Article | l’audit de début de mandat, un levier pour les collectivités face à la crise

Pour la Gazette des Communes, Edouard Lecoeur est revenu sur l'importance de l'audit de début de mandat en temps de crise

Changement d’équipes ou pas, les collectivités devront, avec cette nouvelle mandature, contenir fortement leurs dépenses de fonctionnement. Ceci implique de leur part une plus grande maîtrise financière pour proposer un projet politique qui réponde aux attentes de proximité exprimées par les usagers. En quoi l’audit de début de mandat constitue-t-il aujourd’hui, et plus que jamais, un atout pour les collectivités ?

Élaborer une feuille de route stratégique pour définir un projet réaliste

Les premiers mois d’un début de mandat sont une phase critique et sensible. Il s’agit du moment où se rencontrent les ambitions exprimées au cours de la campagne et la réalité de la situation locale. Les élus, dont certains le sont pour la première fois, doivent alors appréhender en seulement quelques semaines des enjeux complexes (fonctionnement des instances, de l’intercommunalité, d’un budget).

En effet, un mandat local, à la manière d’un projet, s’articule en quatre phases : la stratégie et la programmation ; la mise en œuvre ; l’entrée en « rythme de croisière » ; enfin, la finalisation et l’évaluation. En somme, les élus disposent de quelques mois à un an pour définir les grands axes du mandat.

Or, celui qui s’ouvre est déjà marqué par plusieurs contraintes calendaires liées au contexte sanitaire : entrée en fonction retardée et donc récente des conseils, report de la date butoir du vote du budget 2020 et du compte administratif 2019 au 31 juillet 2020, entre autres.

Il convient pourtant de prendre le temps de concevoir minutieusement la feuille de route stratégique. Ne serait-ce que parce que les documents qui lui donnent corps (plan pluriannuel d’investissement, gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences, schéma de mutualisation, etc.) constitueront la pierre angulaire des six prochaines années et le référentiel à partir duquel le mandat sera évalué. Pour cela, un prérequis consiste à connaître la situation financière de la collectivité.

Une rétro-prospective financière plus que jamais indispensable

La définition d’une feuille de route stratégique est une initiative émanant le plus souvent de l’élu et/ou du couple élu-directeur général des services (DGS). Pour les nouveaux maires, l’objectif est de se familiariser avec la situation léguée par leur prédécesseur. Les élus reconduits dans leurs fonctions chercheront, quant à eux, à anticiper les contraintes futures du budget. Associer le DGS à la démarche peut enfin souligner la volonté de définir un véritable repère de gestion qui structurera le travail de l’administration.

L’audit de début de mandat repose sur une méthodologie souvent bien connue des élus. Le travail de rétro-prospective financière est en effet un indispensable puisqu’il donne la mesure réelle de la situation financière de leur collectivité. Cependant, afin de dresser un panorama le plus réaliste possible, la valeur ajoutée du travail résidera en ce début de mandat dans la capacité à se projeter dans un environnement incertain.

La nouvelle équipe en place devra nécessairement prendre en compte les répercussions sociales et économiques majeures résultant de la crise. De nouvelles tensions sont effectivement à prévoir sur les budgets. L’augmentation des dépenses nécessaires au soutien des administrés et la contraction attendue des recettes fiscales engendreront des difficultés de trésorerie qui impacteront sans doute les priorités du mandat. Récemment, le Sénat a estimé les pertes de recettes pour l’ensemble des collectivités sur la période 2020-2021 à 14 Mds d’€ (dernière estimation : 7,25 Mds d’€ pour la seule année 2020).

Cette analyse devra également considérer l’évolution du cadre juridique : à savoir, la future loi dite « loi 3D » sur la décentralisation, différenciation et déconcentration ; le deuxième acte de la contractualisation Etat-collectivités ; la réforme de la fiscalité locale avec la suppression de la taxe d’habitation à horizon 2023 qui impactera l’autonomie fiscale et les indicateurs financiers pour le calcul des dotations.

Auditer pour anticiper, gagner en performance et en agilité

L’audit de début de mandat s’appuie sur une analyse financière mais a vocation à s’étendre aux enjeux stratégiques et organisationnels. Car au-delà des aspects purement financiers, la démarche d’audit peut aussi être l’occasion de s’interroger sur d’autres leviers. Les bénéfices que pourront en attendre les collectivités dépendront en partie de leur taille : si l’audit financier s’adresse à toutes les collectivités, certaines réflexions peuvent particulièrement intéresser celles disposant de plus d’une dizaine d’agents.

La synergie entre les aspects financiers et organisationnels apparaît, à cet égard, particulièrement intéressante : comment, par le fonctionnel, gagner en performance ? Et ce, d’autant plus que la nouvelle équipe communale devra de plus en plus intégrer les mutations organisationnelles à l’œuvre dans l’ensemble du secteur public local.

D’une part, les organisations tendent à devenir plus transversales. En témoigne l’intérêt grandissant des collectivités pour des sujets comme l’agilité, ou encore la relation client-fournisseur interne, principalement entre les services supports et métiers.

D’autre part, de nouvelles méthodes, à l’instar du « design thinking », visent à placer l’usager au cœur des projets de la collectivité, y compris dans son organisation. Celle-ci tend donc à devenir de plus en plus inclusive : alors comment s’appuyer sur l’intelligence collective pour construire une organisation « qui a du sens » ? Parmi les initiatives menées, plusieurs peuvent être soulignées : immersion « dans la peau d’un usager », mise en place de guichets uniques, organisation de sessions de réflexion collective autour du thème « bâtir un organigramme lisible pour les usagers et les partenaires », etc.

Les nouvelles attentes formulées à l’égard des collectivités, couplées aux contraintes attendues sur les budgets, sont pour les élus autant d’incitations à réfléchir en profondeur aux pratiques. Les récents débats qui ont irrigué la campagne municipale ont ainsi mis en avant le souhait de transformer la culture d’organisation actuelle, plutôt verticale et hiérarchique, en introduisant davantage de transversalité entre les ressources et compétences de la collectivité. La concrétisation de ces ambitions sera une des évolutions à suivre dans les prochains mois.

Article paru dans La Gazette des Communes

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