Bail commercial : peut-on déroger au statut des baux commerciaux ?

Le 20 avril 2023 |
Le statut des baux commerciaux a vocation à s’appliquer, par principe, à toute location d’un local pour l’exploitation d’une activité commerciale, artisanale ou industrielle. Or, les contraintes du bail commercial peuvent conduire les parties à vouloir y échapper. Bail précaire, bail dérogatoire, location saisonnière… Il existe des possibilités permettant de déroger, sous conditions, au statut d’ordre public des baux commerciaux et à ses contraintes.

Le bail commercial, un statut protecteur

Le statut des baux commerciaux, qui vise à encadrer les relations entre le bailleur et le locataire d’un local commercial, est plutôt protecteur des intérêts du locataire. On rappellera que sa conclusion implique un engagement d’une durée minimale de 9 ans, avec la possibilité pour le preneur de résilier le bail à chaque échéance triennale. En outre, le preneur a également droit au renouvellement de son bail, le bailleur ne pouvant s’y opposer qu’à condition de verser une indemnité d’éviction, sauf motif légitime.   

Cependant, certains impératifs économiques peuvent conduire les parties à ne pas vouloir s’engager sur une trop longue durée, et à bénéficier d’une plus grande souplesse. Quelles solutions s’offrent alors à elles lorsqu’elles souhaitent déroger au statut des baux commerciaux ?

Solution n°1 : le bail dérogatoire ou bail de courte durée

Le bail dérogatoire est un contrat de location de local commercial de courte durée permettant de déroger au statut des baux commerciaux. L'article L. 145-5 du Code de commerce stipule en effet que les parties peuvent déroger au statut des baux commerciaux, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs n’excède pas trois ans. Au-delà de cette durée, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogatoire pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux.

Si à l’expiration de cette durée, et au plus tard sous un mois, le preneur est laissé en possession du bien, un nouveau bail entre en vigueur, régi cette fois par les règles applicables aux baux commerciaux. Les clauses et conditions du bail dérogatoire qui ne sont pas contraires au statut des baux commerciaux seront également applicables.

Pour bénéficier du statut des baux commerciaux, le preneur devra impérativement continuer d’exploiter son fonds de commerce dans les locaux loués. L’inscription au RCS n’est pas exigée (Cass. 3e civ., 25 oct. 2018, n° 17-26.126).

Dès lors que ces conditions sont remplies, le preneur peut invoquer l’existence d’un bail commercial, quelle que soit la durée initiale du bail et ce, même s’il a été conclu pour une durée inférieure à 3 ans (Cass, 3e civ, 8 juin 2017 n°16-24.045).

Le statut des baux commerciaux sera également applicable même si le preneur y a explicitement renoncé à l’issue de chaque bail dérogatoire (Cass, 3e civ, 22 octobre 2020, n°19-20.443), et quand bien même il changerait d’activité (Cass. 3e civ., 31 mai 2012, n° 11-15.580 : JurisData n° 2012-011750).

S’il souhaite s’opposer au maintien du locataire dans les lieux, le bailleur doit impérativement manifester son refus au locataire et l’inviter à partir, par lettre recommandée avec AR ou par acte d’huissier dans le délai d’un mois à compter de l’expiration du bail dérogatoire. Dans une telle hypothèse, le bailleur ne sera pas tenu de verser une indemnité d’éviction.

La jurisprudence est d’ailleurs venue préciser qu’aucune clause du bail ne peut dispenser le bailleur de faire connaître au preneur son opposition à son maintien dans les lieux (Civ, 3e 4 mai 2010, n°09-11.840).

Dans l’hypothèse où le preneur resterait dans les lieux malgré le refus du bailleur, ce dernier devra engager une procédure d’expulsion.

Le preneur pourra quant à lui agir en justice pour faire constater l’existence d’un bail commercial dans un délai de 5 ans, à compter de l’expiration du bail dérogatoire (Cass. 3e civ., 1er oct. 2014, n° 13-16.806)

Enfin, il convient de noter que le bailleur peut, lui aussi, se prévaloir de l’application du statut des baux commerciaux en cas de maintien du locataire dans les lieux à l’issue du bail dérogatoire. Le preneur doit donc quitter les lieux à l’expiration du délai d’un mois, faute de quoi il se retrouverait engagé pour un minimum de 3 ans.

Solution n°2 : la location saisonnière

En application de l’article L. 145-5 du Code de commerce, la location à caractère saisonnier est expressément exclue du statut des baux commerciaux. La location est alors limitée à une période d'activité économique (par exemple, pendant la saison estivale ou hivernale) et les locaux doivent impérativement être restitués à la fin de la saison.

Dès lors que l’occupation des locaux est discontinue, et même si les locations saisonnières sont renouvelées régulièrement, d'une saison sur l'autre, le statut des baux commerciaux ne sera pas applicable (Cass. 3e civ., 14 nov. 1973, n° 72-11.702).

Toutefois, si le locataire conserve la jouissance des locaux de manière continue en conservant les clés ou en entreposant du matériel, la convention pourra être requalifiée en bail commercial, quand bien même son exploitation effective serait uniquement saisonnière (Cass. 3e civ., 15 janv. 1992, n° 90-13.865).

Solution n°3 : la convention d’occupation précaire

La convention d’occupation précaire constitue une dernière possibilité de déroger au statut des baux commerciaux. Elle présente d’incontestables avantages pour les propriétaires comme pour les occupants. Ce statut ne peut être retenu qu’en présence de circonstances particulières indépendantes de la volonté des parties, caractérisant la précarité (art. L145-5-1 du Code de commerce).

Le motif de précarité s’apprécie au jour de la signature de la convention (Cass. 3e civ., 7 juill. 2015, n° 14-11.644).

À titre d’exemple, ont pu être considérées comme valables :

  • la convention portant sur un immeuble destiné à être démoli ou reconstruit (CA Grenoble, 8 janv. 2008 : JurisData n° 2008-354964) ;
  • la convention signée dans l’attente de l’achèvement de la construction d’un entrepôt (CA Paris, 16e ch. A, 11 oct. 2005 : JurisData n° 2005-331410).

Il existe donc différents outils juridiques permettant d’éviter la conclusion d’un bail commercial. Il convient toutefois de les manier avec prudence, afin d’éviter tout risque de requalification  en bail commercial.

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