures complémentaires de restrictions ont été prises par l’Union européenne depuis le début du conflit. C’est le cas notamment de mesures diplomatiques (e.g. suspension des sommets entre l’Union européenne et la Russie) et de restrictions à l’encontre de médias publics russes (suspension des activités de radiodiffusion dans l’Union de Sputnik et Russia Today).