Sustainable Supply Chain Financing : sécuriser les approvisionnements et embarquer les fournisseurs dans les initiatives ESG

Le 5 mai 2022 |
Les entreprises sont actuellement confrontées à une double urgence. D’un côté, la crise sanitaire et le conflit en Ukraine génèrent des tensions importantes sur les chaînes d’approvisionnement et sur les prix. De l’autre, face à une dynamique réglementaire et sociétale soutenue, il devient indispensable pour l’entreprise d’identifier ses enjeux RSE et de déployer des démarches ESG (Environnement Social Gouvernance) y contribuant. Face à ces défis, le Sustainable Supply Chain Financing (SSCF), ou Affacturage Inversé Collaboratif Durable, apparaît comme un outil pertinent permettant de créer un cercle vertueux tout en faisant converger les intérêts des directions Trésorerie et Financement, des directions Achats et des Banques.

En quoi consistent les programmes de Supply Chain Financing (SCF) ?

Les programmes de Supply Chain Financing sont alternativement appelés Affacturage Inversé Collaboratif, Reverse Factoring, Paiement Fournisseur Anticipé, etc. Ils s’appuient sur un contrat tripartite dans lequel le donneur d’ordres mandate un intermédiaire (le factor, banque ou institution spécialisée) pour régler directement ses fournisseurs, tandis que lui s’engage à rembourser l’intermédiaire à la maturité de la facture fournisseur ou selon un calendrier lui permettant d’optimiser sa trésorerie.

Selon la façon dont ils sont structurés, les programmes de SCF permettent d'adresser plusieurs objectifs potentiellement très différents. D'un côté, le fournisseur peut obtenir de la visibilité sur ses délais de paiement et bénéficier de la qualité de crédit du donneur d'ordres pour accéder à des conditions de financements (plus) favorables. Le donneur d'ordres peut quant à lui sécuriser sa chaine d’approvisionnement, contribuer de façon positive à sa politique de RSE ainsi que négocier avec son fournisseur pour bénéficier de l’économie réalisée in fine sur le coût de financement de celui-ci (par exemple via un discount commercial ou l’allongement des délais de paiement). Dans sa version verte ou durable, le SSCF, permet au donneur d’ordres de sécuriser sa chaîne d’approvisionnement tout en encourageant les initiatives ESG de ses fournisseurs et ainsi soutenir ses propres engagements ESG et plus généralement sa politiques RSE.

Un outil de sécurisation des approvisionnements

Les appels d’offres récents liés à la mise en place de programme de SCF mettent ainsi en avant la volonté croissante des donneurs d’ordres de sécuriser leur base de fournisseurs stratégiques et de maintenir l’offre fournisseurs. Car le SCF est une composante d’une relation soutenue et équilibrée dans la durée entre le fournisseur et le donneur d’ordres. Il est en effet utilisé comme une offre de services mise à la disposition de l’ensemble des fournisseurs et non pas comme un outil de négociation pour allonger les délais de paiement.

De façon plus générale, 55% des entreprises privées et 80% des entreprises publiques ont réalisé des paiements fournisseurs anticipés durant la crise sanitaire afin de soutenir leurs chaînes d’approvisionnement. Un développement accru des programmes de SCF permettrait ainsi de pérenniser cet accès à la liquidité pour les entreprises. Etant donné qu’une entreprise sur deux travaille avec le secteur public, les marchés publics constituent de façon évidente un réservoir de trésorerie très important afin de soutien à l’économie réelle.

Les programmes de SCF permettentd’encourager les démarches ESG

L’introduction de critères ESG dans les programmes de SCF permet d’offrir des conditions de financement bonifiées aux fournisseursrespectant les critères sélectionnés par le donneur d’ordres. Dans la plupart des cas cependant, ce n’est pas tant le taux bonifié que l’accès même à la liquidité qui est décisif pour inciter le fournisseur à entreprendre des démarches ESG. Il est ainsi possible d’envisager, de manière alternative, un accès à la liquidité aux seuls fournisseurs respectant les critères ESG ou aux seules factures avec un sous-jacent « green ».

Dans sa conception même, le SSCF contribue ainsi à aligner les objectifs ESG du fournisseur avec ceux du donneur d’ordres. Le fournisseur est en effet incité à aligner ses engagements ESG avec ceux du donneur d'ordres afin de rester un fournisseur de premier rang. Cet alignement a un intérêt évident : le scope 3 d’une entreprise en termes d’émissions de gaz à effet de serre, qui est par ailleurs la part la plus difficile sur laquelle agir, correspond au scope 1 et 2 de ses fournisseurs.

Pour une entreprise dont la démarche ESG est bien ancrée dans les étapes de référencement et négociation fournisseurs (amont), la mise en œuvre de critères ESG dans les programmes de SCF (aval) contribue à assurer la cohérence sur toute la chaîne du processus achats. Au travers d'un SSCF, le donneur d’ordres se positionne dès lors en tant qu’accompagnateur des fournisseurs dans leurs démarches de progrès et incite ces derniers à rester compétitifs dans la durée.

Le SSCF peut contribuer au financement de la transition énergétique

Le SSCF peut ainsi contribuer de manière directe au financement de la transition énergétique en apportant de la liquidité aux fournisseurs pour transformer leurs outils ou modes de production. Le SSCF facilite également de manière indirecte l’accès aux financements pour les fournisseurs en améliorant leur bas de bilan et en renforçant l’appétence des prêteurs, ceux-ci étant de plus en plus à la recherche de sous-jacents ESG.

Le déploiement des programmes de SSCF permet par ailleurs l'accès à une base prêteurs élargie pour les TPE / PME. Autre avantage notable, la structuration des programmes de SSCF permet également d’affecter la bonification du coût du financement au financement d’initiatives et de projets responsables, et par là même contribuer au cercle vertueux.

Mise en place d’un référencement par la Médiation des entreprises

Face à la diversité des programmes de SCF, il peut être parfois compliqué pour le fournisseur de s’y retrouver. La Médiation des entreprises prévoit ainsi de mettre en œuvre à partir du second semestre 2022 un référencement des programmes de façon à permettre aux fournisseurs d'être en mesure d'objectiver leur choix envers les donneurs d'ordres vertueux.

Le référencement, qui sera renouvelé sur un pas annuel, apportera la caution du Ministère de l’Économie sur les 5 critères suivants :

  1. le fournisseur est libre d’entrer ou de sortir du programme et de solliciter ou non un préfinancement,
  2. le programme est ouvert à tous les fournisseurs récurrents et quelle que soit leur taille,
  3. le programme est assorti d'une démarche de communication / sensibilisation,
  4. le programme intègre des critères ESG,
  5. les intérêts économiques pour le fournisseur sont démontrés par le donneur d’ordres.

La collecte de l’information ainsi que l’onboarding des TPE et PME posent encore question

A ce jour, le SSCF en est encore à ses prémisses et sa mise en œuvre comporte encore plusieurs questions ouvertes. L'intégration de la dimension ESG au sein d'un programme de SCF peut prendre plusieurs formes : les programmes peuvent ainsi reprendre les critères ESG du donneur d’ordres, intégrer ceux du fournisseur ou se baser sur des rating externes (par exemple EcoVadis). Dans tous les cas, se pose une question fondamentale : celle de la collecte et de la consolidation de l’information extra-financière.

En outre les TPE et PME n’ont bien souvent pas les ressources qualifiées ou les disponibilités nécessaires pour répondre aux questionnaires ESG au travers desquels sont généralement collectées ces informations. Au-delà, la mise en place d’une notation extra-financière et son suivi peut par ailleurs s'avérer chronophage et donc coûteuse pour ces entreprises. Au sein de cette dynamique transition énergétique, les banques et fintechs ont dès lors un rôle primordial à jouer en assurant le développement de solutions permettant d’automatiser et de digitaliser l’accès à l’information et le suivi de l'information extra-financière.

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