Flash BankNews n°18 - Nouvelle menace sur les modèles internes : tour d’horizon sur leur devenir en risque de crédit

À l’heure où les régulateurs prônent l’harmonisation, la transparence et la comparabilité des modèles bancaires au niveau européen, le Comité de Bâle a publié le 24 mars une nouvelle consultation qui remet partiellement en cause l’utilisation des modèles internes pour l’évaluation du risque de crédit.

Alors que la consultation du Comité de Bâle sur la révision de l’approche Standard du risque de crédit a pris fin il y a seulement 3 semaines, et que l’incertitude sur le floor en capital demeure, cette nouvelle consultation apporte son nouveau lot de surprises.

Les modèles internes n’ont (presque) plus voix au chapitre

Après l’annonce de la fin du modèle AMA (Approche de Mesure Avancée) du risque opérationnel, voici les principaux changements proposés par le Comité de Bâle sur la revue des modèles internes utilisés dans les calculs de risque de crédit :

L’interdiction d’utiliser les modèles internes pour certaines classes d’actifs

Banques et autres institutions financières, grandes entreprises et actions dont l’estimation des paramètres internes est jugée insuffisante pour évaluer correctement le niveau de capital requis

L’introduction de floors pour certains paramètres tels

  • La Probabilité de Défaut (PD) et la Loss Given Default (LGD) des portefeuilles demeurant en méthodologie IRBA (Internal Rating Based Approach)
  • La PD des portefeuilles demeurant en méthodologie IRBF (Internal Rating Based Foundation)
  • Le Credit Conversion Factor (CCF) pour les engagements hors-bilan

Ces nouveaux floors ne sont pas sans conséquence car ils induisent un montant de RWA (Risk-Weighted Assets) parfois supérieur à celui calculé en méthodologie Standard.

Le retrait de la méthode interne pour le risque CVA (IMA/CVA)

Le modèle avait pourtant été proposé dans une consultation parue en juillet 2015.Le comité de Bâle considérant que beaucoup de transactions sont soit réalisées via une contrepartie centrale, soit couvertes par des appels de marge pour les opérations de gré à gré, le modèle interne est jugé trop complexe. Par ailleurs, la mise en place de la VaR CVA (Credit Value Adjustment) avec Bâle 3 a généré des coûts de mise en œuvre conséquents, qui seront désormais caduques et la charge en capital va surtout augmenter de manière significative !

Le maintien de la méthode IMM

Le maintien de la méthode IMM (Méthode des Modèles Internes) pour le risque de contrepartie sur opérations de marché avec l’introduction d’un floor basé sur l’approche Standard (future méthode SA-CCR pour les dérivés OTC (over the counter) / nouvelle méthode Standard pour les opérations de financement sur titres). Le maintien du modèle interne sur le risque de contrepartie est une bonne nouvelle pour les grands groupes bancaires français quand on sait que plus de 95% des opérations de marché sont en méthode IMM (source : documents de référence 2015).

Les paramètres utilisés dans les modèles internes sont également passés en revue

Le Comité de Bâle met en lumière le besoin d’harmonisation des paramètres utilisés dans le calcul des RWA du risque de crédit en modèle interne en proposant les principaux changements suivants :

Probabilité de Défaut (PD)

Stabilité des catégories de rating, historique de données incluant des années avec des dégradations plus importantes et prise en compte d’un facteur de risque pour l’effet saisonnalité.

Loss Given Default (LGD)

  • Méthodologie IRBF : abandon du minimum de collatéral requis pour les sûretés immobilières et autres sûretés garantissant des expositions Entreprises
  • Méthodologie IRBA : pour les expositions Entreprises et Clientèle de détail, prise en compte d’un add-on pour refléter l’impact d’un ralentissement économique avec application d’un floor qui viendrait en complément du floor sus-cité

Credit Conversion Factor (CCF)

  • Méthodologie IRBF : utilisation des CCF Standard
  • Méthodologie IRBA : utilisation des CCF Standard pour une grande partie des expositions (l’utilisation des CCF interne sera soumise à conditions)

Credit Risk Mitigation (CRM)

Abandon de la prise en compte du double défaut pour certains CDS et produits assimilés

La revue des modèles internes pour les portefeuilles Banques et Entreprises était une nécessité

A l’instar de ces propositions, il convient de rappeler que l’ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution) et l’EBA (European Banking Authority) avaient mis en exergue l’année dernière de fortes disparités dans les calculs de RWA en méthodologie IRB.

En effet, dans une étude publiée en mars 2015 sur les portefeuilles Entreprises, l’ACPR avait observé des différences de LGD à portefeuille équivalent du fait de divergences dans :

  • la prise en compte des garanties et leur modélisation ;
  • l’estimation des pertes ;
  • la marge de prudence liée aux erreurs d’estimation (cf. article 178 1.f) du règlement n°575/2013 du 26 juin 2013).

Par ailleurs, le rapport publié par l’EBA en juillet 2015 avait également démontré de fortes disparités dans les estimations de PD/LGD pour les portefeuilles Entreprises (à la fois en méthodologie IRBA et IRBF) et de LGD pour les portefeuilles bancaires.

Si les portefeuilles Banques, Autres Institutions Financières et Entreprises sont particulièrement remis en cause, c’est aussi parce qu’ils constituent historiquement des portefeuilles dont les taux de défaut sont faibles, ce qui rend d’autant plus difficile les estimations de pertes, ce que le Comité de Bâle souligne aussi dans les résultats d’une étude parue en juillet 2013.

L’introduction du floor en capital : où en sommes-nous ?

Même si les modalités du floor en capital ne sont pas encore connues, cette consultation propose que le floor agrégé représente entre 60% et 90% des RWA calculés selon la nouvelle méthode Standard, ce qui apparaît exorbitant !

En effet, l’actuel floor basé sur les CWA est bien moins contraignant, d’une part, parce qu’il inclut moins de composantes au dénominateur (non prise en compte des sous-périmètres IRC (Incremental Risk Capital) et CRM (Comprehensive Risk Measure) en risque de marché, du risque CCP (Central Counterparty), du risque de règlement-livraison, de la CVA et du risque opérationnel) et, d’autre part, le renforcement des fonds propres depuis le passage à Bâle 3 permet de couvrir largement l’équivalent fonds propres plancher des CWA (soit 8%*80%*CWA).

Bien que toutes ces propositions fassent l’objet d’une prochaine enquête QIS (Quantitative Impact Studies) qui sera menée courant 2016, le panel de réformes relatives au risque de crédit s’avère d’ores et déjà conséquent.

Au-delà même de la partielle remise en cause des modèles internes, cette consultation soulève deux points essentiels :

  • la pertinence des modèles internes ;
  • la sensibilité au risque.

Tendre vers des modèles de plus en plus standardisés signifie effacer les particularités du profil de risque propre à chaque établissement et remettre en cause les business models, avec l’abandon partiel, voire total de certains financements trop consommateurs en capital (rapport coût / gain en fonds propres).

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