Flash BankNews n°82 | Mise à jour de l’évaluation des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme

Suivant les recommandations du GAFI (Groupe d’action financière), la directive (UE) 2018/843 (la cinquième directive anti-blanchiment, référée ci-après comme la « directive anti-blanchiment ») a modifié la directive (UE) 2015/849 (quatrième directive anti-blanchiment) afin de charger la Commission de l’Union européenne (UE) de réaliser une évaluation des risques de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme pesant sur le marché intérieur et liés aux activités transfrontières.

La Commission doit renouveler son évaluation tous les deux ans en application de l’article 6 paragraphe 1 de la directive anti-blanchiment.

Cette nouvelle évaluation (précédente en 2017 et 2019), publiée le 27 octobre 2022, fait l’état de la manière dont ont réagi les Etats membres face aux nouvelles menaces pesant sur le système financier de l’UE. Le rapport fait notamment référence à deux évènements récents impactant les pratiques des Etats :

  • Le contexte de la pandémie de Covid-19 : les nouvelles circonstances ont accru les risques de blanchiment dont notamment le détournement et la fraude aux fonds d’aide octroyés par les gouvernements, les rachats d’entreprises en difficulté financières par des acteurs mal intentionnés, les cybercrimes commis en profitant du volume accru de transactions en ligne, la corruption de fonctionnaires lors de l’adoption de mesures urgentes ;
  • La guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine : l’invasion récente de l’Ukraine par la Russie a nécessité une extension considérable des sanctions prises à l’encontre de la Russie (ajout d’un nombre important de personnes et d’entités à la liste des sanctions) et la création d’une task-force « Freeze and Seize » (gel et saisie). Cette task-force a mis en évidence la difficulté à détecter les avoirs contrôlés par des oligarques russes en tant que bénéficiaire effectif du fait de montages juridiques complexes.

Suivi de l'évolution des risques liés au secteur financier

La Commission a analysé 17 produits et secteurs fournissant des services financiers à des professionnels et à des particuliers. Le constat est le même que pour les précédents rapports, trois motifs nuisent à la capacité de l’UE à lutter efficacement contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Tout d’abord, il n’y a pas de règles claires et cohérentes dans cette matière, ensuite, le marché intérieur souffre d’une surveillance inégale du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme, enfin, la Commission déplore un manque de coordination et d’échange d’informations entre les cellules de renseignements financiers (CRF). Le rapport met également en avant une difficulté pour les autorités compétentes dans la détermination d’une approche fondée sur les risques.

Ces faiblesses sont grandement dommageables car l’Autorité bancaire européenne (ABE) notait déjà dans un rapport de 2021 que les établissements de paiement et de crédit, les bureaux de change, les établissements de monnaie électronique et les fournisseurs de crédit autres que ceux susmentionnés étaient les plus vulnérables à de telles déficiences. Le risque pour les fonds d’investissement est encore exacerbé par le volume élevé, la complexité et le caractère transfrontière des opérations.

Enfin, l’évolution du rapport de la criminalité aux cryptos-actifs requiert des Etats un niveau élevé de protection pour les consommateurs, les investisseurs et l’intégrité des marchés, mais aussi de prendre des mesures contre les manipulations de marché. Enfin, les Etats doivent prendre des mesures pour prévenir les risques pour la stabilité financière et la politique monétaire qui pourraient découler d’une utilisation massive de crypto-actifs et des « registres distribués ».

Perspectives législatives d’atténuation

La cinquième directive anti-blanchiment (délai de transposition expiré en janvier 2020) va faire l’objet d’un examen spécifique de la Commission européenne dans chaque Etat pour évaluer la conformité du dispositif aux exigences du texte. Cette analyse est attendue pour la fin de l’exercice 2022. Par ailleurs la Commission a présenté 4 propositions législatives visant à améliorer la robustesse du dispositif LCB/FT européen :

  • un règlement établissant une nouvelle autorité de l’UE pour la LCB/FT ;
  • un règlement sur la LCB/FT visant spécifiquement la vigilance à l’égard de la clientèle et les bénéficiaire effectifs ;
  • une sixième directive anti-blanchiment ;
  • une refonte du règlement de 2015 sur les transferts de fonds afin d’assurer la traçabilité de cryptos-actifs.

Recommandations

L’avis de l’Autorité bancaire européenne 

A la suite de son évaluation, la Commission a émis des recommandations. Ces recommandations doivent tenir compte de quatre critères :

Par ailleurs en mars 2020, les services de la Commission européenne ont demandé des conseils à l’ABE en termes de besoin de renforcement des règles relatives à la LCB/FT. L’ABE a rendu son avis en septembre 2020 et a identifié les principaux points suivants :

  • l'harmonisation du corps de règles relatif aux dispositifs LCB/FT, notamment par l’adoption d’un règlement ;
  • la clarification de la liste des assujettis en ce qui concerne les PSAV, les sociétés d’investissement et les fonds d’investissement ;
  • la clarification des dispositions de la législation sectorielle sur les services financiers dans le but de favoriser leur conformité avec les objectifs prescrits par l’UE en matière de LCB/FT.

Les recommandations liées aux autorités de surveillance des Etats membres 

La Commission émet également des recommandations aux autorités de surveillance des Etats membres :

  • mettre à jour leurs évaluations nationales des risques et à ce que celles-ci, d’une part couvrent les risques associés aux secteurs risqués (comme le secteur financier) et d’autre part à ce qu’elles permettent de mettre en place des mesures d’atténuation appropriées ;
  • tenir un registre à jour de bénéficiaires effectifs (la Commission prépare à cet égard une évaluation des Etats membres qui devrait paraitre fin 2022) ;
  • se conformer à l’article 32 de la directive antiblanchiment imposant aux Etats de doter leurs autorités de surveillance en charge de LCB/FT et leurs CRF de moyens financiers et humains suffisant leur permettant d’enquêter et de s’acquitter pleinement de leurs missions ;
  • maintenir les inspections sur place proportionnées aux risques de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme recensés.

La Commission présentera une nouvelle évaluation supranationale des risques, en théorie, d’ici 2024. Cette nouvelle évaluation intégrera aussi l’impact des mesures législatives d’atténuation initiée.