Flash BankNews n°15 – Lutte contre le blanchiment et financement du terrorisme (LCB-FT) : un sujet plus que jamais d’actualité

Le gouvernement a annoncé le 23 novembre 2015, une série d'initiatives visant à améliorer la lutte contre le financement du terrorisme. Les supports de monnaie électronique sont particulièrement mis en évidence car ils garantissent un certain anonymat lors de l’utilisation de petits montants.

Ces initiatives viennent compléter le Plan d'action pour lutter contre le financement du terrorisme présenté par le ministre le 18 mars 2015. Ce plan s’articule autour de 8 mesures :

Limiter l’usage du cash dans l’économie :

  • Abaissement de 3 000 à 1 000 euros du seuil de paiement pour les personnes physiques ou morales résidentes en France et de 15 000 à 10 000 euros pour le seuil de paiement des non-résidents.
  • Signalement automatique des retraits et dépôts d’espèces supérieurs à 10 000 euros sur un mois.

Faire reculer l’anonymat :

  • Contrôle de l’identité pour l’acquisition, le rechargement et l’utilisation anonymes de cartes prépayées dès 250 euros (contre 2 500 euros actuellement)
  • Inscription au fichier FICOBA (Fichier national des comptes bancaires et assimilés) des comptes de paiement
  • Contrôle de l’identité pour toute opération de change dès que le montant s’élèvera à 1 000 euros (8 000 euros actuellement)
  • Contrôler davantage les transferts physiques de capitaux aux frontières
  • Appeler les établissements financiers à davantage de vigilance

Renforcer les capacités de gel :

  • Renforcement des capacités de gel contre les avoirs détenus par les financeurs ou les acteurs du terrorisme

Le dispositif LCB-FT, des obligations de vigilance et d’information renforcées

Le dispositif LCB-FT relève des dispositions des articles L. 561-1 et suivants et des articles R. 561-1 et suivants du Code Monétaire et Financier, complétées par des textes réglementaires d’application sectorielle (arrêté du 3 novembre 2014 relatif au contrôle interne des entreprises du secteur de la banque, des services de paiement et des services d’investissement soumises au contrôle de l’ACPR pour le secteur de la banque) et/ou non codifiés (arrêté du 2 septembre 2009 pris en application de l’article R. 561-12 du CMF et définissant les éléments d’information liés à la connaissance du client et de la relation d’affaires aux fins d’évaluation des risques de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme).

Ce dispositif repose sur deux volets complémentaires que sont les obligations de vigilance à l’égard de la clientèle et de la relation d’affaires, d’une part, et les obligations de déclaration et d’information à Tracfin d’autre part, auxquelles sont assujettis les organismes financiers soumis au contrôle de l’ACPR.

Au niveau européen, la version définitive de la quatrième Directive "anti-blanchiment" a été publiée en juin 2015 (Directive 2015/849 du 20 mai 2015, relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme). Cette 4ème directive Anti-blanchiment et Financement du terrorisme vise notamment à mettre le droit de l’Union européenne en conformité avec les recommandations du Groupe d’action financière internationale (GAFI) adoptées en février 2012. Cette directive, d’harmonisation minimale, donnera lieu à une transposition avant le 26 juin 2017 et le règlement entrera en vigueur à la date de cette transposition.

Les modifications introduites par la 4ème directive ne s’inscrivent pas dans une logique de bouleversement du cadre antérieur mais renforcent ce dispositif (cf. notre Flash n°11 La 4ème directive LCB/FT : des mesures de vigilance renforcées).

Tracfin : un service de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme

Début novembre, l’ACPR et Tracfin avaient révisé les lignes directrices sur la déclaration de soupçon publiées en juin 2010. Elles ont pour objet de préciser les attentes de la cellule de renseignement financier comme celles du superviseur concernant les obligations de déclaration et d’information à Tracfin. C’est un document de nature explicative qui n’a pas de caractère contraignant en lui-même.

Cette révision tient compte de la jurisprudence de la Commission des sanctions de l’ACPR concernant le respect des obligations de vigilance et de déclaration de soupçon en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT). Elle prend également en compte les évolutions législatives et règlementaires en la matière, notamment l’introduction dans le Code monétaire et financier des communications systématiques d’informations (COSI).

À la différence des déclarations de soupçon, la COSI est une obligation d’information systématique à  Tracfin. Elle a été introduite par les lois n° 2013-100 du 28 janvier 2013 et n° 2013-672 du 26 juillet 2013, dans deux domaines :

  • pour les opérations de transmission de fonds effectuées à partir d’un versement d’espèces ou au moyen de monnaie électronique,
  • pour les opérations financières présentant un risque élevé de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme en raison notamment du pays ou du territoire d’origine ou de destination des fonds, du type d’opération ou des structures juridiques concernées.

Les opérations entrant dans le champ de la COSI sont les suivantes :

  • Chacune des opérations sur un mois civil relatives à des versements en espèces effectués sur un compte de dépôt ou de paiement dès lors que les montants cumulés sur le mois civil dépassent 10 000 euros.
  • Chacune des opérations sur un mois calendaire relatives à des retraits en espèces effectués sur un compte de dépôt ou de paiement dès lors que les montants cumulés sur le mois calendaire dépassent 10 000 euros.
  • Tous les comptes de dépôt ou de paiement des personnes physiques et morales sont concernés sauf ceux ouverts au nom des personnes visé aux 1° à 7° de l’article L 561-2 du code monétaire et financier

Ces lignes directrices réaffirment, s’il en était besoin, que la connaissance de la relation d’affaire – processus KYC efficace est un préalable à la mise en place d’un profilage pertinent de la clientèle et à l’analyse d’opérations atypiques et à l’élaboration de déclarations de soupçon pertinentes.

Les insuffisances ou les lacunes dans la connaissance de la relation d’affaires, en particulier l’absence d’actualisation des dossiers client, ressortent fréquemment de l’exploitation des déclarations de soupçon, en particulier lorsqu’il s’agit de l’information sur la profession exercée et sur les revenus. Tracfin prend, pour illustration, le cas des personnes mentionnées comme étudiantes dans le dossier client jusqu’à un âge avancé de la vie.

Des déclarations de soupçons en nette augmentation

Les actions menées par l’ACPR et Tracfin ont permis d’identifier des typologies nouvelles ou récurrentes de blanchiment telles que des :

  • cas de fraude aux organismes sociaux par détournement de prestations sociales françaises versées à des retraités non-résidents,
  • cas de la production de faux documents par le client à l’entrée en relation d’affaires ou au cours de celle-ci,
  • opérations de rapatriement de fonds provenant de l’étranger avec régularisation fiscale réalisées par leur client.

Le dernier rapport annuel de Tracfin met, par ailleurs, en évidence que la progression des informations reçues enregistrée au cours des années précédentes s’accentue nettement passant de 28 938 informations adressées à Tracfin en 2013 à 38 419 en 2014 (+ 33 %). L’accroissement des signalements relatifs à la fraude fiscale expliquent en partie cette progression.

Ce rapport met également en évidence que les établissements de monnaie électronique ont procédé à une seule déclaration de soupçon en 2014 et les établissements de paiement à 1 631 déclarations, soit + 93,7% par rapport à 2013.

Des obligations également prévues pour les professions non financières : le cas des commissaires aux comptes

D’autres professions non financières sont également assujetties aux obligations relatives à la LCB-FT telles que les avocats, huissiers, experts-comptables et commissaires aux comptes.

Les commissaires aux comptes font partie des professions assujetties aux obligations légales de LCB-FT selon le Code monétaire et financier (L.561-2 et s.). A ce titre, ils doivent notamment se doter de procédures de contrôle interne au sein de leur cabinet et ont un devoir de vigilance à l’égard de l’identification de l’entité et du bénéficiaire effectif d’une part et à l’égard des opérations réalisés par l’entité d’autre part. Enfin, ils doivent faire une déclaration à Tracfin dès lors qu’ils « savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner » que les sommes sur lesquelles porte une opération proviennent d’une fraude fiscale (Uniquement lorsqu’il est en présence d’au moins un critère défini par le décret n°2009-874 du 16 juillet 2009) ou une infraction définie à l’article L 561-15 du Code monétaire et financier et dans la norme d’exercice professionnel n°9605 (Infraction, hors fraude fiscale, passible d’une peine privative de liberté supérieure à un an ou participant au financement du terrorisme (art. L 561-15, I, du Code monétaire et financier et NEP 9605 §18.).

Dans le secteur bancaire, les obligations des commissaires aux comptes décrites précédemment sont adaptées sur deux points :

  • en effet, les diligences nécessaires en matière d’identification de l’entité sont réduites lorsque cette entité ou le bénéficiaire effectif est un prestataire de services bancaires notamment ( Plus précisément, les personnes mentionnées aux 1 à 6 de l’article L.561-2 du Code monétaire et financier et sauf les cas expressément prévus par les articles R.561-7 et s. dudit code.),
  • en revanche, le commissaire aux comptes doit contrôler la mise en place par l’établissement de crédit des procédures prévues par les textes en matière de blanchiment. Les commissaires aux comptes porteront ainsi une attention particulière par exemple, aux procédures LCB-FT concernant les comptes de dépôts et le traitement des opérations sur titres (réglementation post BCCI).

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